Helsinki a négocié avec Athènes des contreparties financières à son aide. Un geste qui pourrait faire tache d'huile. La Grèce inquiète de nouveau sérieusement les marchés. D'abord à cause de ses nouvelles prévisions économiques alarmantes: le ministre des Finances, Evangelos Venizélos, a admis, avant-hier, que le plan de rigueur allait provoquer une récession plus importante que prévu, avec un recul du PIB désormais estimé à 4,5 % "au moins" en 2011 contre 3,8 % avant. Mais surtout parce que le deuxième plan d'aide de 158,6 milliards d'euros, concocté par les chefs d'Etat le 21 juillet dernier et qui doit encore être ratifié par tous les membres de la zone euro, vient d'être sérieusement ébranlé par la Finlande. Helsinki a annoncé cette semaine avoir signé un accord bilatéral avec Athènes dans lequel, en échange de sa participation au plan de sauvetage, la Grèce verserait un nantissement ("collatéral") à la Finlande. Cette somme, que certains analystes évalueraient à 1 milliard d'euros, serait investie par la Finlande dans des actifs sans risque. Les intérêts perçus permettront, à la fin, de couvrir la somme prêtée dans le plan de sauvetage. En d'autres termes, le gouvernement finlandais a pris des gages pour s'assurer contre tout risque de défaut de la Grèce. REGIME A DEUX VITESSES Technique, en apparence, cet accord pourrait avoir des répercussions politiquement dévastatrices. Même s'il s'agit d'un accord bilatéral, "les Etats membres de la zone devront valider cette discussion entre la Finlande et la Grèce", a indiqué un porte-parole de la Commission, Amadeu Altafaj, en assurant que "des négociations sont déjà en cours". Mais à Bruxelles, on ne cache pas son inquiétude. S'il est validé définitivement, l'accord entre la Finlande et la Grèce pourrait ouvrir la boîte de Pandore en permettant à d'autres pays de s'engouffrer dans la brèche. L'Autriche, la Slovaquie et la Slovénie seraient déjà tentées d'en faire de même. "Nous pensons que cet accord aggravera les problèmes de la Grèce et ne les diminuera pas", a prévenu hier le premier ministre néerlandais, Mark Rutte. Selon lui, cette solution équivaut en effet à "reprendre directement" l'argent prêté. Pour autant, le premier ministre néerlandais a indiqué que si les Finlandais obtiennent cette garantie, celle-ci doit valoir pour tous les pays de la zone euro. C'est là tout le problème. En créant un régime à deux vitesses, l'accord met à mal la solidarité affichée par les dirigeants de la zone euro le 21 juillet. "La participation de la Finlande est annulée de fait", estime une source européenne, en déplorant un arrangement allant "contre l'esprit de l'accord" des Dix-Sept. Difficile, pourtant, de faire marche arrière, ajoute cette source. Helsinki est en effet obligé de composer avec le parti nationaliste des Vrais Finlandais depuis leur percée aux dernières législatives et leur réticence à voler au secours des paniers percés de la zone euro. LES MARCHES NE SONT PAS DUPES Sous la pression finlandaise, les chefs d'Etat des Dix-Sept avaient inclus une courte clause dans leur accord du 21 juillet, prévoyant que "le cas échéant, un contrat de garantie sera mis en place de façon à couvrir le risque résultant, pour les Etats membres de la zone euro, des garanties qu'ils auront fournies au FESF". La rhétorique est vague et laisse la porte ouverte à toutes les interprétations. Avant-hier, à Bruxelles, des experts des ministères des Finances de la zone euro étaient réunis pour plancher sur la question. Pour la Commission, ce développement n'est pas une surprise, et il souligne l'urgence de ratifier l'accord du 21 juillet. José Manuel Barroso avait écrit aux chefs d'Etat de la zone euro dès le 3 août pour leur demander d'accélérer le calendrier, et ainsi "éviter d'introduire des contraintes excessives en termes de conditions ou de collatéraux supplémentaires". On comprend mieux cet empressement, désormais. Athènes se voulait rassurant, hier, en indiquant n'avoir entamé des négociations sur un nantissement qu'avec Helsinki. Mais les marchés financiers ne sont pas dupes : "Si tous les pays de la zone euro exigent chacun un accord de nantissement, cela restreindra d'autant l'aide qui sera effectivement disponible pour la Grèce", expliquent les économistes de Barclays Capital. Ce qui impliquerait de facto la mise en place d'une troisième enveloppe supplémentaire. Grèce/PIB: le recul atteindrait 4,5% Le produit intérieur brut (PIB) grec pourrait se contracter de plus de 4,5% en 2011, contre 3,8% prévu jusqu'à présent a indiqué, avant-hier, le ministre grec des Finances, Evangélos Vénizélos. "Les premières prévisions tablaient sur un recul de 3,5%, mais ensuite cela a changé, et nous sommes maintenant au niveau de -3,8%.-3,9%", a affirmé le ministre dans un entretien à la radio athénienne Skaï. "Désormais, il y a une fourchette de prévisions qui peut aller au-delà de -4,5%", a ajouté le ministre. "Désormais, il y a une fourchette de prévisions qui peut aller au-delà de -4,5%, et on va voir où cela va se situer, moi je serais heureux si nous avions un meilleur résultat, mais la vérité est que la conjoncture nationale et internationale a fait empirer la récession". Selon les estimations provisoires de l'Autorité des statistiques grecques (ASE), le PIB grec s'est fortement contracté au deuxième trimestre 2011 de 6,9% par rapport à la même période en 2010, contre 5,5% au premier trimestre. Frappée par la crise de la dette, la Grèce traverse sa troisième année de récession. En 2010, l'économie s'est contractée de 4,5% en 2010. Cela est surtout dû à des mesures d'austérité draconiennes, comprenant des coupes salariales et des hausses des taxes sur plusieurs produits, imposées au pays depuis 2010 par ses créanciers, l'Union européenne et le Fonds monétaire international, en échange d'un prêt pour le sauver de la faillite. NEGOCIATIONS SUR LE DEUXIEME PLAN DE SAUVETAGE PAS ACHEVES AVANT OCTOBRE Vénizélos a précisé dans le même entretien que les négociations sur le contenu du deuxième plan de sauvetage octroyé au pays par le Fonds monétaire international et l'Union européenne ne seront pas achevées avant la mi-octobre. "N'attendons pas d'en avoir fini avant la première ou deuxième semaine d'octobre, car il faut que les parlements votent, et que les banques et caisses d'assurances fassent leurs procédures", a-t-il affirmé sur la radio athénienne Skaï. Vénizélos a par ailleurs souligné que l'objectif de la Grèce "est que cela soit fini le plus vite possible", mais a relevé la complexité de la mise en oeuvre du plan, car "le secteur privé attend des garanties" de la part des états, tandis que "la partie publique attend que les négociations avec le secteur privé avancent favorablement". L'échange des titres est prévu par le nouveau plan de soutien de près de 160 milliards d'euros, décidé par la zone euro réunie en sommet extraordinaire à Bruxelles le 21 juillet. La contribution du secteur privé sur une base volontaire prévue par le montage de la zone euro est à hauteur de 54 milliards d'euros sur trois ans, et 135 milliards d'euros sur dix ans.