Dans le dialogue de sourds qui l'oppose aux pays consommateurs à propos des fondamentaux, l'Organisation des pays producteurs de pétrole (Opep) a, de tout temps, estimé que les investissements nécessaires ne doivent pas se limiter au secteur amont(exploration et production), mais doivent aussi s'étendre à l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement et en particulier dans le secteur aval, c'est à dire le raffinage. Il y a quelques mois, un haut responsable du cartel affirmait qu'"au vu des tendances actuelles, une marge de manœuvre trop étroite dans le secteur aval peut être une source de volatilité des marchés, surtout si les investissements nécessaires dans le secteur du raffinage ne sont pas faits en temps et en heure". Partant de ce constat, l'Opep a indiqué que ses projets, entre la fin 2005 et la fin 2011, devraient augmenter la capacité de raffinage de 5,9 millions de barils par jour, soit 60 %. Déjà passée d'environ 6 % à 11 % en vingt-cinq ans, la part de l'Opep dans la production d'essence, de gazole, etc., devrait donc grimper encore plus. Il s'agit de répondre à la pénurie actuelle de raffineries dans l'ensemble du monde, de capter une part accrue de la valeur ajoutée, et de rendre les pays concernés un peu moins dépendants à l'égard des cours du brut. Au total, l'Opep chiffre les investissements nécessaires à 66 milliards de dollars. Même si la tendance au sein du cartel est générale, l'Algérie lançant un ambitieux programme pétrochimique, l'Arabie Saoudite est clairement le pays le plus offensif en matière de raffinage. Avec des investissements évalués au bas mot à 18 milliards de dollars, l'Arabie Saoudite veut devenir un grand du raffinage. Ne voulant pas seulement produire du brut, le principal fournisseur de pétrole de la planète souhaite s'intégrer en aval et transformer sur place une partie de son or noir. D'ailleurs, les dernières décisions prises par Riyad le confirment. En effet, le pays entend développer ses installations de raffinage à marche forcée. L'objectif officiel consiste à augmenter sa capacité de 80 % en cinq ou six ans, pour la porter à 3,8 millions de barils par jour. Cependant, la compagnie nationale Aramco a beau être le premier groupe pétrolier mondial, elle ne peut pas faire tout toute seule. Elle vient ainsi de lancer un appel d'offres auprès de cinq sociétés d'ingénierie (Foster Wheeler, JGC, KBR, SNC-Lavalin et WorleyParsons) pour construire une nouvelle unité de 400.000 barils par jour sur le site Ras Tanura, où se trouve déjà la plus grande installation de raffinage du pays. Les sociétés en lice doivent remettre leurs offres à la mi-septembre. Compte tenu de l'envolée des tarifs dans le secteur, l'usine pourrait coûter 7 à 8 milliards de dollars. Autre mégaprojet : la création d'une raffinerie sur un site totalement nouveau, à Jizan, un port de la mer Rouge. Pour la première fois, Aramco ne sera pas associée à l'exploitation de ce complexe. Il sera construit et géré par des acteurs privés, a réaffirmé cette semaine le ministère du Pétrole et des Ressources minérales. Cinquante sociétés ont déjà été préqualifiées : 8 entreprises saoudiennes et 42 groupes internationaux, dont toutes les majors comme Exxon, Shell ou Total. L'appel d'offres devrait être lancé d'ici à la fin de l'année, afin de désigner un consortium associant Saoudiens et étrangers. Dans la même logique, Aramco a déjà signé des accords pour construire deux raffineries à Jubail et Yanbu, en association avec Total pour l'une, ConocoPhillips pour la deuxième.