L'Espagne a profité, avant-hier, d'un marché plus détendu pour emprunter près de 5 milliards d'euros, mais cette détente pourrait vite atteindre ses limites alors que le pays ne demande toujours pas son sauvetage et est chahuté par ses propres régions, Catalogne en tête.En fin de matinée, le pays est parvenu à vendre des obligations à dix ans, échéance considérée comme un baromètre de la confiance des investisseurs, à un taux moyen de 5,666%, bien loin du taux concédé le 2 août (6,647%). A la même heure, le leader nationaliste catalan Artur Mas entrait au Palais de la Moncloa, siège du gouvernement espagnol, pour y rencontrer le dirigeant conservateur Mariano Rajoy, et défendre son projet de pacte budgétaire, qui donnerait à la région le droit de lever elle-même l'impôt. Mais il s'est heurté à un net refus, Artur Mas accusant alors l'Espagne d'avoir "raté une opportunité historique". Marchés apaisés pour l'instant Cette rencontre survenait dans un contexte de tension croissante entre l'Etat central et une partie de ses 17 régions autonomes, de quoi inquiéter à nouveau les marchés. Pour l'instant, les marchés semblent toujours apaisés, sous l'effet de la récente annonce par la Banque centrale européenne (BCE) d'un programme d'achats d'obligations pour soutenir les pays les plus fragiles de la zone euro, dont l'Espagne. Le Trésor en a profité pour lever 4,8 milliards d'euros à trois et dix ans, plus que les 4,5 milliards visés, ce qui lui permet d'avoir déjà bouclé 82,1% de son programme annuel, selon le ministère de l'Economie. Mais ce répit pourrait être de courte durée: le pays, quatrième économie de la zone euro, est étroitement surveillé par les investisseurs, alors qu'il bénéficie depuis juin d'une promesse d'aide européenne pouvant atteindre jusqu'à 100 milliards pour renflouer ses banques, fragilisées par l'éclatement de la bulle immobilière en 2008. On attend de connaître les intentions du gouvernement Il est désormais sous pression du marché et de certains de ses partenaires européens pour demander un sauvetage plus large de son économie, mais assure n'avoir pas encore pris de décision, redoutant les strictes conditions qui pourraient lui être imposées."Les investisseurs sont toujours dans l'attente de connaître les intentions du gouvernement espagnol sur la demande d'un possible sauvetage +léger+", notent les analystes de Link Securities. Grâce à cette émission réussie, "Rajoy, peut repousser un peu plus sa demande de sauvetage", estime Simon Furlong, courtier chez Spreadex, mais "5,666% reste extrêmement élevé" et "tant que l'Espagne ne paiera pas de taux significativement plus bas, le sauvetage est inévitable". "Une baisse soutenue des taux espagnols dépend de la demande d'aide extérieure du gouvernement", confirme Nick Stamenkovic, stratégiste chez RIA Capital Markets, pour qui Madrid "aura inévitablement besoin de soutien financier, probablement d'ici le sommet européen" des 18 et 19 octobre. Les régions, principal facteur de risque Dans ce moment délicat, les tensions régionales ne sont pas les bienvenues. Les régions représentent le "principal facteur de risque" face à l'engagement du gouvernement à réduire son déficit de 8,9% à 6,3% du PIB cette année, prévient la Fondation d'études d'économie appliquée (Fedea) dans une étude. "Le problème n'est encore une fois pas du côté du gouvernement central mais du côté des banques et des régions autonomes", renchérit Jean-François Robin, stratégiste chez Natixis, dans une note. Pour les banques, les audits qui seront publiés le 28 septembre permettront de chiffrer leurs besoins, limités selon le gouvernement à 60 milliards d'euros. Quant aux régions, étranglées par une crise qui n'en finit pas, elles ont multiplié ces dernières semaines les demandes d'aide auprès de l'Etat central. A commencer par la Catalogne, qui a sollicité 5 milliards d'euros, suivie de la région de Valence, qui a besoin de 4,5 milliards, tandis que l'Andalousie a réclamé une avance d'un milliard et pourrait ensuite "demander 2,4 milliards d'aide", selon Natixis. Le besoin de capitaux des banques moins fort que prévu, estime Lagarde La directrice générale du FMI, Christine Lagarde, estime que les besoins de recapitalisation des banques espagnoles devraient finalement être moins importants que prévu, dans un entretien au Wall Street journal publié, avant-hier, sur le site du quotidien financier. C'est une bonne nouvelle. Le montant est moins élevé que ce que redoutaient les Européens et les Espagnols, a déclaré la chef du Fonds monétaire international. Fin juin, l'Union européenne avait accordé jusqu'à 100 milliards d'euros d'aide à l'Espagne pour venir en aide à ses banques, fragilisées par leur exposition à la grave crise de l'immobilier dans le pays. Un audit indépendant, dont les résultats doivent être publiés le 28 septembre, est actuellement en cours en Espagne pour évaluer plus précisément le montant de recapitalisation requis. L'hypothèse probable c'est qu'on soit plus proche des prévisions faites par le FMI que des 100 milliards d'euros qui ont été mis sur la table par les Européens, a souligné Mme Lagarde. En juin, le Fonds monétaire international avait évalué à au mois 40 milliards d'euros les besoins de recapitalisation des banques espagnoles mais ce montant pourrait toutefois être plus élevé aujourd'hui étant donné la dégradation continue de la situation dans le pays.Au deuxième trimestre, l'Espagne s'est enfoncée un peu plus dans la récession, avec un recul de son produit intérieur brut (PIB) de 0,4% par rapport aux premiers mois de l'année où il avait déjà baissé de 0,3%. Nous ne tenons pas le porte-monnaie, nous ne tenons pas le stylo. Mais nous surveillons de près la situation pour être sûrs que la restructuration se déroule comme prévu, a ajouté Mme Lagarde, dont l'institution a été sollicitée pour superviser le processus en Espagne. Egalement appelée à intervenir dans le nouveau programme de rachat d'obligations d'Etat de la Banque centrale européenne (BCE), Mme Lagarde a estimé que la participation du FMI dans ce cadre était suffisamment souple pour que l'institution garde la maîtrise de son action. Le FMI doit être indépendant et sa participation ne doit être définie ou dictée par quiconque, a-t-elle ajouté.