L'ex-P-DG d'Olympus Michael Woodford a abandonné son projet de reprendre les rênes du groupe frappé par un scandale financier qu'il a révélé, citant un manque de soutien des actionnaires japonais. "J'abandonne aujourd'hui toute action visant à constituer une équipe alternative d'administrateurs", a annoncé le Britannique dans un communiqué, avant-hier. Evincé de la tête du groupe d'appareils photo et d'endoscopes le 14 octobre pour avoir demandé des éclaircissements sur des maquillages de compte, M. Woodford avait depuis dénoncé publiquement l'affaire, provoquant un énorme scandale, et tentait de reconquérir la direction d'Olympus. Il a mis en avant le "traumatisme" et les "souffrances" endurées par son épouse lors de son renvoi "brutal" pour expliquer son retrait. "J'ai fait ce que je devais faire", a souligné l'ex-P-DG, dont les révélations ont provoqué une tempête médiatique, ruiné la réputation de l'entreprise et entraîné une chute de plus de moitié de la valeur de son action à la Bourse de Tokyo. "Aucun des principaux actionnaires institutionnels japonais ne m'a apporté un mot de soutien, et ils ont en pratique permis le maintien d'un conseil d'administration vicié", a déploré le Britannique. Depuis le début de l'affaire, l'ex-P-DG appelait les administrateurs d'Olympus à démissionner pour assumer leur responsabilité dans les truquages comptables, ce qu'il avait lui-même fait début décembre. Vivant en Grande-Bretagne, il revenait régulièrement au Japon pour témoigner devant les enquêteurs, parler à la presse et surtout tenter de convaincre les actionnaires du groupe de soutenir son projet de renversement du conseil d'administration par une équipe nouvelle. Parmi les principaux groupes japonais propriétaires d'Olympus figurent Nippon Life Insurance, premier groupe d'assurance-vie au Japon, et des banques de renom comme Bank of Tokyo-Mitsubishi UFJ et Sumitomo Mitsui Banking Corporation. Leur manque de soutien, "malgré les découvertes explicites d'un comité indépendant, est déprimante et incompréhensible pour les observateurs extérieurs du Japon", a regretté M. Woodford, qui a expliqué que le président de la banque Sumitomo Mitsui avait même refusé de le rencontrer. Le comité d'experts mandaté pour éclaircir le camouflage des pertes avait qualifié de cercle de béni-oui-oui les membres du conseil d'administration, accusé de n'avoir rien vu des manipulations organisées par trois anciens responsables, l'ex-P-DG Tsuyoshi Kikukawa, son bras droit Hisashi Mori et un contrôleur de gestion, Hideo Yamada. Des montages financiers complexes avaient permis la dissimulation, selon des aveux tardifs de l'entreprise, d'un passif de 134,8 milliards de yens (1,35 milliard d'euros au cours actuel) déploré à cause d'investissements financiers risqués lancés dans les années 1980. Les trois ex-dirigeants mis en cause ont démissionné de toute fonction depuis et ont été visés par des perquisitions lancées par la police, le procureur de Tokyo et la Commission des opérations de Bourse. M. Woodford a annoncé pour sa part qu'il poursuivrait Olympus en justice pour obtenir réparation "du comportement grossier" de la direction qui l'a renvoyé. Il a souligné qu'il s'était efforcé tout du long "d'empêcher l'affaire Olympus d'être perçue comme un problème 'Japon contre étrangers'" pour en faire "un débat national d'importance entre réformateurs et non-réformateurs". Le scandale a nui à l'image des entreprises nippones, inquiétant les autorités au point de pousser le Premier ministre, Yoshihiko Noda, à exiger des actions "fermes". Le Japon a pourtant raffermi sa régulation financière, critiquée pour son laxisme jusqu'à la fin des années 90, qui ont vu l'éclatement de la bulle financière et immobilière formée pendant les années 80 dans l'archipel. Les autorités travaillent sur une nouvelle réforme de la loi sur la gouvernance des sociétés, mais rien de concret n'a encore été présenté. A court d'argent, la direction d'Olympus prépare de son côté une augmentation de capital, d'après la presse nippone. Les noms des groupes japonais Sony, Fujifilm et Panasonic et de l'allemand Siemens ont été cités comme investisseurs potentiels. La décision est toutefois suspendue au verdict des autorités boursières nippones d'autoriser ou non le maintien de la cotation de l'action Olympus, malgré les irrégularités passées. Avant-hier, le titre Olympus a terminé en hausse de 2,13% à la Bourse de Tokyo, à 1.053 yens.