De notre bureau de Paris, K. Baba-Ahmed "Chorba pour tous", beaucoup de compatriotes, ici � Paris, connaissent ou tout au moins en ont entendu parler. Les plus d�munis ou ceux qui se retrouvent seuls en ce mois de Ramadhan y trouvent refuge chaque ann�e. C'est la premi�re fois que nous nous y rendons � l'heure du f'tour. Le quartier d'abord : 19�me arrondissement de Paris, fortement fr�quent� par la population immigr�e. Impressionnante file d'attente � dix minutes de la rupture du je�ne, � la porte de ce qui est appel� �le Chapiteau� une immense salle (600 places), d�j� compl�tement remplie et qui, nous dit-on, verra deux services et demi, soit pr�s de 1600 couverts offerts tous les soirs. Aucun papier, aucune attestation ou autre preuve de son d�nuement ne sont exig�s � l'entr�e. La porte est ouverte � tous ceux qui se pr�sentent, quelles que soient leurs origines, leurs croyances ou leurs situations administratives. Dans la salle ou dans la file d'attente, des Maghr�bins ou autres Arabes en majorit� mais aussi beaucoup d'Africains, d'Asiatiques ou encore de Fran�ais d�munis du quartier. Ce qui surprend en premier, c'est incontestablement l'organisation sans faille du service, pris en main tous les soirs par une cinquantaine de b�n�voles (tous tr�s jeunes, �tudiants, ouvriers, architectes, ch�meurs, informaticiens…) qui ont d�cid� de consacrer tous les soirs, quelques heures de leur temps libre pour servir un repas chaud � ceux qui se pr�sentent et offrir une �coute et plein de sourires � beaucoup de ceux qui viennent ici pour la convivialit� des lieux et la sympathie de ceux qui l'animent. S'ils sont tous les soirs une cinquantaine de volontaires, il y a, nous pr�cisent les responsables de "Chorba pour tous", pr�sents tous les soirs dans le Chapiteau, plus de 200 b�n�voles inscrits sur une liste d'attente. Ces b�n�voles sont pour beaucoup, alg�riens et viennent aussi d'autres horizons. Il y a l�, ce soir, Lila Boukort, Alg�rienne qui, aux c�t�s de L'Hadja, Tunisienne, de Zoulikha venue sp�cialement d'Alger et de Malika, Marocaine, elles ont pr�sid� tout � l'heure avec d'autres � la pr�paration de la chorba ; Gabriel, Fran�ais, la soixantaine, prof de lettres, retrait�, tient les statistiques et assure l'accueil ; Halima, �ducatrice, Alg�rienne ; Antoine, Fran�ais de 20 ans ; Kamel de Bouira, en France depuis deux ans, Sofiane, conducteur de Clark ; Amira, Alg�rienne de 26 ans b�n�v o l e , Thierry, jeune Guadeloup�en qui a rejoint l'association depuis deux jours et beaucoup, beaucoup d'autres, une v�ritable fourmili�re, affair�e � servir, desservir, laver les plateaux, r�alimenter en pain, dattes, limonades… Sit�t le premier service termin�, le second est servi. Au milieu de la salle, une jeune femme, attabl�e avec deux enfants de bas �ge, dont un b�b� sur une poussette. Nous nous frayons un passage pour la rejoindre. � Je suis alg�rienne, venue � Paris depuis une ann�e et vis encore en h�tel, faute de pouvoir payer le loyer d'un appartement. "Chorba pour tous" me permet de manger gratuitement et d'offrir � mes enfants un repas chaud que je ne peux, m�me si j'en avais les moyens, pr�parer � l'h�tel. J'ai m�me la possibilit� d'emporter les repas, mais je ne le fais que rarement, appr�ciant par-dessus tout l'ambiance familiale qui r�gne ici�. Un peu plus loin, Ali, de B�ja�a touche le RMI et trouve en l'association "Chorba pour tous" �des gens aimables, discrets, qui ne vous harc�lent pas sur votre situation�. Youssef, moins de la trentaine, est ��tudiant, musulman d'un pays de l'Afrique de l'Ouest�, nous dit-il, sans pr�ciser le pays. Questionn� sur les raisons qui l'am�nent � venir prendre ses repas ici, pas tr�s loquace, il r�pond qu'�tant �tudiant, il n'a aucune possibilit� de manger au resto universitaire � l'heure de la rupture du je�ne. Deux rang�es plus loin, un groupe de trois vieux Alg�riens, tout en continuant � savourer leur chorba, nous d�clarent que depuis la cr�ation de "Chorba pour tous", ils s'y restaurent et trouvent, nous ont-ils d�clar� �l'ambiance de Ramadhan, plus que dans les foyers Sonacotra�. L'un des trois rajoute : �D'abord la chorba est bonne, elle est pr�par�e par des femmes et ensuite, nos maigres ressources d'ouvriers retrait�s sont �conomis�es pendant ce mois�. Le couple d'Asiatiques, au fran�ais h�sitant et � peine audible nous expliquent qu'ils sont du quartier�. Le b�n�vole qui commence � desservir la table, nous lance : �Ce sont des habitu�s, il leur est m�me arriv� d'assurer le service�. "Chorba pour tous", est pr�sid�e par Fany A�t Kaci qui s'est forg�e dans la communaut�, depuis maintenant 13 ans que l'association humanitaire (loi de 1901) existe, une r�putation d'engagement et de solidarit� concr�te, non seulement tous les mois de Ramadhan mais aussi lors de toutes les catastrophes naturelles, la derni�re en date �tant le s�isme de Boumerd�s. En cette treizi�me ann�e de cr�ation de l'association, plus de 60.000 repas ont �t� servis. D'autres actions sont � l'actif de "Chorba pour tous" : la distribution, tous les vendredis de plus de 500 �couscous � emporter� au local de l'association et ce, durant les trois mois qui suivent le Ramadhan, permettant ainsi d'utiliser toutes les denr�es restantes. Une autre action et non des moindres, consiste en une m�diation m�dicale et sociale, en accompagnement des personnes en difficult� dans leurs d�marches administratives. Une juriste est � cet effet mise � disposition en permanence, dans les locaux de l'association. Le financement "Chorba pour tous" est assur� gr�ce � la g�n�rosit� de donateurs particuliers (dons alimentaires ou financiers) et aux cotisations des adh�rents. Les dons, comme on nous l'a montr�, sont soigneusement consign�s sur des registres et des re�us sont d�livr�s aux donateurs. Si le budget n�cessaire � chaque op�ration Ramadhan s'�l�ve � 76 400 euros, la seule location pour la pr�paration des repas revient � 11 800 euros par an. Mais, nous assure-t-on, la g�n�rosit� qui se manifeste chaque ann�e, est sans faille, notamment de la part de commer�ants de la communaut�. Le partage et la solidarit� envers les couches les plus d�favoris�es, l'absence de paternalisme de la part de ses animateurs, le caract�re la�que et non cultuel donn� � l'association d�s sa cr�ation font de "Chorba pour tous", une association comme on aimerait en voir beaucoup, anim�e de r�elles notions de partage et de solidarit� universelle.