Le gouvernement du Canada pousse à la construction de nouveaux oléoducs pour exporter le pétrole produit à l'ouest du pays car son unique client, les Etats-Unis, devrait devenir vers 2020 le premier producteur de la planète. Le Canada, grâce aux sables bitumineux de la province de l'Alberta (ouest), la troisième réserve d'or noir de la planète, est actuellement le premier fournisseur étranger de pétrole des Etats-Unis. Cette situation devrait cependant changer car les Etats-Unis deviendront vers 2020 le premier producteur mondial de pétrole, a prédit il y a deux semaines l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Pour le gouvernement conservateur d'Ottawa, ce scénario fait ressortir la nécessité pour le Canada de trouver de nouveaux marchés pour son pétrole, car les Etats-Unis absorbent en ce moment 98% de ses exportations, a rappelé lundi le ministre canadien des Ressources naturelles, Joe Oliver. Le marché américain ne suffira pas à absorber la totalité des exportations pétrolières du Canada, souligne le ministère. D'ici 2035, celles-ci seront de 4 millions de barils par jour, alors que les Etats-Unis n'importeront au total que 3,4 millions de barils par jour. Autre contrainte: les systèmes d'oléoducs actuels de l'ouest du continent américain ne réussissent pas à absorber la hausse de la production au Canada et aux Etats-Unis, et les nouveaux projets buttent contre des préoccupations écologistes et politiques. On manque déjà de débouchés, il y a de l'engorgement dans les oléoducs, note Marco Navarro-Génie, vice-président à la recherche du Frontier Centre, un institut de recherche de Calgary, capitale pétrolière de la province de l'Alberta. On est en train de vendre du pétrole à 22 dollars en-dessous du prix du brut de référence (le Brent de la mer du Nord), faute d'accès suffisant au marché, ajoute-t-il. Nouveau tracé Pour le gouvernement et l'industrie, cet accès passe notamment par l'oléoduc Keystone XL, entre l'Alberta et les raffineries du golfe du Mexique au Texas, dont la construction a été retardée en début d'année par le président américain Barack Obama en raison de craintes pour une nappe phréatique dans l'Etat du Nebraska (centre des Etats-Unis). Un nouveau tracé a, depuis, été présenté pour l'oléoduc au Nebraska par l'opérateur TransCanada et une décision favorable à Keystone XL, projet d'une capacité de 830 000 barils par jour (bpj), devrait intervenir assez rapidement en 2013, croit cependant André Plourde, spécialiste du pétrole à l'université Carleton d'Ottawa. Il souligne que les raffineries de la région de Houston (Texas, sud des Etats-Unis) sont maintenant en bonne partie orientées vers un raffinage de pétrole relativement lourd, ce qui favorise le pétrole albertain, au moment où les approvisionnements en provenance du Mexique et du Venezuela sont en déclin. L'AIE prédit que la demande mondiale d'énergie croîtra d'un tiers d'ici 2035 et que la Chine, l'Inde et le Moyen-Orient représenteront 60% de ces besoins supplémentaires. Deux projets d'oléoducs sont actuellement débattus pour écouler la production de l'Alberta vers l'Asie en passant par des ports du Pacifique. Le plus controversé de ces projets, le Northern Gateway, du groupe canadien Enbridge, se heurte toutefois à une forte résistance du gouvernement de la province de la Colombie-Britannique (ouest du Canada), de groupes autochtones et d'écologistes. Enbridge et TransCanada tournent également leur regard vers l'Est du Canada, le Québec et le Nouveau-Brunswick, pour exporter le brut de l'Alberta par l'Atlantique. Le ministre Oliver promet son soutien pour des projets vers l'ouest, le sud et l'est du pays. Au pis-aller, des acteurs du secteur évoquent même l'idée d'exporter le pétrole par le nord, via le port de Churchill, sur la baie d'Hudson, au Manitoba, selon M. Navarro-Génie. Le pétrole en chiffres Quelques chiffres sur le pétrole au Canada, pays qui dispose de la troisième réserve d'or noir de la planète, après le Venezuela et l'Arabie Saoudite: - Sixième producteur mondial, le Canada dispose de réserves prouvées totalisant 172,8 milliards de barils, essentiellement situées dans les sables bitumineux de la province de l'Alberta (ouest), une ressource non conventionnelle plus polluante à extraire que le brut classique. L'évolution de la technologie pourrait porter à 315 milliards de barils les réserves récupérables de ces sables, selon les statistiques officielles du gouvernement canadien. - L'industrie pétrolière a investi quelque 117 milliards de dollars canadiens (autant de dollars américains) dans l'exploitation des sables bitumineux de l'Alberta entre 2000 et 2010, selon l'Association canadienne des producteurs de pétrole. - En 2011, le Canada produisait environ 3 millions de barils de pétrole brut par jour (bpj), selon le gouvernement, mais près de 3,6 millions de bpj si l'on tient compte du pétrole raffiné, indique de son côté le département américain à l'Energie. - En 2011, les Etats-Unis ont importé environ 2,2 millions de barils de brut par jour du Canada, soit 25% du total de leur importations, selon le département américain à l'énergie. Pour les huit premiers mois de 2012, ces importations américaines du Canada atteignaient près de 2,5 millions de bpj, soit 28% du total, selon la même source. - L'Association canadienne des producteurs de pétrole prévoit que leur production atteindra 5 millions de barils par jour dès 2030 et que la part associée aux sables bitumineux représentera 79% de la production totale canadienne en 2025, contre 52% en 2010.