Le gouvernement espagnol a présenté, avant-hier, un budget 2013 marqué par l'austérité, dans un climat d'intense protestation sociale et de regain de tension des marchés, impatients de voir la quatrième économie de la zone euro solliciter son sauvetage financier. Avec l'objectif de réduire le déficit de 39 milliards d'euros, "sans aucun doute, il s'agira d'un budget austère", a prévenu la porte-parole du gouvernement conservateur, Soraya Saenz de Santamaria. Le pays doit à tout prix regagner la confiance des investisseurs après un grave dérapage budgétaire, le journal El Pais affirmant même que le déficit 2011 serait à nouveau revu en hausse, à 10% du PIB, contre 8,9% publié et bien loin des 6% promis. D'ici 2013 le but est de réduire de moitié, à 4,5%. Un exercice crucial pour Madrid: "de la crédibilité" (de ce budget auprès des investisseurs) dépendra le déclenchement de la demande d'aide", prévient la maison de courtage Link Securities. Car la nervosité des marchés, apaisée par l'annonce de mesures de soutien de la Banque centrale européenne (BCE), s'est accrue alors que l'Espagne ne se décide toujours pas à avoir recours aux fonds de secours européens, étape indispensable pour que la BCE entre en action. Rajoy prêt à accélérer la cadence Signe de cette tension, le taux d'emprunt à dix ans du pays était, avant-hier, au-dessus des 6%, un niveau jugé insoutenable à long terme. Le chef du gouvernement Mariano Rajoy, s'est toutefois montré prêt à accélérer la cadence: si ce taux restait à un niveau "très élevé pendant trop longtemps", "je peux vous assurer à 100% que nous demanderions ce sauvetage", a-t-il dit la veille au Wall Street Journal. A ce contexte tendu s'ajoute une véritable crise politique et sociale à l'intérieur du pays, secoué par une série de manifestations, parfois violentes, contre l'austérité, pendant que la Catalogne, agitée par une poussée indépendantiste, a annoncé des élections anticipées pour novembre. La fragilité financière des régions préoccupe les marchés et l'appel à l'aide, avant-hier, de la Castille-La Manche, qui demande à l'Etat central 848 millions d'euros, s'ajoute à ceux déjà formulés par la Catalogne, Valence, l'Andalousie et la région de Murcie, pour environ 15 milliards. Malgré tout, le gouvernement garde le cap sur la rigueur en dévoilant budget et réformes, un ensemble perçu par les analystes comme l'avant-dernière étape avant de demander le sauvetage. Réduction des dépenses des ministères Dans son budget, il table sur des recettes en hausse de 15 milliards d'euros, en provenance de l'augmentation de la TVA et d'autres impôts, tandis que 7 milliards sont attendus des coupes dans les régions, qui gèrent les budgets de la santé et de l'éducation. Les dépenses des ministères seront réduites de 12% en moyenne avec des coupes allant jusqu'à 30% pour la Culture, selon El Pais. Les salaires des fonctionnaires resteront gelés pour la troisième année consécutive, selon une source syndicale, mais le gouvernement souhaite toujours revaloriser les pensions de retraite avec l'inflation, malgré le coût élevé qu'il devra ainsi assumer (3,5 à 4,5 milliards selon les médias). Quant au train de réformes négocié avec Bruxelles et également dévoilé, avant-hier, pour stimuler notamment l'activité des entreprises et les exportations, serait-ce "une préparation avant de demander une aide pour le pays?", s'interrogent les analystes de Renta4. "En révélant des mesures déjà prônées par le Fonds monétaire international (FMI) et l'Union européenne (...), le gouvernement pourrait éviter d'avoir à implanter de nouvelles mesures pour recevoir à l'avenir un sauvetage", estime Ben May, analyste de Capital Economics. De quoi "préparer le chemin pour un accord de sauvetage qui serait mis en place rapidement". "L'Espagne espère qu'avec son budget, elle en fait assez pour se qualifier pour une aide" européenne sans nouvelles conditions, avec l'idée de "présenter tout cela comme des décisions espagnoles et non des conditions imposées à l'Espagne de l'extérieur", note Holger Schmieding, analyste chez Berenberg. Dernière étape hier, avec la publication des besoins de ses banques, à qui la zone euro a promis 100 milliards: de quoi boucler cette première aide et peut-être déclencher celle pour le pays. Autre élément pouvant accélérer les choses: Moody's, qui menace de placer l'Espagne en catégorie spéculative, a jusqu'à dimanche pour se décider. Effort salué par Bruxelles La Commission européenne a adressé un satisfecit au nouveau train de réformes présenté par l'Espagne, estimant que ces mesures "ambitieuses" constituaient un "pas important" pour le pays. "L'ensemble des réformes annoncées par les autorités espagnoles constituent un pas important pour approfondir les réformes structurelles et poursuivre les chantiers en cours. Ce train de réformes comporte des mesures concrètes, ambitieuses et bien ciblées", a affirmé Olli Rehn, le commissaire en charge des Affaires économiques dans un communiqué. Le gouvernement espagnol a approuvé son projet de budget 2013, marqué par l'austérité pour réduire le déficit public, ainsi qu'un nouveau plan de réformes créant notamment une "autorité budgétaire indépendante" pour contrôler ses comptes et regagner en crédibilité. "Ces nouvelles réformes structurelles répondent aux recommandations macroéconomiques de Bruxelles et vont parfois au-delà dans certains domaines", s'est félicité M. Rehn, soulignant notamment l'importance des réformes concernant le marché du travail et la création de l'autorité de contrôle des comptes. "L'Espagne est face à des défis importants pour corriger des déséquilibres majeurs qui nécessitent une réponse globale. Les mesures annoncées ce jour sont un pas important supplémentaire pour répondre à ces défis", a-t-il ajouté.