Des milliers d'Espagnols continuaient à occuper, hier, les principales places des grandes villes de la péninsule ibérique pour protester contre le chômage et les mesures d'austérité. Ils bravent ainsi une interdiction de manifester avant des élections locales d'aujourd'hui qui s'annoncent défavorables aux socialistes au pouvoir. Ils étaient plus de 25 000 vendredi soir à la Puerta del Sol, principale place de Madrid. Ils appellent au boycott des deux grands partis du pays, le PSOE au pouvoir et le PP (opposition de droite), aux élections municipales et régionales prévues dans 8116 communes et 13 des 17 régions du pays. Craignant de violents affrontements, le gouvernement socialiste n'a pas fait appliquer par la force l'interdiction de manifester, qui est entrée en vigueur à minuit et rend illégaux les rassemblements politiques une veille d'élections. Si les perspectives économiques maussades ont fédéré une partie de ces «indignés», leurs revendications sont plus larges. A la veille d'élections locales, ils fustigent le système qui voit s'affronter le PP et le PSOE, sans que les partis de gouvernement ne les représentent. Depuis que ce mouvement a pris de l'ampleur, tous les journaux espagnols publient des interviews de l'homme politique où il affirme notamment être «très agréablement surpris par les mouvements de contestations». Les manifestants cherchent principalement à dénoncer l'énorme fossé entre toute la classe politique et la population. Le mouvement, qui s'inspire en partie, par les méthodes sinon le contenu, des révoltes dans le monde arabe, a pris naissance sur la place la plus emblématique du Vieux Madrid. «À notre âge, nos parents avaient du travail, une maison, des enfants. Quand aurons-nous tout cela ?» Paula Mendez Sena, une jeune architecte de 24 ans, s'interroge avec angoisse sur son avenir, à l'image des milliers de jeunes qui occupent depuis quelques jours la Puerta del Sol à Madrid. «Jeunes sans avenir»: ce slogan en lettres jaunes sur fond noir a donné son nom à la vague de contestation née il y a quelques semaines en Espagne via les réseaux sociaux. Une première manifestation le 7 avril, puis le groupe a fait boule de neige, s'est élargi, a rejoint d'autres plateformes citoyennes, faisant germer le mouvement spontané, sans précédent, qui a déferlé en moins d'une semaine sur les rues et les places de toutes les villes d'Espagne. Des citoyens de tous horizons ont rejoint la cause des jeunes, première cible du chômage qui gangrène la société espagnole. «De Tahrir à Madrid, au monde, world révolution», proclamait une grande banderole, en lettres noires, que préparait vendredi à la Puerta del Sol un groupe de manifestants de la «Spanish Revolution». «Les révolutions dans les pays arabes ont démontré que l'action collective peut cristalliser le changement», assure Pablo Padilla, étudiant en anthropologie de 22 ans, l'un des chefs de «Juventud sin futuro». Outre le chômage qui touchait en février 44,6% des moins de 25 ans, plus du double du niveau national, l'un des ingrédients du malaise, souligne M. Tezano, est aussi la «précarité de l'emploi», contrats temporaires ou stages sous-payés, qui concerne les deux tiers des jeunes salariés.