La Banque centrale européenne (BCE) fait pression sur les pays de la zone euro pour que le fonds mis en place pour assister les pays en difficulté financière, reprenne les 77 milliards d'euros d'obligations publiques de ces pays qu'elle a rachetées, selon le Spiegel. Selon l'édition d'hier de l'hebdomadaire allemand, dont des extraits ont été diffusés à l'avance vendredi, le président de la BCE Jean-Claude Trichet pousserait tout particulièrement à une telle démarche, désireux de débarrasser l'institution de ce fardeau. La BCE a commencé en mai dernier, au cœur de la crise de la dette grecque, à racheter sur le marché secondaire des obligations publiques, d'abord de la Grèce, et depuis aussi de l'Irlande et du Portugal, pour un total de 77 milliards d'euros à ce jour. La BCE veut se décharger de cette tâche, qui sort largement du cadre de sa mission de garantie de la stabilité des prix, sur les pays européens, et plus spécifiquement sur le fonds commun de prêt mis en place au printemps dernier, le FESF, qui deviendra à partir de 2013 un mécanisme permanent (ESM). Jeudi, le président de la BCE Jean-Claude Trichet, a surpris les marchés en faisant miroiter un tour de vis monétaire imminent, alors que le taux directeur de la BCE est à un plus bas niveau historique de 1,0% depuis mai 2009. L'objectif pour la BCE est de juguler l'inflation dans la zone euro. Selon une enquête menée par Reuters auprès d'économistes, une majorité d'entre eux s'attendent à trois relèvements de petite ampleur cette année, ce qui porterait le taux à 1,75% fin 2011. Les pays qui souffriraient le plus d'une telle mesure sont l'Irlande, l'Espagne et la Grèce. Tous trois sont marqués par un pourcentage élevé de crédits hypothécaires à taux variable, un secteur bancaire fragile et le fait d'avoir un programme de consolidation budgétaire en cours. Un taux d'intérêt bas représente un "coussin" pour plusieurs milliers de propriétaires irlandais ayant souscrit à un crédit hypothécaire. En le supprimant, nombre d'entre eux pourraient subitement ne plus pouvoir honorer leurs remboursements, ce qui créerait un nouveau "trou noir" pour les banques du pays, déjà confrontées à des pertes massives liées à la crise de l'immobilier commercial. Selon des données publiées la semaine dernière par la banque centrale d'Irlande, le nombre de crédits hypothécaires immobiliers en situation d'arriérés a bondi de plus de 50% en 2010. Un sur dix est soit dans cette situation, soit a été restructuré. De plus, 80% environ des crédits dans l'immobilier résidentiel irlandais sont à taux variable et 50% sont indexés sur les taux de la BCE. En Espagne, près de 90% des crédits hypothécaires sont liés au taux Euribor à douze mois, qui a augmenté de 25 points de base depuis le début de l'année. Le service d'un prêt de 100 000 euros coûte en conséquence 250 euros de plus. L'impact d'une hausse des taux à Francfort ne devrait cependant pas avoir sur l'Espagne un effet aussi marqué que sur l'Irlande, estime Holger Schmieding, économiste chez Berenberg Bank. En Grèce, le relèvement des taux de la BCE aurait pour principal effet d'accroître les coûts de financement des banques. Ces dernières dépendent en effet de la BCE pour se procurer des liquidités depuis que les portes du marché interbancaire leur ont été fermées par la crise de la dette souveraine du pays. Le financement apporté par l'institution aux banques grecques a atteint 95 milliards d'euros, soit 19% environ du montant total des actifs du système bancaire national. Le Portugal, généralement présenté comme le prochain pays contraint de solliciter un programme d'aide financière internationale, verrait ses exportations souffrir d'une série de petites hausses des taux. Le pouvoir d'achat des consommateurs fortement endettés en pâtirait également, mais la mesure n'aurait a priori pas d'effet intolérable sur l'économie nationale. L'impact sur l'Italie serait quant à lui atténué par les niveaux d'endettement peu élevé du secteur privé. "Je pense que personne n'est prêt à abaisser sa prévision sur la croissance italienne de cette année ou de la suivante, sur la seule base d'un relèvement des taux plus agressif que prévu", a estimé Marco Valli, économiste chez Unicredit.