C'est un livre qui lui tenait à cœur mais il n'a pas eu le temps de savourer sa naissance et de feuilleter ces pages qui sentent l'encre frais et la poésie de l'exil. Très peu connu, le traducteur Mohamed Hideur a traduit, en version arabe, les poèmes du chanteur Slimane Azem, mais trépassa avant de les publier et c'est sa rejeton Djohar qui s'est occupée de cette publication parue récemment sous le titre sobre, " Le poète de l'exil", aux éditions El Amel de Tizi Ouzou. Cette publication n'est pas un événement en soi puisque d'autres avant lui, comme l'écrivain et journaliste Rachdi Mokhtari, ont eu à paraphe des ouvrages disséquant poésie et chansons de ces chanteurs de l'exil. Ce semble être, en revanche, un véritable événement, c'est sans doute et c'est une première, la traduction du kabyle à l'arabe de la prose du chanteur disparue. "Le poète de l'exil " est un contenu danse dans lequel le lecteur peut retrouver des traductions en arabe et en français d'un Simane Azem qui s'est beaucoup inspiré des Fables de la Fontaine pour dire ce qui, à ses yeux, semble être les pires des maux. Cette publication intervient avec la commémoration du 19e anniversaire de la disparition de ce chanteur un 28 janvier 1982 dans sa ferme, lui qui redoutait, comme la peste un trépas dans l'exil. Selon les notes biographiques qu'à consigné Mohamed Hideur dans ce livre, la poésie de Slimane Azem est " imprégnée du patrimoine oral kabyle, notamment des poèmes de Si Mohand Ou Mhand, grand poète du 19e siècle surnommé Omar El Khayam de la Kabylie". Ses textes ont tous un rapport direct avec ses compatriotes qui évoluaient dans le même contexte sociopolitique, s'étaient connus, et s'étaient mutuellement aidés en terre française, où il était ardent de vivre et de s'exprimer quand on était Maghrébin. Chanteur d l'exil par excellence, l'approche est vue différemment selon les chercheurs. Pour Rachid Mokhtari par exemple, il faut faire une distinction entre l'émigration et l'exil. Deux phénomènes qui, selon lui, ne diffèrent pas en apparence " mais, en profondeur, les deux concepts sont tout à fait contradictoires ". Pour lui "l'exil est le versant émotionnel de l'émigration". Et dans la chanson kabyle, cela apparaît très clairement. Les chanteurs ayant marqué les années 1950, 1960 et même 1970 ont tous chanté l'exil, L'ghorva. Cela ne veut pas dire que Slimane Azem s'est confiné qu'à ce sujet puisque, selon les notes de Mohamed Hideur, ces poèmes "portent aussi sur des sujets variés ayant trait à la condition de ses compatriotes dont il se proclamait l'émissaire. " Traditionnaliste, moraliste, l'auteur optera pour faire découvrir ce chanteur de l'exil pour des poèmes où il y a une forte odeur de morale. Parmi cette poésie il citera, Zman tura yexxerwed (le temps du chaos), Terwi teberwi (Tout est sens dessus dessous). Il évoquera également d'autres sujets poétiques comme celui de Idrimen (L'argent), le déshonneur "nnif", la misère et la délinquance comme dans Berka yi tisit nccrab. Personnage ambigüe, Mohand Hideur soulignera que bien que le poète soit rebelle, ses chansons portent en elles tant de signes religieux et traditionnels. Son thème récurent demeure celui de l'exil, de l'identité et de la terre natale, Tamurt iw (Mon pays bien aimé), explique Mohand Hideur. Fait important, l'auteur de " Poète de l'exil " fait remarquer qu'il n'existe pratiquement dans tout le répertoire de Slimane Azem aucune chanson sur l'amour lyrique. Ses chansons sont, en quelques sortes, softs et s'adressent à une population très ancrée dans le traditionnel. Un enfant des montagnes Né le 19 septembre 1918 à Agouni Gueghrane, un petit village situé sur les contreforts des monts du Djurdjura, Slimane Azem était fils d'un modeste paysan. Médiocre à l'école, il ne se passionne que pour les Fables de la Fontaine qui influenceront tous ses écrits et compositions. A l'âge de 11 ans, il devient employé agricole chez un colon de Staoueli, petite station balnéaire près d'Alger (sur sa plage avait eu lieu le débarquement français en 1830). En 1937, il débarque à Longwy et trouve un travail de manœuvre dans une aciérie avant d'être mobilisé, lors de la " drôle de guerre ", à Issoudun. En 1940, il est réformé et s'en va à Paris où il est embauché comme aide électricien dans le Métro. Deux ans après, il subit la déportation par les troupes allemandes et reste en Rhénanie jusqu'à sa libération, en 1945, par les Alliés. Une rumeur tenace, au cours de la lutte pour l'Indépendance, a insinué que le village natal de Slimane se serait rallié aux forces d'occupation françaises. Accusé de collaboration, le chanteur est contraint de s'installer en France en 1962. Il devient alors une voix légendaire que les Algériens de là-bas ne peuvent écouter que sur Radio Paris dans son quart d'heure kabyle quotidien. Azem est, de fait, interdit d'antenne dans son propre pays et ses disques ne circulent que sous le manteau ; on ne lira son nom, en minuscules, que dans les brèves d'un quotidien du bled. En 1970 il obtient, avec la chanteuse Noura, un disque d'or, l'imposant comme une des meilleures ventes hexagonales. Il devient, en même temps que de grandes vedettes françaises, sociétaire de la SACEM.