Déterminés à faire entendre leur ras-le-bol de la crise et du chômage, des centaines de jeunes restaient mobilisés, hier, dans le campement de la Puerta del Sol à Madrid, considéré comme illégal, ils continuent quand même leur manifestation.Hier matin, un millier de manifestants occupaient toujours le village de tentes et de bâches en plastique bleu, Ces jeunes ne lâchent pas prise, la foule, beaucoup plus nombreuse que les jours précédents, n'avait commencé à se clairsemer qu'en fin de nuit. Veillant assis en cercle, discutant, jouant de la musique, dormant sous les tentes ou à la belle étoile sur des cartons. Un camp de bâches en plastique montées sur des structures en bois et de tentes de camping a surgi sur la place, avec des "stands" dédiés à la cuisine, l'accueil, les soins médicaux, et aussi à la communication. Avant-hier soir, la manifestation comptait 19 000 manifestants à la Puerta del Sol et dans les rues alentour, toutes bondées. D'autres médias estiment leur nombre à 25 000 à Madrid et 60 000 dans toute l'Espagne. "C'est quelque chose de nécessaire, parce qu'en Espagne on ne savait pas que les gens étaient capables de faire cela. Nous vivons enfin quelque chose", confie Julia Estefania, une étudiante en sciences politiques de 20 ans venue de Tolède. La présence policière restait discrète, avec seulement quelques voitures de police garées dans les rues voisines. La mobilisation générale se veut apolitique, organisée et pacifique. Il suffit de passer par la Puerta del Sol pour le constater : des panneaux interdisant l'alcool, la violence ou tout type de conduite qui pourrait nuire à l'image de ce qui est en train de se passer. A deux jours des élections locales qui s'annoncent désastreuses pour les socialistes au pouvoir, le gouvernement, très embarrassé, a promis d'agir avec mesure tout en "appliquant la loi", qui impose le respect de la trêve électorale. La détermination des manifestants, place le gouvernement en position délicate, l'obligeant à choisir entre la méthode policière, très risquée, ou une souplesse qui ne manquerait pas de lui attirer des critiques. "Nous allons appliquer la loi pour garantir les droits et la liberté de l'ensemble des citoyens", a déclaré avant-hier le ministre de l'Intérieur, Alfredo Perez Rubalcaba. Dans ce contexte, le mouvement de jeunes, profitant de sa popularité grandissante, joue sur l'ambigüité de la loi et l'embarras du gouvernement, en répétant qu'il est "apolitique", "citoyen". "Nous agissons dans le respect absolu de la trêve électorale, des assemblées vont se tenir mais aucune action ne sera décidée", expliquait hier Juan Lopez, l'un des porte-parole. Cela fait presque une semaine que le mouvement spontané rassemble des jeunes mais aussi de citoyens de tous horizons et de tous âges, chômeurs, étudiants, retraités, salariés. Le mouvement, au nom du "droit à s'indigner", dénonce la mainmise des grands partis sur la vie politique espagnole, l'injustice sociale, les dérives du capitalisme, la "corruption des politiciens" et se veut un laboratoire d'idées pour des réformes à venir. Surtout, il trahit la frustration de millions d'Espagnols face au chômage qui atteint un taux record de 21,19% et frappe près de la moitié des moins de 25 ans. Le mouvement, né sur la place la plus emblématique du vieux centre madrilène. Les manifestants ont désormais l'intention de poursuivre le mouvement demain, a indiqué Juan Lopez, et coïncider ainsi avec les élections locales.