La Turquie va trancher dans les semaines à venir la bataille que se livrent le consortium formé des groupes japonais Mitsubishi Heavy Energy (MHI) et français Areva et une entreprise chinoise pour le juteux contrat de la construction de sa deuxième centrale nucléaire, évalué à 17 milliards d'euros. Selon des indiscrétions parues dans le quotidien économique japonais Nikkei, l'offre franco-japonaise semble en très bonne position pour remporter ce marché, après le retrait de groupes du Canada et de Corée du Sud. Le Canada, la Chine et la Corée du Sud bataillaient aussi dans le cadre de l'appel d'offres turc mais il semblerait que, sur le plan des technologies, de la fiabilité et du prix, la proposition japonaise ait été préférée, a écrit le journal nippon, citant des sources officielles japonaise et turque. Interrogé quelques heures plus tard sur la chaîne d'information NTV, le ministre turc de l'Energie, Taner Yildiz, a confirmé que les propositions franco-japonaise et chinoise restaient seules en lice mais démenti que son gouvernement avait déjà tranché. Nous sommes engagés dans d'intenses négociations avec les Chinois et les Japonais, a dit M. Yildiz. Je peux dire que les prédictions japonaises sont prématurées et que la course continue, a-t-il souligné, nous n'en sommes pas encore à ce stade. Le ministre turc de l'Energie s'est refusé à donner la moindre date-butoir pour les négociations avec les deux consortiums. Il n'y a pas de calendrier prévu pour la finalisation de l'appel d'offres, tout ce que je peux dire est que nous approchons de la décision, a indiqué un responsable du ministère turc de l'Energie sous couvert de l'anonymat. Sitôt parues les informations de la presse japonaise, l'action d'Areva a fait un bond à la Bourse de Paris. Face à l'offre du groupe China Guangdong Nuclear Power Holding Co., MHI et Areva proposent à la Turquie le réacteur de moyenne puissance Atmea 1, d'une puissance de 1 100 mégawatts, développé par leur coentreprise. Si elle se concrétise, la commande d'Ankara au consortium franco-japonais porterait sur 4 réacteurs qui seraient construits à Sinop, sur la mer Noire. Les travaux débuteraient en 2017 pour une mise en service de la première tranche programmée en 2023. La Turquie a annoncé son intention de lancer la construction de trois centrales d'ici cinq ans pour réduire la dépendance de son économie à forte croissance de l'énergie importée de l'étranger, notamment la Russie et l'Iran. Son gouvernement a conclu un accord en 2010 avec la Russie pour construire une première centrale à Akkuyu (sud). De nombreux groupes étrangers ont manifesté leur intérêt pour la construction de son deuxième réacteur. Hormis le finaliste chinois et ses concurrents canadien et sud-coréen qui ont renoncé, le japonais Toshiba s'était lancé dans la course, associé à la compagnie d'électricité Tokyo Electric Power (Tepco), gérante de la centrale Fukushima Daiichi. Mais Tepco s'est retirée en juillet 2011, après l'accident nucléaire. Côté français, GDF Suez avait également déposé une offre associé aux groupes japonais Itochu et MHI. Selon le schéma révélé jeudi par le quotidien japonais Nikkei, le groupe français pourrait être chargé de l'exploitation de la centrale construite par MHI et Areva. Initialement intéressée par la troisième centrale turque, la coentreprise Atmea s'est finalement portée candidate pour la deuxième, après la relance officielle de la coopération nucléaire civile entre la Turquie et la France en janvier, à l'occasion d'une visite à Istanbul de la ministre française du Commerce extérieur, Nicole Bricq. Les relations économiques entre les deux pays ont été secouées par de nombreuses crises ces dernières années, notamment alimentées par le vote de lois françaises reconnaissant le génocide arménien ou réprimant sa négation.