La Banque mondiale s'est associée avec la banque d'investissement américaine J.P. Morgan pour la mise en place d'un produit de gestion de risques qui permettra de dégager des fonds afin de contribuer à la protection des agriculteurs et des consommateurs contre la volatilité des prix dans les pays en développement. "Grâce à ce nouvel instrument, nous pouvons aider les agriculteurs, les producteurs de denrées alimentaires et les consommateurs à se prémunir de la fluctuation des prix, à renforcer leur position créditrice et à élargir leur accès au crédit", a indiqué le président de la BM, Robert B. Zoellick. Pour lui, cet instrument "témoigne de ce que peut faire une ingénierie financière sensée améliorer la vie des pauvres". Appelé "Mécanisme de gestion des risques associés aux prix des produits agricoles" (APRM), ce produit sera lancé dans un premier temps par la Société financière internationale (SFI, filiale de la BM qui s'occupe du secteur privé) et par J.P. Morgan. "Nous sommes fiers que la Banque mondiale et la SFI aient choisi de s'associer à J.P. Morgan pour aider à s'attaquer à ce problème de politique publique dans les pays en développement", s'est félicité le directeur général de cette banque, Jes Staley. Dans le cadre de ce mécanisme, la SFI engagera jusqu'à 200 millions de dollars pour couvrir le risque de crédit représenté par les clients ayant recours à des instruments spécifiques de couverture des risques associés aux prix, et J.P. Morgan assumera ce risque au moins à la même hauteur. Parmi les clients susceptibles d'avoir recours à l'APRM figurent les producteurs agricoles, les revendeurs, les coopératives et les banques locales. Pour l'institution de Bretton Woods, la stabilité des prix est capitale pour aider les producteurs à obtenir les financements nécessaires à l'expansion de leurs opérations et à l'augmentation de la production agricole, et pour assurer aux consommateurs un accès raisonnable aux ressources vivrières. Si les instruments de gestion des risques associés aux prix sont généralement utilisés dans le secteur agricole dans les pays développés, les instruments de couverture quant à eux ne peuvent être obtenus directement par les producteurs et les consommateurs de moindre envergure dans les marchés émergents en raison du niveau élevé des coûts initiaux et des dépôts de garantie obligatoires. Par ailleurs, de nombreuses institutions financières dans les marchés émergents ne sont pas encore rompues à ces services de gestion des risques et ne les proposent pas aux clients locaux, explique la BM. Le nouvel instrument permet aux producteurs et aux consommateurs dans les pays en développement d'avoir accès aux services de gestion des risques associés aux prix. J.P. Morgan et d'autres banques, dans l'avenir, travailleront avec les clients dans les marchés émergents pour couvrir ces risques dans le cadre de leurs activités, tandis que la SFI facilite ce processus en assumant une partie du risque de crédit que représentent ces consommateurs. Par ailleurs, M. Zoellick a indiqué que les ministres de l'Agriculture du G20, réunis à Paris les 22 et 23 juin derniers, ''pourraient prendre une mesure importante'' pour faire face à la hausse et à la volatilité des prix des denrées alimentaires, en décidant d'accroître la transparence dans le secteur agricole, grâce à un système d'information qui permettrait d'élargir l'accès du public aux renseignements sur la qualité et la quantité des stocks de céréales. M. Zoellick a fait savoir qu'il a bon espoir que les ministres de l'Agriculture du G20 prendront les premières mesures en décidant d'exempter l'aide alimentaire à caractère humanitaire de l'interdiction d'exportation, afin que celle-ci puisse parvenir en temps utile aux populations souffrant de faim et sauver ainsi des vies. "Nous traversons une période de volatilité extraordinaire des prix des denrées alimentaires, qui pourrait véritablement porter un préjudice irréparable à la plupart des pays et des populations les plus vulnérables", a mis en garde M. Zoellick Il a fait savoir qu'une transparence accrue dans les stocks de denrées alimentaires à travers le monde constitue un signal fort qui aiderait à réduire la volatilité des prix en rassurant les marchés et en contribuant à contenir la panique provoquée par la flambée des prix. Il a également souligné que les chiffres mettaient en exergue les contraintes exercées sur le système agricole mondial, exacerbées par une demande de produits alimentaires de plus en plus forte. Ainsi, a-t-il affirmé, la croissance annuelle de la production de riz et de blé dans les pays en développement, qui abritent les 4/5 de la population mondiale, est passée de 3% dans les années 70 à seulement 1 % actuellement. Mettant en garde contre la menace que le changement climatique fait peser sur l'agriculture, il a rappelé qu'en l'absence de mesures d'adaptation fortes, le changement climatique pourrait faire baisser la production de 16 % dans le monde et de 28 % dans le seul continent africain au cours des 50 années à venir. Le président de la Banque mondiale a indiqué qu'il faudrait davantage investir dans la recherche agricole pour augmenter la production alimentaire de 70 % afin de nourrir une population mondiale qui devrait dépasser les 9 milliards d'habitants à l'horizon 2050. "Nous devons faire preuve de créativité dans le domaine agricole, de sorte à non seulement produire davantage mais aussi à rendre les cultures plus résistantes, si nous devons relever le défi qui consiste à nourrir une population croissante dans un contexte plus difficile et plus imprévisible", a recommandé M. Zoellick. D'après les estimations de la BM, depuis juin 2010, l'augmentation et la volatilité des prix des denrées alimentaires ont fait basculer quelque 44 millions de personnes de plus dans la pauvreté, dont le seuil est fixé à moins de 1,25 dollar par jour. Près d'un milliard de personnes souffrent de la faim dans le monde, soit un habitant sur sept.