La croissance de l'Allemagne va subir un coup de frein brutal en 2012 du fait de la crise de la dette, prédisent les principaux instituts de conjoncture du pays. Leur rapport très attendu -deux fois par an, il sert de base aux prévisions officielles du gouvernement- table sur une croissance du Produit intérieur brut (PIB) de 0,8% l'an prochain. Ce sera nettement moins que cette année, où ils attendent 2,9%, et nettement moins que ce qu'ils prédisaient en avril (+2%). L'Allemagne, dont l'économie fortement exportatrice s'est redressée rapidement après la récession de 2009, ne pourra pas se soustraire aux effets de la crise des finances publiques qui affecte l'Europe, mais aussi les Etats-Unis, prédisent les économistes. "Du fait de la situation difficile d'importants partenaires, le commerce extérieur ne devrait plus participer à la croissance", a détaillé l'un d'eux, Roland Döhrn, de l'institut RWI, lors d'une conférence de presse. Même si c'est l'appétit des pays émergents, Chine en tête, pour les voitures et machines-outils "made in Germany" qui ont largement alimenté la croissance ces deux dernières années, 60% des exportations allemandes vont toujours à ses partenaires européens. La crise de la dette conduit en outre à "une crise de confiance" en Allemagne qui freine d'ores et déjà la demande intérieure, autant des ménages que des entreprises. Celles-ci "ont les moyens, mais elles sont hésitantes, elles repoussent les projets d'investissement", a analysé Klaus Abberger, de l'institut Ifo. Quant à la fragilisation des banques, dont les bilans sont largement affectés par la dépréciation des obligations grecques en leur possession, elle va se traduire par des conditions de crédit plus contraignantes, qui pourraient handicaper encore davantage l'investissement. Toutes ces difficultés devraient culminer cet hiver, avec un recul du PIB prévu au quatrième trimestre 2011 (-0,2%). Les instituts prévoient en revanche une croissance positive durant tous les trimestres de l'an prochain, mais modeste. "L'Allemagne devrait donc, contrairement à beaucoup de pays européens, échapper à une récession", effective à partir de deux trimestres consécutifs de contraction du PIB, a commenté M. Döhrn. Les finances du pays sont solides: le déficit public est attendu à 0,9% du PIB cette année, et 0,6% l'an prochain. Du coup l'Allemagne "aura une politique budgétaire beaucoup moins restrictive que d'autres", a-t-il ajouté, alors qu'en Grèce, en Italie, en Espagne ou encore au Royaume-Uni, les politiques d'austérité à l'œuvre étouffent la croissance. Le marché du travail devrait être épargné: le chômage, à son plus bas depuis 20 ans, va même continuer à reculer légèrement, prévoient les instituts. "L'économie allemande va rester un pôle de stabilité et de croissance en Europe", a immédiatement commenté le ministre de l'Economie Philipp Rösler, qui préfère voir dans l'assombrissement de l'horizon "une pause de croissance pendant l'hiver", et table sur un redressement à partir du printemps 2012. C'est aussi ce que prédisent les instituts mais avec une réserve de taille: en cas d'aggravation de la crise de la dette, "la conjoncture allemande serait pénalisée plus que prévu, et tomberait en récession", écrivent-ils. Le patron de Deutsche Bank, Josef Ackermann, a évoqué, avant-hier, "l'épée de Damoclès" que constitue la crise de la dette, avant de renvoyer, comme les économistes de ces instituts, la balle dans le camp des politiques. "La prochaine tentative (pour la résoudre) doit être la bonne", a résumé Joachim Scheide, de l'institut IW de Kiel, à propos du sommet européen du 23 octobre.