La Russie, troisième exportateur mondial de céréales, a nettement abaissé jeudi dernier, sa prévision de récolte pour 2012, mais s'est voulu rassurante vis-à-vis des marchés mondiaux déjà ébranlés par la sécheresse aux Etats-Unis, excluant un embargo sur ses exportations. Le ministre russe de l'Agriculture, Nikolaï Fedorov, a reconnu dans une interview à la télévision russe que la tendance pour la récolte n'était actuellement "pas très favorable". "Aujourd'hui, il ne convient plus de parler de 80 millions de tonnes, il s'agit plutôt de 75 millions de tonnes" de céréales, a-t-il déclaré, sur la chaîne Vesti. De nombreuses régions agricoles, dans le bassin de la Mer noire, au sud du pays, ont été touchées cette année par une sévère sécheresse. Par ailleurs, les champs ont aussi été affectés par le gel qui a sévi l'hiver dernier. Face à ces aléas, le pays - qui avait récolté environ 92 millions de tonnes de céréales en 2011 - avait déjà réduit ses prévisions, mais les analystes s'attendaient à une nouvelle révision à la baisse. Concernant la récolte de blé seule, le département américain de l'Agriculture (USDA), qui publie des rapports mensuels sur les prévisions mondiales de récolte, avait déjà abaissé le 10 août une nouvelle fois ses pronostics, tablant sur 43 millions de tonnes (- 6 millions de tonnes par rapport à la précédente estimation). La nouvelle estimation du ministère russe "n'est pas du tout un chiffre qui nous fait peur", a toutefois déclaré M. Fedorov, expliquant qu'en 2010, année où le pays avait été touché par une sécheresse et une canicule sans précédent, la récolte avait été bien inférieure, s'établissant à "environ 60 millions de tonnes". Des propos destinés à rassurer les marchés mondiaux, déjà secoués par la grave sécheresse qui sévit aux Etats-Unis qui a provoqué une flambée des prix - et qui craignent que Moscou ne limite ses exportations, à l'image de ce qui avait été fait en 2010. Cette mesure avait été prise dans l'espoir de contenir l'envolée des prix dans le pays, mais elle avait provoqué une hausse des cours mondiaux du blé. L'embargo a été levé le 1er juillet 2011. "L'éventualité d'une répétition de ce scénario a pesé telle une épée de Damoclès sur le marché du blé, ces dernières semaines", soulignait mardi dans une note l'organisme public français France Agrimer. M. Fedorov a cependant indiqué que le ministère était "catégoriquement contre des mesures qui limiteraient et détruiraient le marché mondial", jugeant que ce type d'initiatives avait un "effet boomerang en faisant grimper les prix pour les consommateurs". Il a souligné qu'en plus de cette récolte, la Russie disposait notamment de 17 millions de tonnes de céréales dans ses réserves. "En tenant compte du fait que la consommation intérieure de céréales s'établit à environ 70 millions de tonnes, nous pouvons tabler sur un potentiel d'exportation, en particulier de blé", a-t-il dit. France Agrimer souligne cependant dans son étude que le stock initial est "plus faible" qu'en 2010, réduisant de fait les disponibilités pour les exportations. "L'objectif d'exportation en blé a été placé à 8 millions de tonnes par l'USDA contre 21,6 en 2011", rappelle l'organisme, ajoutant que ce chiffre pourrait légèrement évoluer. "En effet les exportations pourraient atteindre 9 millions de tonnes si le volume de production de 43 millions de tonnes est confirmé. Mais il n'est pas envisageable d'aller au delà", sous peine d'avoir un stock insuffisant pour 2013, estime France Agrimer, tablant par conséquent sur un tarissement rapide de l'offre russe sur les marchés mondiaux.