Relance ou statu quo? La Banque centrale des Etats-Unis (Fed), qui réunit son comité monétaire demain et après demain, va disséquer l'état de l'économie américaine pour décider si de nouvelles mesures de soutien s'avèrent nécessaires. Publiés cette semaine, les derniers chiffres de la croissance ont confirmé l'essoufflement de la première puissance mondiale. Depuis fin 2011, la progression du produit intérieur brut (PIB) n'a cessé de ralentir pour atteindre 1,5% au deuxième trimestre, sur fond de chômage persistant. La Maison-Blanche a elle-même révisé à la baisse ses prévisions de croissance cette semaine pour 2012 et 2013, à 2,6%. Le président de la Fed Ben Bernanke a récemment reconnu que l'économie américaine faisait face à "un certain nombre de vents contraires" et répété que la Banque centrale se tenait prête à agir si la situation l'exigeait. Taux quasi nul au moins jusqu'en 2014 "Le timing de leurs prochaines décisions reste totalement incertain", souligne Tim Duy, professeur d'économie de l'université de l'Oregon et auteur d'un blog sur la Fed. Lors de leur dernière réunion fin juin, les douze membres du comité monétaire (FOMC) avaient annoncé le maintien "au moins jusqu'en 2014" et à un taux quasi nul du taux directeur, et prolongé jusqu'à la fin de l'année le programme d'échange d'obligations baptisé "Twist", censé s'achever en juin. Cette opération, d'un montant total de 647 milliards de dollars, consiste à troquer des bons du Trésor d'une maturité restante de moins de trois ans contre un montant égal d'obligations d'Etat d'une maturité de 6 à 30 ans, afin de faire baisser les taux à long terme sans toutefois créer de monnaie. A l'issue de ses deux journées de réunion, le comité pourrait décider mercredi d'étendre encore la durée de vie de ces programmes, voire d'utiliser de "nouveaux outils", comme certains de ses membres le suggéraient fin juin. Mais pour les marchés et les analystes, la question centrale n'a pas changé : la Fed est-elle prête à lancer une troisième phase "d'assouplissement monétaire" en rachetant directement des actifs financiers comme elle l'a fait en 2008 et 2010? Tempête budgétaire Pour stimuler l'économie, elle avait alors acquis des obligations du Trésor et des titres émis par les organismes de refinancement hypothécaire parapublics, injectant au total 2.300 milliards de dollars sur le marché dans l'espoir de desserrer le crédit. "La Fed aurait dû activer cette mesure d'alerte il y a six semaines quand il est devenu clair que ses prévisions (économiques) n'avaient plus aucune valeur", estime Tim Duy. Selon le New York Times, un "nombre croissant" de responsables de la Fed seraient favorables à de nouvelles mesures de relance monétaire. Jusqu'à maintenant, la Fed s'est montrée réticente à s'engager dans un nouveau "quantitative easing" ou "QE3", par peur de nourrir l'inflation et de déstabiliser le marché. La crainte d'une tempête budgétaire aux Etats-Unis à la fin de l'année couplée à l'impact de la crise en zone euro aurait certes pu l'inciter à reconsidérer sa position. Mais selon plusieurs économistes, les derniers chiffres de la croissance américaine, moins mauvais que prévu, devraient conduire la Banque centrale à observer une nouvelle fois une certaine prudence. "Cet indicateur va sans aucun doute mettre le holà à une troisième phase d'assouplissement monétaire", prédit Jason Schenker de Prestige Economics. "La Fed voudra prendre connaissance de davantage de données avant de s'engager dans de nouveaux assouplissements monétaires", confirme John Ryding, de RDQ Economics. La croissance ralentit moins que prévu mais l'incertitude demeure La croissance économique aux Etats-Unis a continué à ralentir au deuxième trimestre, à un rythme certes moins rapide que prévu mais dans un contexte d'incertitude qui inquiète les analystes. Entre avril et juin, le produit intérieur brut (PIB) américain a augmenté de 1,5% en rythme annualisé par rapport au trimestre précédent où il avait gagné 2,0%, a indiqué cette semainele ministère du Commerce. Sujette à des révisions futures, cette première estimation dépasse les prévisions des économistes, qui tablaient sur une hausse du PIB de 1,2%, mais elle fait apparaître la pente descendante sur laquelle la première économie du monde est engagée. Au dernier trimestre de 2011, le volume de richesse produite sur le sol américain avait ainsi bondi de 4,1%, selon le chiffre révisé à la hausse publié cette semaine, et sa progression n'a, depuis, cessé de ralentir. Interprétations radicalement différentes En pleine campagne présidentielle, cet indicateur a aussitôt donné lieu à des interprétations radicalement différentes dans les deux camps qui se disputent la Maison Blanche. "Ce PIB faible est une mauvaise nouvelle supplémentaire pour les familles américaines en difficulté", a estimé le républicain Reince Priebus. "L'économie continue à avancer dans la bonne direction", a au contraire constaté Alan Krueger, conseiller économique du président démocrate Barack Obama, en ajoutant toutefois qu'un supplément de croissance était "nécessaire". Signe de la morosité ambiante, la Maison Blanche a elle-même légèrement révisé à la baisse ses prévisions de croissance cette semaine, estimant que le PIB américain augmenterait de 2,6% en 2012 et 2013, tandis que le taux de chômage ne devrait décroître que lentement pour atteindre 7,6% fin 2013. Elan prédit au 3e trimestre "Il y a peu de choses qui donnent beaucoup d'espoir sur une substantielle accélération de la croissance", juge Dean Baker, du Centre de recherche politique et économique à Washington. Prédisant un "élan" au troisième trimestre, Harm Bandholz, d'UniCredit, est moins pessimiste mais il s'inquiète de la "forte incertitude" autour de l'économie mondiale et du redouté "mur fiscal" aux Etats-Unis: l'expiration, prévue fin 2012, de réductions d'impôts conjuguée à des baisses automatiques de dépenses publiques. Le tableau de l'économie américaine qui se dessine au deuxième trimestre incite à tout le moins à la prudence. Malgré un taux de chômage persistant (+8,2%), la consommation des ménages, notamment de services, a relativement bien résisté, grappillant 1,5% d'avril à juin, et a permis à elle seule d'assurer 70% de la hausse du PIB. Mais elle ralentit toutefois, notamment par rapport au trimestre précédent, où elle avait gagné 2,4%, au moment même où la progression du revenu disponible des ménages se tasse légèrement. Bond des exportations La véritable bonne surprise vient des exportations qui bondissent de 5,3% sur le trimestre, contre +4,4% sur les trois précédents mois. Sur le front des mauvaises nouvelles, le ministère du Commerce souligne la "contribution négative" à la croissance des dépenses publiques, qui ont reculé de -1,4% entre avril et juin, pour le huitième trimestre consécutif. Un point semble faire consensus auprès des analystes: après cet indicateur un brin moins mauvais qu'attendu, la Banque centrale américaine (Fed), qui fixera mercredi les grands axes de sa politique monétaire, devrait encore patienter avant de prendre de nouvelles mesures de relance. Cet indicateur "a peu de chances de radicalement changer l'état d'esprit des dirigeants", pronostique Peter Newland, de Barclays Economics Research."Il semble que le verdict (sur de nouvelles mesures de la Fed, ndlr) devra encore attendre", confirme Chris Low, de FTN Financial.