Italie, Grèce, Portugal, Chypre, les indicateurs publiés avant-hier confirment la récession en 2012 dans les pays les plus fragiles de la zone euro, relançant le débat sur l'asphyxie de la croissance par l'austérité, à trois jours d'un sommet européen qui doit justement aborder cette question. A quelques heures d'une réunion à Bruxelles des ministres de l'UE chargés des Affaires européennes en vue de préparer le sommet des chefs d'Etat et de gouvernement sur la croissance et la compétitivité prévu demain et après-demain, les mauvaises nouvelles se sont accumulées. En Italie, la confirmation avant-hier d'une contraction du Produit intérieur brut (PIB) de 0,9% au quatrième trimestre 2012 par rapport au précédent, est venue voiler un climat déjà largement assombri par l'incertitude politique et l'abaissement d'un cran de la note de l'Italie par l'agence de notation Fitch. Il s'agit du 6e trimestre consécutif de recul du PIB pour l'économie italienne, qui devrait au mieux commencer à se reprendre au 2e semestre 2013. Nombre d'économistes estiment toutefois que cette perspective risque d'être remise en cause par la crise politique née des législatives de février. Mêmes nuages noirs au Portugal, où le PIB a chuté de 1,8% au quatrième trimestre 2012 et de 3,2% sur l'ensemble de l'année dernière, soit la récession la plus grave depuis 1975, selon des données définitives publiées avant-hier. Ces chiffres reflètent un essoufflement des exportations et un recul plus accentué de la consommation des ménages italiens. Le gouvernement de centre droit et la Commission européenne ont reconnu que cette cure d'austérité sans précédent avait un impact plus important que prévu sur l'économie et le chômage, qui a atteint le taux record de 16,9% fin 2012. L'Espagne met en garde contre un excès d'austérité La "troïka" UE-BCE-FMI représentant les créanciers du pays, sous assistance financière, doit conclure dans les prochains jours un nouvel examen trimestriel du plan de redressement financier du pays. La Commission européenne proposera aux dirigeants de l'UE d'accorder au pays une année supplémentaire pour réduire son déficit public, a néanmoins déjà déclaré son président José Manuel Barroso.A son arrivée à Bruxelles, le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Garcia-Margallo, a mis en garde contre "une austérité excessive" qui "ne va pas contribuer à nous sortir de la récession". Interrogé pour savoir s'il fallait donner plus de temps à son pays pour ramener son déficit public à 3% du PIB en 2014, il a répondu: "Donner des facilités à des pays qui font leurs devoirs, cela me paraît une bonne idée". En Grèce également, les autorités statistiques ont annoncé que le PIB avait chuté de 5,7% au quatrième trimestre 2012 sur un an, selon l'Autorité des statistiques grecques, ce qui porterait la récession totale sur l'année à -6,4% selon un calcul. Ces nouveaux chiffres, s'ils sont confirmés, marquent un arrêt de la détérioration de la situation économique, mais 2012 demeures la cinquième année consécutive de récession et aucune reprise de la croissance n'est attendue avant 2014. A Chypre, l'économie a enregistré un recul de 1,1% de son PIB au dernier trimestre 2012 par rapport au trimestre précédent, selon une estimation officielle publiée jeudi. Par rapport au dernier trimestre de l'année précédente, le PIB est en baisse de 3,4%, selon ces chiffres révisant une précédente estimation de 3,1%. Il s'agit du sixième trimestre consécutif de recul de l'économie de l'île méditerranéenne, plongée dans une profonde crise économique. Chypre négocie actuellement avec la troïka (UE, Fonds monétaire international et Banque centrale européenne) un plan de sauvetage pour son économie et ses banques qui ont subi de plein fouet la crise en Grèce, pays dont elle est très proche économiquement et culturellement. L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a cependant apporté une petite touche d'optimisme avant-hier en estimant que la croissance semblait en passe de redémarrer en zone euro, mais surtout en Allemagne. Entre ces mauvais indicateurs, la hausse de l'inflation chinoise et les sommets atteints par Wall Street, les marchés boursiers restaient pour leur part prudents, Paris, Francfort et Londres évoluant autour de l'équilibre tandis que Milan et Madrid baissaient vers la mi-journée. La Grèce et Chypre en crise se serrent les coudes dans la zone euro La Grèce et Chypre ont jeté avant-hier les bases d'une étroite coopération pour s'extraire de la crise financière, alors que la zone euro doit mettre au point en mars un plan de soutien à Nicosie, dont les banques ont été plombées par les déboires grecs. Les évolutions économiques à Chypre nous concernent directement, la Grèce sera toujours aux côtés de Chypre avec laquelle elle entretient une relation fraternelle que personne ne doit négliger, a affirmé le Premier ministre grec, Antonis Samaras, à l'issue d'une rencontre à Athènes avec le nouveau président conservateur chypriote, Nicos Anastasiades. Il a indiqué que la visite de ce dernier, la première à l'étranger après un passage à Bruxelles, visait à mettre en place une coordination dans le cadre d'une approche commune pour faire sortir les deux pays, maillons faibles de l'euro, de leurs crises. M. Samaras, a mis en exergue l'importance économique pour la Grèce de Chypre, son quatrième partenaire commercial, où sont réalisés 27% du total des investissements grecs à l'étranger. M. Anastasiades, a pour sa part fait état de discussions fructueuses confirmant la détermination à resserrer la coopération des deux pays. La partie chypriote n'a toutefois pas, selon des sources grecques, formulé de requête pour que la Grèce prélève sur les 50 milliards d'euros que l'UE (Union européenne) et le FMI (Fonds monétaire international) lui ont débloqué pour recapitaliser ses banques, une partie qui serait destinée au soutien des banques chypriotes. Il n'y a pas de demande précise de la part de Chypre pour une participation de la Grèce à la recapitalisation des banques chypriotes, a affirmé le porte-parole du gouvernement grec, Simos Kedikoglou, interrogé sur des articles de presse selon lesquels Nicosie envisage de demander de 2 à 3 milliards d'euros à Athènes. Il y a une coopération étroite entre les deux pays et une détermination à sortir ensemble de la crise, a ajouté M. Kedikoglou. Selon l'agence de presse grecque Ana, une source officielle chypriote a également indiqué dimanche à l'issue d'une réunion au ministère grec des Finances que dans l'immédiat, Chypre demandait le soutien politique d'Athènes pour négocier les modalités de son sauvetage financier. Le quotidien chypriote Phileleftheros a néanmoins indiqué avant hier que Nicosie était sous la pression de la troïka (UE, FMI et Banque centrale européenne) pour accepter des mesures d'austérité plus sévères, et qu'elle estime que si la Grèce l'aidait à recapitaliser ses banques, elle pourrait résister à cette pression. Cela pourrait être fait en isolant les filiales grecques des banques chypriotes, les filiales pouvant ainsi bénéficier de l'aide accordée à la Grèce. Nicosie a demandé une aide à l'UE, la BCE et le FMI en juin pour l'aider notamment à renflouer ses deux principales banques, plombées par leur exposition à la Grèce. Les discussions, embourbées sous le gouvernement sortant de gauche, ont été relancées par M. Anastasiades, attendu à Bruxelles cette semaine pour le sommet européen. Chypre estime avoir besoin de quelque 17,5 milliards d'euros, l'équivalent de son PIB, ce qui va mécaniquement gonfler sa dette à des niveaux insoutenables, au-delà de 140% selon les estimations. Selon le quotidien Phileleftheros, la troïka n'est prête qu'à lui attribuer 10 milliards d'euros, craignant que l'île soit incapable de rembourser un montant plus élevé.