Les quelque 470 salariés de la raffinerie Petroplus de Petit-Couronne près de Rouen, menacée d'une fermeture imminente, sont suspendus au verdict des administrateurs judiciaires et du juge-commissaire qui devaient décider hier à midi si l'un ou plusieurs des quatre candidats à la reprise est susceptible de sauver l'usine. Outre le panaméen NetOil et le libyen Murzuq Oil, qui s'étaient manifestés auparavant, deux candidats "surprise" (Oceanmed Seasky System Limited, basé à Hong Kong et GTSA, une firme luxembourgeoise) ont déposé vendredi dernier des dossiers de candidature pour reprendre cette raffinerie placée en liquidation judiciaire le 16 octobre. Ces dossiers ont été étudiés pendant le week-end de Pâques par les administrateurs judiciaires et le juge commissaire du tribunal de commerce de Rouen qui devaient décider, au plus tard à midi, si certains d'entre eux "peuvent constituer une offre permettant de saisir le tribunal d'une demande d'audience", a indiqué vendredi la direction de Petroplus. Mais le temps presse : le sursis accordé en janvier par le tribunal à la raffinerie qui a autorisé la poursuite d'activité jusqu'au 16 avril est le dernier légalement possible. L'intersyndicale CGT-CFDT-CFE/CGC de la raffinerie a ainsi appelé le tribunal à convoquer directement une audience pour désigner un repreneur avant le 16 avril. "Il est hors de question que les administrateurs judiciaires décident seuls de la survie ou de la mort de la raffinerie", a commenté avant-hier un des porte-parole de l'intersyndicale Nicolas Vincent (CGT). "On veut que le tribunal (de commerce) se réunisse et on veut aussi que le gouvernement se prononce par rapport aux offres qui sont présentées", a-t-il ajouté. Selon l'autre porte-parole, Yvon Scornet, les dossiers présentés par Oceanmed Seasky System Limited et la société pétrolière libyenne Murzuq Oil sont complets sur le plan financier mais il leur manque encore certaines autorisations administratives. "On demande au gouvernement que leur passage devant les administrations soit accéléré par les ministères", de façon à ce que tous les dossiers soient prêts pour passer au tribunal, a ajouté Yvon Scornet. "Le syndicaliste a aussi précisé que, selon lui le dossier de NetOil était finalisé et que celui de GTSA se limitait en fait à une simple "lettre d'intention, sans contenu réel". Un CE extraordinaire s'est tenu en tout début d'après-midi hier à la raffinerie, où une assemblée générale du personnel était annoncée pour aujourd'hui. Au total, plusieurs dizaines de candidats se sont manifestés pour reprendre la raffinerie depuis son dépôt de bilan en janvier 2012 mais jusqu'à présent aucun n'a été en mesure déposer un dossier complet. Le tribunal a pourtant repoussé à huit reprises la date limite de dépôt de leurs offres. Les juges consulaires attendent des candidats qu'ils apportent des garanties sur leur capacité à approvisionner le site en pétrole brut mais aussi à le moderniser. La raffinerie a besoin pour fonctionner de 15 millions d'euros de pétrole brut par jour. Sa remise à niveau est estimée entre 400 et 500 millions d'euros. Aucun des majors du secteur tels ExxonMobil, Total, BP ou Shell ne s'est intéressé à cette raffinerie ancienne et de taille moyenne avec sa capacité de distillation de 150 000 barils par jour. Ils estiment qu'investir dans l'achat d'une raffinerie en Europe n'a guère de sens tant les marges sont faibles et la concurrence des produits importés forte. La recherche d'un repreneur s'effectue alors que des négociations sont engagées entre direction et syndicats pour élaborer un Plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). Le comité d'entreprise sera prochainement sollicité pour donner son avis sur son contenu. En cas de fermeture, une centaine de salariés de Petroplus pourraient être reclassés dans l'industrie pétrolière principalement dans la vallée de la Seine, selon Francis Duseux, P-DG d'Esso France, filiale d'ExxonMobil. Ouverte en 1929, la raffinerie, qui emploie 470 salariés, avait déposé son bilan le 24 janvier 2012 à la suite de la faillite de sa maison-mère suisse.