La Banque du Japon s'est gardée d'assouplir clairement sa politique monétaire au vu de la légère reprise observée dans l'archipel, mais a modifié son programme d'achat d'actifs afin de rendre plus efficace son arsenal anti-déflation. "L'activité économique au Japon a commencé à se reprendre modérément en vertu d'une demande solide soutenue par les besoins de la reconstruction" des zones détruites par le séisme et le tsunami du 11 mars 2011 dans le nord-est du Japon, a expliqué, avant-hier, le comité de politique monétaire de la BoJ à l'issue d'une réunion de deux jours. La banque centrale a assuré que les investissements publics comme privés augmentaient, que la consommation des ménages comme leur moral s'amélioraient et que la production et les exportations donnaient des signes encourageants. Bien qu'elle ait abaissé de 0,1 point sa prévision de croissance pour l'année budgétaire du 1er avril 2012 au 31 mars 2013, elle estime que le produit intérieur brut de la troisième puissance économique mondiale pourrait quand même s'élever de 2,2%, puis de 1,7% lors de l'exercice 2013-2014. Ce relatif optimisme, conjugué à son jugement d'un "système financier japonais de plus en plus fluide", a conduit la BoJ à maintenir en l'état le montant total consacré à son programme central d'assouplissement monétaire, soit 70 000 milliards de yens soit 700 milliards d'euros. A défaut d'augmenter la somme dévolue à cette enveloppe globale, dont la taille est scrutée par le marché pour étalonner sa volonté, la banque en a modifié le contenu afin d'en rendre l'effet plus efficace. Dans le détail, elle a d'un côté élevé de 5 000 milliards de yens les fonds consacrés à l'achat de bons du trésor japonais à court terme (échéance à douze mois ou moins), portant à 45 000 milliards de yens le montant total consacré aux achats d'actifs stricto sensu (bons du trésor à moyen et court terme, obligations d'entreprises, autres titres financiers) De l'autre côté, constatant que les banques n'avaient pas souscrit autant que les montants totaux proposés, la BoJ a abaissé de 5 000 milliards le plafond de ses injections dans le circuit interbancaire, dont le montant maximum sera désormais fixé à 25 000 milliards. "Il s'agit d'un assouplissement à la marge" a jugé Julian Jessop, de Capital Economics. "La demande pour les prêts de la BoJ s'est affaiblie et les fonds alloués à cette partie du programme risquaient de ne pas être utilisés en totalité, alors que les achats de bons du trésor à court terme seront concrétisés quoi qu'il arrive", a-t-il souligné. Hormis le contenu de l'enveloppe, la BoJ a changé deux dispositions encadrant ce programme afin de permettre un meilleur écoulement de ses fonds dans l'économie. Elle a d'abord supprimé le taux d'intérêt minimum associé aux bons du trésor à court terme qu'elle souscrit sur le marché secondaire où s'échangent des titres déjà émis par l'Etat. Jusqu'à présent, la BoJ achetait uniquement des bons accompagnés d'un taux d'intérêt de 0,1% minimum, ce qui empêchait aux détenteurs de titres moins rémunérateurs de les vendre à la banque centrale. La banque a en outre porté à six mois la durée de l'ensemble de ses crédits à taux préférentiels accordés aux banques pour prêter aux entreprises, contre une durée variable de trois à six mois jusqu'à présent. Car si la BoJ s'est voulu rassurante dans sa déclaration, elle a prévenu que la troisième puissance économique mondiale "faisait face au défi critique de vaincre la déflation", ce qui pousse la banque à encourager un accès fluide aux liquidités. Elle a ainsi, sans surprise, maintenu son principal taux directeur dans une fourchette comprise entre 0,0% et 0,1%, ce qui revient à encourager un taux nul. Le phénomène pernicieux de la déflation, qui décourage l'investissement des entreprises et la consommation des ménages, reste en effet ancré dans l'archipel. La BoJ, notant que les prix à la consommation (hors produits périssables) étaient en totale stagnation, a même été contrainte d'abaisser légèrement sa prévision de hausse de ces tarifs pour 2012-2013, à 0,2% contre 0,3% précédemment. Pour l'année 2013-2014, elle s'attend toujours à une très légère inflation de 0,7%, en-dessous de son objectif fixé de 1% compatible avec le retour à une croissance durable. Il s'agit d'un frein important à la reprise du Japon, menacé aussi par "les incertitudes de la croissance mondiale portant sur le problème d'endettement européen, le rythme du rebond américain et la consolidation des économies émergentes".