La finance "halal" ne peut se développer que si les autorités permettent aux Africains de souscrire aux offres bancaires en fonction de leurs convictions personnelles. L'intermédiation financière conforme à la Charia en Afrique, selon le fondateur du cabinet Isla-Invest, Zoubeir Ben Terdeyet, a tourné autour de 30 milliards de dollars en 2010, ce qui représente environ 3 % des actifs de la finance islamique mondiale. Cette part marginale s'explique par le fait que le système financier conventionnel reste dominant partout sur le continent, sauf au Nord-Soudan, qui dispose d'un secteur bancaire à 100% "Charia-compatible ", a-t-il signalé. Au Maghreb, l'ouverture aux produits islamiques se fait aux compte-gouttes. Au Maroc, les ajustements fiscaux de 2009 ont permis à Attijariwafa Bank Dar Assafaa de capter une nouvelle clientèle, mais le royaume reste fermé aux acteurs étrangers. En Algérie, les banques ne se bousculent pas pour vendre des produits islamiques. Al-Baraka Bank-Algérie est, cependant, la plus rentable du pays avec un ROE de 30%, a-t-il ajouté. En Afrique anglophone, une bonne dynamique a été enclenchée. Le Nigeria adoptera bientôt une réglementation relative à la supervision d'institutions offrant des services financiers sans intérêt. Au Kenya, deux banques islamiques ont vu le jour en 2010 alors que les banques sud-africaines multiplient l'ouverture de fenêtres islamiques. L'Afrique subsaharienne francophone reste, par contre, à la traîne. Globalement, le continent est très loin de son potentiel qui a été estimé à 235 milliards de dollars par Moody's Investors Service. Il reste convaincu que le principal frein au développement de la finance islamique sur le continent est la règlementation inadaptée. L'écrasante majorité des règlementations bancaires africaines sont, en effet, d'inspiration conventionnelle. L'absence d'ajustements fiscaux et réglementaires, permettant aux banques islamiques d'exister ou d'opérer dans un cadre plus comparable avec les banques conventionnelles, entraîne un manque de liberté au niveau du choix des offres bancaires pour les populations. En fait, la plupart des pays africains hésitent souvent à ouvrir les portes à un système qu'ils considèrent politiquement assez marqué, précise-il, avant d'ajouter: "Cette laïcité outrancière et imposée d'en haut freine la finance islamique sur le continent". Or, la finance halal ne s'adresse pas qu'aux musulmans. Elle s'inscrit plus largement dans le courant universel de la finance éthique. Il faudrait, dès lors, ouvrir la voie à cette finance alternative et permettre aux Africains de souscrire aux offres bancaires en fonction de leurs convictions personnelles, a-t-il expliqué. Ce n'est que de cette façon que la finance islamique peut se développer et contribuer au décollage économique du continent. Concernant les produits financiers islamiques adaptés à l'Afrique, ce spécialiste a affirmé que la finance islamique dans sa globalité est plus adaptée aux réalités africaines que la conventionnelle. C'est une finance qui favorise l'investissement et encourage la rigueur, car le bénéfice et la perte sont partagés. La Mudharaba est, à titre d'exemple, un contrat par lequel la banque islamique apporte l'ensemble des capitaux nécessaires au projet à l'entrepreneur dit "Moudharib " qui, lui, ne va apporter que son capital travail et ses connaissances. En cas de perte, la banque subit une perte financière et l'entrepreneur (Mudharib) subit une perte de son coût d'opportunité (temps et travail). Ce n'est qu'en cas de fraude ou de négligence avérée que le Mudharib sera appelé à supporter les pertes.