Dans le 19e arrondissement de Paris, à Porte des Lilas, règne une atmosphère rare, à peine 18 heures qu'on aperçoit une première file d'attente d'anonymes, qui tiennent leurs sacs et ustensiles à la main, et commence à se former dans le chapiteau dressé, ce sont des bénévoles qui se réunissent depuis le début de ce mois sacré, pour servir des repas chauds aux démunis et autres personnes de passage à l'heure de la rupture du jeûne. Les premiers arrivés, ceux dont la situation sociale est difficile, et que leurs apparences trahissent souvent, joignent le chapiteau une heure plus tard, où ils reçoivent des colis d'aliments, et servis aimablement de l'inévitable Chorba. "Ces personnes que vous voyez défiler sont, dans leur majorité, des salariés smicards qui préfèrent rompre le jeune chez eux. Le plus gros est à venir au moment de l'Iftar", résume Gabriel, présenté comme le "doyen" des bénévoles de l'Association " Une Chorba Pour Tous ", à l'origine, une action caritative qui entame maintenant sa 19ème année consécutive. En un seul service du genre, ce sont plus de 140 colis qui sont distribués quotidiennement. Sitôt ce service terminé, Abdellah, un ancien de l'association, se prête à son habituel : donner les dernières consignes à la vingtaine de bénévoles mobilisés pour le grand service. Adresse et rapidité sont les maîtres mots. Le briefing se tient sous l'œil vigilant de la présidente d'honneur de l'Association, Farida Aït Kaci, qui se met, elle aussi, de la partie en insistant sur le respect scrupuleux des mesures d'hygiène. "Rien ne se cuisine sur place. Les repas sont préalablement préparés au siège de l'Association puis transférés dans de grandes marmites calfeutrées. Malgré cela, nous tenons au respect de l'hygiène après chaque service pour garder les lieux nickel et confirmer notre réputation auprès de la Mairie de Paris, un de nos innombrables partenaires dans cette action", a-t-elle dit. Pour le seul service de vendredi, quelque 900 repas chauds ont été servis. Les bénévoles, sont particulièrement des étudiants, pas nécessairement membres d'" Une Chorba Pour Tous ", qui ont du mal à réguler les échanges qui se formaient entre les différents services. "Ici nous recevons tout le monde. Il n'y a pas que des Musulmans qui viennent. Moi-même, je ne suis ni Algérien, ni arabe, ni musulman, mais on m'a accepté quand même et ça fait dix ans que ça dure", s'est réjoui Gabriel. Pour Mme Aït Kaci, ce mois sacré, en plus d'être un mois de piété et d'abstinence, constitue une "aubaine" pour les bénévoles pour nouer des liens d'amitié et, pour certains, sacrés. C'est le cas de Hacène, un quadragénaire, qui affirme avoir connu sa "moitié" il y a dix ans grâce au travail de bénévolat au sein de l'association. Hassiba, elle, a "engagé" ses trois filles pour la "bonne cause" dont l'une, à peine huit ans, l'aide en ce jour dans le décompte des colis alimentaires distribués. Faisant sienne le credo "solidarité et partage au quotidien", l'association assure également, en dehors du mois sacré, la distribution de repas aux démunis et autres sans abris, rue de Stalingrad et Gare de l'Est, notamment, en sus de ses actions menées en son siège, rue de Crimée, à Paris. Le même élan de solidarité est manifesté par la Grande mosquée de Paris (GMP) qui, fidèle à sa tradition, vieille de plusieurs années, sert depuis le début du Ramadhan des repas chauds aux démunis et autres personnes de passage. "Le nombre de personnes à servir était tel que nos locaux ont été submergés les premiers jours du mois sacré. Les gens qui viennent sont essentiellement, en plus d'habitués, d'immigrés clandestins tunisiens, libyens et africains, ayant fui les récents bouleversements dans des pays arabes", a indiqué M. Zoubir Salhi, le responsable des moyens généraux à la Mosquée. Selon ce responsable, quelque 150 000 euros ont été réservés cette année à ce chapitre, dont 12000 euros constituent la participation de la GMP, le reste représentant les dons, en espèce et nature, de bienfaiteurs. Cette dotation globale (150 000 euros) couvre également la campagne à l'endroit des démunis, menée annuellement du 1er décembre au 20 mars. Cette campagne a été décidée suite l'hiver rigoureux qu'avait connu la France en 1986 et qui avait fait des morts par hypothermie, notamment des sans domicile fixe. Pour M. Salhi, le coût de l'opération n'a jamais été un "point essentiel" pour la Mosquée de Paris dont la préoccupation cardinale, est de jouer son rôle social, à savoir contribuer à la lutte contre l'exclusion.