Les pays producteurs de pétrole et les pays consommateurs, notamment les grandes puissances, se retrouvent à partir d'aujourd'hui à Doha, la capitale du Qatar, dans une rencontre devenue traditionnelle et dont l'objectif est l'échange de points de vue sur le marché de l'énergie. Ce rendez-vous biennal sous la forme d'un forum a été institué pour améliorer la coopération et l'échange d'informations entre producteurs et consommateurs. Le Forum international de l'énergie qui a démarré depuis l'année 2000 dispose d'un secrétariat basé à Riyad, chez le plus grand exportateur de pétrole du monde. Si au début de la concertation, la discussion se concentrait sur la stabilité des prix et le problème de l'accès aux réserves, depuis l'année dernière les prévisions en matière de demande avec la percée chinoise et à un degré moindre celle de l'Inde focalisent l'attention. La croissance économique mondiale et l'appétit devenu plus grand des pays émergents en matière de pétrole ont introduit une nouvelle donne. Du coup, les statistiques en matière de prévision de la demande et celles des projets de développement des réserves chez les pays producteurs retiennent l'attention des producteurs mais aussi des grands pays consommateurs. A Doha, durant deux jours, chaque partie exposera sa vision. L'Opep a décidé de jouer la transparence en publiant toutes les données sur les projets de développement de ses pays membres et de rassurer sur l'approvisionnement du marché afin d'aboutir à une stabilité des prix. Du côté des pays consommateurs, les inquiétudes restent les mêmes, notamment la crainte d'un déséquilibre plus prononcé entre l'offre et la demande. Ce déséquilibre existe déjà avec des capacités additionnelles qui se sont amoindries face à l'augmentation spectaculaire de la demande en provenance de l'Asie, mais aussi des Etats-Unis avec une croissance qui se maintient depuis déjà plusieurs années. Si l'Opep a rassuré quant au développement des capacités additionnelles qu'elle compte mettre sur le marché à la faveur de nombreux projets de développement dans ses pays membres, il reste des facteurs qui la dépassent. Dans cet ordre d'idées, le point de vue est partagé par l'Agence internationale de l'énergie qui est devenue son partenaire de fait. Ainsi, le directeur exécutif de l'agence a ciblé deux grands aspects. Selon Claude Mandil, les mesures adéquates pour faire calmer le marché consistent à « calmer le jeu politique », vu les effets de la géopolitique sur les prix et de citer ce qui se passe au Moyen-Orient, en Irak, en Iran, au Nigeria, au Tchad, au Venezuela et en Russie. Le deuxième axe d'intervention consiste à agir sur la consommation en développant des économies d'énergie massivement. Dans ses réponses, le directeur de l'AIE a soutenu comme l'Opep que « le marché est parfaitement bien approvisionné, mais les capacités inemployées sont très réduites ». Pour M. Mandil, « les incertitudes politiques n'ont jamais été aussi fortes et nombreuses : Iran, Irak,Venezuela, Nigeria,Tchad, Russie. Cela fait beaucoup de pays producteurs qui sont dans une situation inconfortable ». Concernant le forum, le directeur de l'AIE est réaliste. « Il est évident qu'un certain nombre de problèmes ne peuvent être réglés qu'en dehors de la sphère purement énergétique, comme la situation en Iran, en Irak, et ne seront donc pas réglés à la conférence. Mais le fait de permettre une meilleure compréhension entre les uns et les autres est absolument fondamental », a-t-il estimé. Pour le premier responsable de l'AIE, il ne sert à rien de demander une augmentation de la production des pays de l'Opep, puisque le marché ne manque pas de pétrole, mais plutôt de capacités de production. La position de l'Opep à la veille du forum a été exprimée hier par le directeur de recherche de l'organisation, M. Shihab Eddine qui réagissait à un appel des ministres des Finances du G7 réunis à Washington. Pour le représentant de l'Opep, « les investissements nécessaires ne doivent pas se limiter au secteur amont, mais doivent aussi s'étendre à l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement, en particulier dans le secteur aval », le raffinage, qui touche les pays consommateurs. Selon l'Opep, pour calmer le marché, la pression ne doit pas s'exercer uniquement sur les pays producteurs, les pays consommateurs ont leur part de responsabilité. Les ministres des Finances du G7 dont la position n'était pas aussi nuancée que celle de l'AIE avaient responsabilisé les pays producteurs en appelant « à des investissements dans la production, l'exploration et les capacités de raffinage de pétrole » en précisant que « l'investissement est essentiel et les pays producteurs devraient fournir un environnement ouvert et sûr ». Néanmoins, la réalité est plus complexe que ne le laissent croire les communiqués et les appels. Pour l'instant, les prix du baril de pétrole se sont installés au-dessus de la barre des 70 dollars, avec un pic à 75 dollars. Le mouvement haussier risque de se poursuivre.