Les créanciers du Portugal entamaient, hier, un nouvel examen du programme de rigueur et de réformes exigé en échange de l'aide accordée à ce pays, qui peine à atteindre ses objectifs budgétaires et pourrait saisir l'occasion pour négocier leur assouplissement. La sévère cure d'austérité appliquée depuis mai 2011, dans le cadre d'un plan de sauvetage de 78 milliards d'euros, a plongé l'économie portugaise dans la récession et fait chuter les recettes fiscales en dépit de la hausse des impôts. Suite à la publication jeudi dernier, des chiffres de l'exécution budgétaire de janvier à juillet, une source au ministère des Finances a laissé entendre que l'objectif d'un déficit public à 4,5% du PIB à la fin de l'année, ne pourrait être atteint sans l'adoption de nouvelles mesures de rigueur. Pendant environ deux semaines, les représentants de la Troïka composée par la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international devront donc plancher sur la question du moment: serrer davantage la ceinture des Portugais ou permettre à leur gouvernement de dépasser l'objectif fixé, voire un peu des deux. "Sans nouvelles mesures, le déficit pourrait atteindre près de 6% du PIB", a estimé la BNP Paribas dans une note d'analyse, jugeant que "les objectifs actuels seront probablement ajustés" mais que, "face à l'ampleur du dérapage, les nouveaux objectifs devront être accompagnés d'économies supplémentaires". A son retour de vacances, le Premier ministre de centre-droit Pedro Passos Coelho a assuré que les finances publiques avaient été "contrôlées" et que le pays était "plus proche de vaincre la crise", sans évoquer toutefois les enjeux de cette cinquième évaluation trimestrielle. "Un esprit ouvert" Dès juillet, la Troïka avait exprimé son inquiétude face aux "risques budgétaires" qui menaçaient le Portugal. "Si les recettes fiscales continuent de baisser, l'objectif est menacé", avait alors prévenu le chef de la mission du FMI, Abebe Selassie, tout en disant garder "un esprit ouvert" concernant le déficit visé par Lisbonne. L'opposition socialiste et nombre d'observateurs considèrent que l'austérité a atteint sa limite. Avec une récession de 3% du PIB attendue cette année et un chômage record de 15% au deuxième trimestre, les partisans d'un redressement plus progressif jugent qu'un nouveau tour de vis serait contre-productif. Mais "comment expliquer un assouplissement des objectifs pour les Portugais quand on ne fait pas la même chose pour les Grecs ?", s'interrogeait, hier, l'éditorialiste du Jornal de Negocios, alors qu'Athènes tente d'arracher aux Européens un sursis de deux ans pour tenir ses engagements. Le gouvernement portugais pourrait néanmoins bénéficier de son image de "bon élève", qui a respecté "l'écrasante majorité des exigences" de ses créanciers, notait le Diario Economico, selon lequel "il est aujourd'hui indéniable aux yeux de tous que le Portugal est un cas différent de celui de la Grèce". Au-delà du déficit de cette année, la Troïka se penchera avec les autorités locales sur la préparation du budget 2013, un exercice rendu plus délicat par un jugement de la Cour constitutionnelle retoquant la suspension des 13e et 14e mois versés aux fonctionnaires et aux retraités. Pour ramener le déficit à 3% du PIB l'an prochain, cette mesure, qui a largement contribué à faire baisser les dépenses publiques cette année, devra être compensée par des économies touchant l'ensemble des Portugais. En cas de nouveau satisfecit de ses bailleurs de fonds, Lisbonne recevra une nouvelle tranche d'aide de 4,3 milliards d'euros, qui s'ajouteront aux 57,1 milliards déjà versés.