Alors que durant tout l'été Slimane Benaissa a fait le plein avec "Wel Moudja Wellat " (Et la houle revient", un spectacle qui signe son retour sur la scène artistique après une vingtaine d'années d'exil, le dramaturge est toujours visible dans nos salles. Du 25 au 27 du mois en cours, il est à l'affiche du palais de la Culture Moufdi Zakaria avec le même monologue, un public un peu vieilli, même si lui, avoue que "les anciens qui m'ont accompagné ont ramené une autre génération, des jeunes." Nostalgie ou performance ? A l'heure oû les acteurs du 4ème art se plaignent de la désertion des lieux de spectacle, Slimane Benaissa a connu un véritable rush cet été oû il présentait le même spectacle dans la petite salle, Sierra Maestra. C'était plein tout les soirs à tel point que le comédien et metteur en scène fera une rallonge de quelques jours de plus pour satisfaire un public de plus en plus nombreux. "Il y a ceux qui ont vu le monologue plusieurs fois " remarquait le dramaturge avec un petit point d'honneur. " C'est une véritable bouffée d'oxygène. Il raconte la vérité, c'est durs mais c'est bon de l'entendre" explique une spectatrice âgée, les yeux lumineux à sa sortie du palais de la culture. "C'est fort et ça fait rire " dit sa compère qui a à peu prés le même âge. Une année aprés "Le conseil de discipline" à la salle Atlas et vingt ans après " Rak khouya ouana chkoun ? " (Tu es mon frère, et moi qui suis-je ?), Slimane Benaissa a opéré un retour, qui fut quasi triomphal avec , "wel Moudja wellat" , une pièce mosaïque de tout ce qu'il a signé en plus de 30 ans de carrière. Construite dans l´esprit de continuité que la tirade de "Babor Ghrek ", c´est aussi, soulignera M.Benaissa, un mélange de poésie et d´histoire d´un individu dans la société. Au mois de mai dernier, Slimane Benaissa jouait pratiquement tous les soirs à la salle Sierra Maestra de Meissonnier à Alger. Avec succès, il est passé au Théâtre régional de Béjaïa, puis à Tizi Ouzou. "Cette nouvelle pièce n'est ni un one- man- show, ni un monologue théâtral, mais quelque chose de neuf qui se placerait à mi-chemin entre les deux", expliquait le dramaturge. Ecrite et interprétée par lui-même, ce monologue dont le sobre décor fut confié à l'artiste peintre Arezki Larbi, dure une heure. Slimane Benaissa y campe son rôle de toujours, le personnage de Boualem. Décortiquant l'histoire, dénonçant les abus, vilipendant l'idéologie dogmatique qui gagne tous les secteurs de la vie publique, Slimane Benaissa a passé en revue pratiquement les mêmes sujets qu'il évoquait dans ses anciennes pièces. "Wel Moudja Wellat ", est allégorique. En clair, c'est quelque chose de sombre qui revient, et c'est aussi le retour de Slimane Benaissa en tant qu'artiste qui dit ce qui ne va pas de façon poétique. Défenseur acharné de la tradition orale sur laquelle, selon lui, se base la société algérienne, le dramaturge, tout comme fut son compère Alloula, y puise fortement en se référant aux adages en arabe populaire et langue amazighe. "Notre métier est de dire à la société ce qu´elle ne peut se dire à elle-même. Autrement, parler de choses douloureuses de manière non douloureuse. C´est cela le rôle du poète et de l´homme de théâtre", soutenait-il encore. Son retour, l'an dernier à la salle Atlas de Bab El Oued avec, "Le conseil de discipline" se voulait discret, du fait, sans doute, que cet autre monologue était destiné pour la Télévision algérienne. Paraphée il y a 18 ans aux Editions Lansman, les évènements de cette pièce se déroulent dans un contexte de guerre, en 1956, soit deux ans après le déclenchement de la Révolution. A cette époque, le débat sur la nécessité d'une lutte armée contre le colonisateur français faisait rage. Slimane Benaissa dans le costume de Benboulaid Très remarqué par son retour prodigieux avec "La houle revient " (El Moudja Welat), l'artiste Slimane Benaissa ambitionne d'incarner le personnage de Mustapha Benboulaid, dans le film éponyme d'Ahmed Rachedi. Ça sera dans une version feuilleton pour la télé. L'annonce de cette nouvelle a été faite lors de son passage pendant le Ramadhan dernier au Théâtre régional de Constantine avec la même pièce qui a fait d'ailleurs salle comble. Le comédien projette également de monter quelque chose pour le Théâtre de Béjaïa ainsi qu'un projet de formation au Théâtre de Constantine. Gros chantier donc pour ce comédien prodige dont l'immaculé succès a dû faire pâlir de jalousie les caciques de nos planches dont certains, aujourd'hui responsables lui ont indirectement refusé l'accès aux institutions qu'ils dirigent. En intellectuel, Slimane Benaissa a transposé maints débats sur les planches. Dans ses autres pièces, il fait évoluer sur scène des comédiens qui sont à peu près de la même génération et qui ont eu à endosser pareils rôles dans d'autres œuvres. Ils s'appellent Mohamed Remas, Mustapha Ayad, Djamel Bouneb, Arslan, Brahim Chergui et Slimane Benaissa lui-même. Lors de ses nombreuses rencontres avec la presse, Slimane Benaissa déplorait le manque criard des textes théâtraux. C'est cela qui l'a poussé sans doute à se projer dans un cycle de formation au niveau des théâtres régionaux comme Tizi Ouzou ou Béjaïa.