Ils sacrifient leur temps de f'tour pour servir à manger aux plus démunis de toutes religions et de toutes communautés. Créée le 3 décembre 1992, "Une chorba pour tous" dresse depuis lors son célèbre chapiteau tous les ans - durant le Ramadhan - dans le 19e arrondissement de Paris. Elle y accueille tous ceux qui souhaitent manger un repas chaud, trouver un compagnon de tablée, partager un sourire, un souvenir... tout simplement un moment de convivialité et de fraternité dont ils sont privés au quotidien. Chacune et chacun peuvent profiter de cet instant, quelles que soient leurs origines, religions ou couleurs. Grâce à la mobilisation de ses fidèles donateurs, le soutien de la municipalité parisienne et l'énergie de ses nombreux bénévoles, près de 50.000 repas - chorba, pain, lben, lait, soda, dessert - sont servis durant ce mois sacré à ce vieil homme isolé, cette famille sans ressources ou cette jeune fille souffrant de solitude. Son objectif est d'œuvrer pour la promotion humanitaire afin de contribuer aux idées universelles de partage et de solidarité envers les couches les plus défavorisées. L'année 2008 a été marquée par la modification d'un article de ses statuts, à savoir le déroulement de ses actions durant toute l'année et non plus limitée, pour l'essentiel, à la période du Ramadhan. Ce changement a ainsi créé un développement très important de son activité en 2009. Ainsi, en plus du Ramadhan et de la médiation sociale, une distribution quotidienne de repas chauds et des ateliers d'insertion socioprofessionnel a été mis en place. Ils sacrifient leur temps de f'tour pour servir à manger aux plus démunis de toutes religions et de toutes communautés. Créée le 3 décembre 1992, "Une chorba pour tous" dresse depuis lors son célèbre chapiteau tous les ans - durant le Ramadhan - dans le 19e arrondissement de Paris. Elle y accueille tous ceux qui souhaitent manger un repas chaud, trouver un compagnon de tablée, partager un sourire, un souvenir... tout simplement un moment de convivialité et de fraternité dont ils sont privés au quotidien. Chacune et chacun peuvent profiter de cet instant, quelles que soient leurs origines, religions ou couleurs. Grâce à la mobilisation de ses fidèles donateurs, le soutien de la municipalité parisienne et l'énergie de ses nombreux bénévoles, près de 50.000 repas - chorba, pain, lben, lait, soda, dessert - sont servis durant ce mois sacré à ce vieil homme isolé, cette famille sans ressources ou cette jeune fille souffrant de solitude. Son objectif est d'œuvrer pour la promotion humanitaire afin de contribuer aux idées universelles de partage et de solidarité envers les couches les plus défavorisées. L'année 2008 a été marquée par la modification d'un article de ses statuts, à savoir le déroulement de ses actions durant toute l'année et non plus limitée, pour l'essentiel, à la période du Ramadhan. Ce changement a ainsi créé un développement très important de son activité en 2009. Ainsi, en plus du Ramadhan et de la médiation sociale, une distribution quotidienne de repas chauds et des ateliers d'insertion socioprofessionnel a été mis en place. Lorsque nous arrivons rue de Crimée, Ali Hasni, un tablier blanc autour de la taille, est assis devant le siège de l'association «Une chorba pour tous». «Je faisais une petite pause avant le coup de feu» dit-il en nous invitant à entrer. A l'intérieur règne une chaleur etouffante ; douze énormes marmites cuisent sur des "tabounates". Des femmes s'affairent dans le local. «Malika, appelle Ali, apporte les vermicelles, trois paquets n'oublie pas». Marmite après marmite, Ali verse les pâtes, puis la coriandre et la menthe. Une bonne odeur de chorba se répand jusque dans la rue. Contrairement aux apparences, Ali « Allillou » pour les intimes, n'est pas cuisinier. Pendant quinze ans, il a été agent de voyage en Grèce pour un grand operator tout en étant bénévole par intermittence à l'association. Des problèmes familiaux et une vieille mère à charge l'obligent à revenir à Paris.Il en est le président depuis un an. Avec un savoureux accent oranais, il lance «tu verras, elle est très bonne ma chorba, c'est une recette familiale». Sur un mur, une lettre du maire de Paris, Bertrand Delanoe, présentant ses vœux pour le Ramadan 2009, et une affiche avec le slogan «Partage pour toutes les communautés et les religions». Le choix de cette devise n'est pas fortuit ; «Une chorba pour tous» a souvent été étiquetée exclusivement «islamique». Nous constaterons tout au long de cette soirée que c'est loin d'être le cas. Un homme arrive, les bras chargés de baguettes de pain. C'est un donateur de longue date originaire de Ghazaouet. Il accepte de se confier même si l'on voit bien qu'il préfère rester discret, il refuse d'ailleurs que son nom soit publié. Il est comme tant d'autres, un simple employé à Francetelecom. «Je donne ce que je peux, une fois j'ai pu leur apporter 30 briques de lait, mes enfants sont grands maintenant je peux fournir un peu plus». Une jeune femme, les traits tirés par le jeûne, sort d'un minuscule bureau au fond du local. C'est Mouna, la trésorière. Algéroise, elle est mère de deux enfants dont un de dix mois. Son mari les garde pendant tout le mois de Ramadhan car elle est aussi dans l'équipe de la distribution. Soudain, Ali déboule «c'est l'heure !» Les marmites sont rapidement embarquées dans un camion stationné à l'entrée, et nous avec, en direction de la rue Thionville lieu de la distribution. Nous arrivons à un immense chapiteau blanc dressé sur un terrain «prêté gentiment par la mairie» nous précise Mouna. Comme chez soi Sur place, l'ambiance est fébrile et les bénévoles s'activent dans un ballet incessant. Les tables sont déjà dressées ; des plateaux avec une petite barquette de patisserie, des dattes, du leben, des fruits, du pain et des boissons attendent les convives ou les "bénéficiaires" comme on les appelle ici. Ils sont de deux sortes, ceux qui viendront s'attabler pour manger ici et les autres, les familles notamment, qui préfèrent prendre le repas à la maison. Pour ces derniers la distribution a déjà commencé, il est 19 heures. Beaucoup de femmes de toutes origines dans la longue file d'attente qui s'est formée depuis des heures. Les bénévoles, repérables à leur gilet jaune fluo, remettent rapidement aux mains tendues un sac en plastique rempli de biscuits, lait, pain, fruits et autres produits alimentaires. Le destinataire de chaque panier passe ensuite chez Ali qui lui sert, généreusement d'ailleurs, la chorba dans des ustensiles de toutes sortes que chacun apporte. "Certaines mères prennent ici le repas en cachette de leurs enfants, à la maison elles font comme si c'était elles qui avaient préparé" nous confie Ali.C'est connu, la crise qui frappe le pays touche plus durement les plus démunis dont les immigrés. Les bénévoles, de jeunes Algériens, enfants des immigrés des premières générations, continuent leurs allers retours entre les chariots chargés de paniers et la foule en attente. Il faut faire vite car le rush du f'tour est imminent. Un chorba pour tous les musulmans du monde A l'autre entrée du chapiteau, une impressionnante queue s'est constituée. Des hommes dans une grande majorité. Ils attendent, patiemment, le visage fermé, seuls ou en petits groupes. Youcef Chaoui, un des rares salariés de l'association, voyant notre étonnement devant cette composante hétéroclite, nous explique que depuis quelques années les bénéficiaires sont kurdes, irakiens, tchétchènes, afghans, quelques-uns des anciens pays de l'Europe de l'Est, des Africains subsahariens et des sans domicile fixe français (SDF) reconnaissables à leurs innombrables sacs, paquets et sachets. Tous ceux que les guerres, la famine et la misère ont jeté sur les chemins de l'exil. Les Algériens sont rares, «juste quelques vieux immigrés vivant ici sans famille» précise Youcef.De ce côté ci du chapiteau officie Gabriel, un vieux gaillard aux cheveux tout blancs. Drôle de personnage que ce Gabriel ! Retraité de l'éducation nationale, il est venu à l'association par hasard. Un soir d'hiver, il y'a plus de quinze ans, se souvient-il, j'arrivais à Paris, gare du Nord, et j'étais là réfléchissant quel métro prendre lorsque quelqu'un me mit un bol de soupe chaude entre les mains. Je n'avais rien demandé et je le dis à l'homme qui m'avait donné cette chorba. Je voulais payer mais il me dit que c'était gratuit. J'ai voulu savoir comment le remercier. Viens nous aider à l'association si tu veux. Et tout a commencé ce jour là. J'ai commencé par éplucher les légumes et puis ils m'ont «affecté» à l'intendance. Aujourd'hui ils sont ma seule famille. Gabriel prend très au sérieux ses tâches d'accueil et de secrétariat. Consciensement il remet à chaque bénévole un règlement qu'il a lui-même concocté, un badge et le fameux gilet jaune fluo portant le logo de l'association. Dure, dure la misère Les hommes commencent à s'installer aux tables. Les musulmans attendent El Adhan tandis que les convives des autres religions entament pour certains le plateau. Youcef Chaoui s'affale sur une banquette à côte de nous, il est à l'évidence épuisé. Vous voyez tous ces gens ? C'est comme ça pendant toute l'année aux deux points de distribution que nous avons à Barbès et Stalingrad (18e arrondissement de Paris, ndlr). Après un moment de silence, Youcef ajoute : «C'est dur de voir cette misère, au fil des jours on tombe dedans et parfois on déprime un peu. Si on ne fait pas attention, on devient comme eux, méfiants, froids. C'est leur défense contre la vie dans la rue, la solitude et la faim». Youcef vit en France depuis plus de trente ans, sa fille de 22 ans fait partie du conseil d'administration de l'association. Il se sent frustré de ne pas pouvoir faire plus pour tous ces démunis. Pourtant chaque année des personnalités défilent sous le chapiteau. Zineddine Zidane, un donateur respecté ici, Faudel, la ministre franco-algérienne Fadela Amara attendue d'ailleurs cette semaine, des diplomates comme l'ambassadeur des Emirats dont la visite est programmée ce week-end, ont apporté leur soutien certains généreusement, d'autres chichement, plus intéressés par les cameras que par l'humanitaire . Les donateurs, continue Youcef, sont plus souvent des petites gens, le père de famille qui ne vit que de son salaire. L'entreprise de nourrir tant de personnes est gigantesque, il est vrai, et l'association doit sans cesse trouver des aides en nature ou en espèces. Le partenariat avec les grandes enseignes de la distribution constitue une source importante d'approvisionnement. C'est David qui est chargé de la délicate mission de collecte auprès des grandes surfaces. David fait honneur à son Bab El Oued natal. Du bagou, de l'emphase il a toujours des «plans» pour faire du «business». D'emblée, il annonce, comme une réclame pour l'ouverture de son association , «Mon fils s'est converti à l'Islam et a épousé une femme qui porte le voile mais qui est très tolérante». Tout un programme pour tordre le cou aux préjugés contre l'association. David nous explique dans un français même d'Algérien «comment ça marche». Que du halal L'association est en partenariat avec Telemarket (distribution en ligne) qui lui cède les stocks invendus ou les produits proches de la date de peremption. Le haut débit d'écoulement de l'association s'accommode avec cette formule plus rentable semble t-il pour les enseignes de grande distribution en termes d'image et de côuts de destruction des invendus. La viande est donnée ou achetée dans le commerce halal. Dans la grande salle, le premier service s'achève, les bénévoles qui n'ont pris qu'un verre de leben et des dattes au moment de la rupture du jeûne, courent dans tous les sens pour débarrasser les tables puis les préparer au second service. Madame Benzine dite «Mamie» n'en peut plus. Originaire de Bejaia, Mamie est la doyenne. Cette retraiteé d'une école maternelle où elle a travaillé toute sa vie a des attentions de maman pour tous ces jeunes bénévoles qui ne lui laissent faire que les tâches plus moins pénibles pour ses vieilles jambes. Omar, de Tizi Ouzou, était serveur dans un hôtel à Alger, avant de s'installer en France il y'a près de dix ans. Tu vois, nous interpelle t-il en riant, j'ai changé de métier depuis longtemps, mais je reviens au service. Ali, lui s'est éclipsé à l'Adhan diffusé par la radio, pour aller fumer une cigarette à l'extérieur, après un soda et quelques dattes. L'equipe mangera plus tard quand tous leurs bénéficiaires seront partis. Parmi ces derniers, certains sollicitent en partant un surplus de pain, de fruits ou de lait qui leur tiendront chaud dans leur vie d'errance. Ce soir, Ali et ses camarades auront encore une fois distribué 700 paniers et servi 800 repas. Dans l'arrière cour, des bénévoles plus âgés, épluchent, coupent sans relâche des légumes. La Chorba de demain est déjà en route. Lorsque nous arrivons rue de Crimée, Ali Hasni, un tablier blanc autour de la taille, est assis devant le siège de l'association «Une chorba pour tous». «Je faisais une petite pause avant le coup de feu» dit-il en nous invitant à entrer. A l'intérieur règne une chaleur etouffante ; douze énormes marmites cuisent sur des "tabounates". Des femmes s'affairent dans le local. «Malika, appelle Ali, apporte les vermicelles, trois paquets n'oublie pas». Marmite après marmite, Ali verse les pâtes, puis la coriandre et la menthe. Une bonne odeur de chorba se répand jusque dans la rue. Contrairement aux apparences, Ali « Allillou » pour les intimes, n'est pas cuisinier. Pendant quinze ans, il a été agent de voyage en Grèce pour un grand operator tout en étant bénévole par intermittence à l'association. Des problèmes familiaux et une vieille mère à charge l'obligent à revenir à Paris.Il en est le président depuis un an. Avec un savoureux accent oranais, il lance «tu verras, elle est très bonne ma chorba, c'est une recette familiale». Sur un mur, une lettre du maire de Paris, Bertrand Delanoe, présentant ses vœux pour le Ramadan 2009, et une affiche avec le slogan «Partage pour toutes les communautés et les religions». Le choix de cette devise n'est pas fortuit ; «Une chorba pour tous» a souvent été étiquetée exclusivement «islamique». Nous constaterons tout au long de cette soirée que c'est loin d'être le cas. Un homme arrive, les bras chargés de baguettes de pain. C'est un donateur de longue date originaire de Ghazaouet. Il accepte de se confier même si l'on voit bien qu'il préfère rester discret, il refuse d'ailleurs que son nom soit publié. Il est comme tant d'autres, un simple employé à Francetelecom. «Je donne ce que je peux, une fois j'ai pu leur apporter 30 briques de lait, mes enfants sont grands maintenant je peux fournir un peu plus». Une jeune femme, les traits tirés par le jeûne, sort d'un minuscule bureau au fond du local. C'est Mouna, la trésorière. Algéroise, elle est mère de deux enfants dont un de dix mois. Son mari les garde pendant tout le mois de Ramadhan car elle est aussi dans l'équipe de la distribution. Soudain, Ali déboule «c'est l'heure !» Les marmites sont rapidement embarquées dans un camion stationné à l'entrée, et nous avec, en direction de la rue Thionville lieu de la distribution. Nous arrivons à un immense chapiteau blanc dressé sur un terrain «prêté gentiment par la mairie» nous précise Mouna. Comme chez soi Sur place, l'ambiance est fébrile et les bénévoles s'activent dans un ballet incessant. Les tables sont déjà dressées ; des plateaux avec une petite barquette de patisserie, des dattes, du leben, des fruits, du pain et des boissons attendent les convives ou les "bénéficiaires" comme on les appelle ici. Ils sont de deux sortes, ceux qui viendront s'attabler pour manger ici et les autres, les familles notamment, qui préfèrent prendre le repas à la maison. Pour ces derniers la distribution a déjà commencé, il est 19 heures. Beaucoup de femmes de toutes origines dans la longue file d'attente qui s'est formée depuis des heures. Les bénévoles, repérables à leur gilet jaune fluo, remettent rapidement aux mains tendues un sac en plastique rempli de biscuits, lait, pain, fruits et autres produits alimentaires. Le destinataire de chaque panier passe ensuite chez Ali qui lui sert, généreusement d'ailleurs, la chorba dans des ustensiles de toutes sortes que chacun apporte. "Certaines mères prennent ici le repas en cachette de leurs enfants, à la maison elles font comme si c'était elles qui avaient préparé" nous confie Ali.C'est connu, la crise qui frappe le pays touche plus durement les plus démunis dont les immigrés. Les bénévoles, de jeunes Algériens, enfants des immigrés des premières générations, continuent leurs allers retours entre les chariots chargés de paniers et la foule en attente. Il faut faire vite car le rush du f'tour est imminent. Un chorba pour tous les musulmans du monde A l'autre entrée du chapiteau, une impressionnante queue s'est constituée. Des hommes dans une grande majorité. Ils attendent, patiemment, le visage fermé, seuls ou en petits groupes. Youcef Chaoui, un des rares salariés de l'association, voyant notre étonnement devant cette composante hétéroclite, nous explique que depuis quelques années les bénéficiaires sont kurdes, irakiens, tchétchènes, afghans, quelques-uns des anciens pays de l'Europe de l'Est, des Africains subsahariens et des sans domicile fixe français (SDF) reconnaissables à leurs innombrables sacs, paquets et sachets. Tous ceux que les guerres, la famine et la misère ont jeté sur les chemins de l'exil. Les Algériens sont rares, «juste quelques vieux immigrés vivant ici sans famille» précise Youcef.De ce côté ci du chapiteau officie Gabriel, un vieux gaillard aux cheveux tout blancs. Drôle de personnage que ce Gabriel ! Retraité de l'éducation nationale, il est venu à l'association par hasard. Un soir d'hiver, il y'a plus de quinze ans, se souvient-il, j'arrivais à Paris, gare du Nord, et j'étais là réfléchissant quel métro prendre lorsque quelqu'un me mit un bol de soupe chaude entre les mains. Je n'avais rien demandé et je le dis à l'homme qui m'avait donné cette chorba. Je voulais payer mais il me dit que c'était gratuit. J'ai voulu savoir comment le remercier. Viens nous aider à l'association si tu veux. Et tout a commencé ce jour là. J'ai commencé par éplucher les légumes et puis ils m'ont «affecté» à l'intendance. Aujourd'hui ils sont ma seule famille. Gabriel prend très au sérieux ses tâches d'accueil et de secrétariat. Consciensement il remet à chaque bénévole un règlement qu'il a lui-même concocté, un badge et le fameux gilet jaune fluo portant le logo de l'association. Dure, dure la misère Les hommes commencent à s'installer aux tables. Les musulmans attendent El Adhan tandis que les convives des autres religions entament pour certains le plateau. Youcef Chaoui s'affale sur une banquette à côte de nous, il est à l'évidence épuisé. Vous voyez tous ces gens ? C'est comme ça pendant toute l'année aux deux points de distribution que nous avons à Barbès et Stalingrad (18e arrondissement de Paris, ndlr). Après un moment de silence, Youcef ajoute : «C'est dur de voir cette misère, au fil des jours on tombe dedans et parfois on déprime un peu. Si on ne fait pas attention, on devient comme eux, méfiants, froids. C'est leur défense contre la vie dans la rue, la solitude et la faim». Youcef vit en France depuis plus de trente ans, sa fille de 22 ans fait partie du conseil d'administration de l'association. Il se sent frustré de ne pas pouvoir faire plus pour tous ces démunis. Pourtant chaque année des personnalités défilent sous le chapiteau. Zineddine Zidane, un donateur respecté ici, Faudel, la ministre franco-algérienne Fadela Amara attendue d'ailleurs cette semaine, des diplomates comme l'ambassadeur des Emirats dont la visite est programmée ce week-end, ont apporté leur soutien certains généreusement, d'autres chichement, plus intéressés par les cameras que par l'humanitaire . Les donateurs, continue Youcef, sont plus souvent des petites gens, le père de famille qui ne vit que de son salaire. L'entreprise de nourrir tant de personnes est gigantesque, il est vrai, et l'association doit sans cesse trouver des aides en nature ou en espèces. Le partenariat avec les grandes enseignes de la distribution constitue une source importante d'approvisionnement. C'est David qui est chargé de la délicate mission de collecte auprès des grandes surfaces. David fait honneur à son Bab El Oued natal. Du bagou, de l'emphase il a toujours des «plans» pour faire du «business». D'emblée, il annonce, comme une réclame pour l'ouverture de son association , «Mon fils s'est converti à l'Islam et a épousé une femme qui porte le voile mais qui est très tolérante». Tout un programme pour tordre le cou aux préjugés contre l'association. David nous explique dans un français même d'Algérien «comment ça marche». Que du halal L'association est en partenariat avec Telemarket (distribution en ligne) qui lui cède les stocks invendus ou les produits proches de la date de peremption. Le haut débit d'écoulement de l'association s'accommode avec cette formule plus rentable semble t-il pour les enseignes de grande distribution en termes d'image et de côuts de destruction des invendus. La viande est donnée ou achetée dans le commerce halal. Dans la grande salle, le premier service s'achève, les bénévoles qui n'ont pris qu'un verre de leben et des dattes au moment de la rupture du jeûne, courent dans tous les sens pour débarrasser les tables puis les préparer au second service. Madame Benzine dite «Mamie» n'en peut plus. Originaire de Bejaia, Mamie est la doyenne. Cette retraiteé d'une école maternelle où elle a travaillé toute sa vie a des attentions de maman pour tous ces jeunes bénévoles qui ne lui laissent faire que les tâches plus moins pénibles pour ses vieilles jambes. Omar, de Tizi Ouzou, était serveur dans un hôtel à Alger, avant de s'installer en France il y'a près de dix ans. Tu vois, nous interpelle t-il en riant, j'ai changé de métier depuis longtemps, mais je reviens au service. Ali, lui s'est éclipsé à l'Adhan diffusé par la radio, pour aller fumer une cigarette à l'extérieur, après un soda et quelques dattes. L'equipe mangera plus tard quand tous leurs bénéficiaires seront partis. Parmi ces derniers, certains sollicitent en partant un surplus de pain, de fruits ou de lait qui leur tiendront chaud dans leur vie d'errance. Ce soir, Ali et ses camarades auront encore une fois distribué 700 paniers et servi 800 repas. Dans l'arrière cour, des bénévoles plus âgés, épluchent, coupent sans relâche des légumes. La Chorba de demain est déjà en route.