Le secteur de l'optique et de la lunetterie souffre grandement de son organisation. Il y a d'abord le côté juridique de son statut qui nuit beaucoup à sa bonne marche, sans oublier, le manque flagrant d'organisation et donc de défense de ce secteur par ses propres spécialistes et c'est ce qui veut dire qu'il faudrait revoir toute l'organisation de ce secteur pour que l'Algérie puisse en bénéficier et ainsi fluctuer son économie. Cet état de fait a été constaté lors de notre visite au 6ème édition du Salon international de l'Optique et de la Lunetterie (SIOL) qui s'est tenu depuis le 16 mai dernier et qui s'est clôturé samedi dernier à Alger. Selon l'organisateur de ce salon, R. H. International, une vingtaine d'exposants spécialistes en la matière dont plusieurs délégations étrangères, notamment tunisiennes, italiennes et espagnoles, ont pris part à ce salon qui s'est tenu au niveau de l'esplanade EGT Centre d'El Hamma. L'absence de l'Association des opticiens est remarquable. D'autre part, M. Rachid Hassas, principal organisateur de cet événement a fait remarquer que " 80% des visiteurs sont des opticiens et des spécialistes de la lunetterie. ". Cette manifestation a donc bien regroupé les fabricants des verres, les distributeurs, les importateurs, les grossistes et les représentants de marques étrangères. Ce fut un véritable "espace d'échange, d'expérience et de communication entre professionnels nationaux et étrangers en visite en Algérie, particulièrement pour les branches d'ophtalmologiste, d'optométriste et notamment les étudiants de Sétif qui font face à un problème de formation", a-t-on constaté sur place. En résumé le problème de l'optique et de la lunetterie est ce cas de la tutelle qui se pose puisque les spécialistes de ce secteur se déclarent " balloter " entre le ministère de la Santé et le ministère de l'Enseignement supérieur. Par ailleurs, les exposants ainsi que l'organisateur de cet événement expliquent l'absence des professionnels dans ce salon qui est due à l'absence sur le terrain d'une Association qui existe depuis 1994 mais qui est mise en veilleuse ou pour être plus juste qui est gelée à cause d'un individualisme bien nuisible des spécialistes. Le gérant de la société algérienne LAM vision le Tunisien M. Mohamed Ben Slema annonce que " Nous sommes une nouvelle société algérienne en partenariat algéro-tunisien qui devrait débuter dans deux mois en Algérie. Pour lui, " Ce salon nous a permis de faire la connaissance de beaucoup de professionnels du métier qui d'ailleurs ont été agréablement surpris de notre présence et de découvrir nos produits. Nous sommes spécialistes des lunetteries de moyenne et haute gamme et allant vers la très haut de gamme. Nous sommes représentants de plusieurs grandes marques telles Gucci, Dior, Boss-Lacoste… Le marché algérien est très prometteur bien que je remarque un certain déséquilibre dans le marché algérien dans la mesure où il y a manque flagrant de la présence de distributeurs. Le marché de la distribution est anarchique en Algérie. Pour le manque d'Association d'opticiens il faut dire qu'il y a au Maghreb des conflits avec les syndicats entre le paramédical et l'activité de vendeur et commerçant. C'est une situation de paradoxe lorsqu'on ne sait pas si on fait partie de l'Enseignement supérieur, de la Santé !? ". Pour le Dr Chabane Ghaouti directeur de l'Institut Chabane Nadir d'Optique Ophtalmique d'Oran " l'absence sur le terrain de l'Association des opticiens qui pourtant est bien créée depuis 1994 est due essentiellement à cette esprit individualiste. C'est une profession libérale et donc cela se faisait d'une manière circonstancielle. Et les gens sont beaucoup plus préoccupés par leurs projets individuels et c'est ce qui se répercute sur l'Association qui est au point mort. Les opticiens se doivent de comprendre la grande responsabilité qu'ils ont pour cette charge socio éducative afin d'avoir une pépinière pour une future association forte. Et l'organisation d'une association est aussi une culture qui n'existe malheureusement pas encore chez nous. Il faut ouvrir un débat et le poursuivre pour avoir une structure forte. "
La formation en danger A propos de la formation, le Dr Ghaouti relève que " le problème de la formation en optique ophtalmique dont les pouvoirs publics n'ont vraiment pas donné suite. La preuve la filière est partagée entre le Ministère de l'enseignement supérieur et le ministère de la Santé. Je pense que la formation est le parent pauvre de la filière. Il y a actuellement 700 opticiens sur les 1 200 existants qui ont été formé à l'Ouest du pays. Il y avait 17 établissements de formations avant de n'avoir plus que 4 qui sont d'ailleurs obligés de mettre la clé sous le paillasson. Et la cause principale est ce statut qui depuis le décret interministériel n°11/121 du 20 mars 2011, déclare-t-il. Et d'expliquer que " Les instituts et écoles spécialisés, au nombre de quatre, deux à Oran, une à Alger et une autre à Sétif, seraient pratiquement à l'arrêt à cause de ce décret qui aurait mis les écoles de formation sous la tutelle du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique après qu'ils eurent été sous la tutelle du ministère de la Santé. Et là, lorsqu'on va au ministère de la Santé, il nous oriente vers celui de l'enseignement supérieur et lorsqu'on va à l'enseignement supérieur, il nous dirige vers celui de la Santé? Et c'est toute cette polémique qui fait que la formation en Algérie est vraiment en danger pour ne pas dire morte. Aujourd'hui, poursuit-il, la main-d'œuvre qualifiée est absente à tous les niveaux que ce soit en industries, dans la santé, le commerce, le bâtiment etc…Il faudrait donc bien revoir ce volet formation professionnelle. Il faut savoir investir dans l'avenir et savoir qui sait faire quoi pour réussir. D'ailleurs, les jeunes étudiants de Sétif sont venus au salon pour dire leurs préoccupations quant à l'avenir de leur formation. C'est un signe que la situation est grave en matière de formation. Et pour clore ce chapitre le Dr Ghaouti déclare que " J'en appelle donc aux pouvoirs publics pour réagir d'une manière rigoureuse et bien définie. Regardez par exemple il existe en Algérie 1 opticien pour 37 000 d'habitants, alors que la norme de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) est de l'ordre de 1 pour 7 000 habitants. Le déficit est énorme. 15 millions d'Algériens souffrent d'amétropie c'est-à-dire d'un défaut de vision et ce, sans parler des presbytes. Il faut bien une validité de la formation et c'est ce qui ne peut se faire pour le moment à cause de ce chevauchement entre les deux ministères. Il faut trouver un moyen pour régler ce problème crucial car organiser la formation c'est assurer la création d'emploi, la richesse et la couverture des besoins. ", conclut-il. Quant à M. Abderrahmane Merzougui gérant de l'EURL briot Algérie (distributeur Accessoires et Matériels d'Optique (trésorier de l'Association des opticiens), il déclare "Je remercie M. Rachid Hassa pour avoir tenu à poursuivre l'organisation de ce salon car cela nous permet au moins de se revoir une fois par année. C'est une sorte de soutien à l'optique et la lunetterie. On avait certes créé notre association des opticiens dont je suis le trésorier depuis 1994 mais des obstacles dont certains liés à l'individualisme a fait que l'association s'est trerouvée "congelée". Et c'est là où, poursuit-il, il faudrait que les opticiens et ophtalmologistes s'organisent d'une manière pratique en prenant conscience de leur grande responsabilité dans le domaine pour mieux défendre la profession. D'autre part, il faudrait aussi que les pouvoirs publics interviennent pour régler définitivement le problème de la filière. Il ne faut pas oublier que la formation est la colonne vertébrale du secteur. "
Le marché parallèle Concernant le marché parallèle, le gérant de la société algérienne LAM vision le Tunisien M. Mohamed Ben Slema, estime que " Pour combattre le marché parallèle, il faut s'unir par une très bonne communication d'abord et ensuite par l'assurance des certificats et attestation d'authenticité des produits achetés. Ce qui permettrait donc de faire valoir le métier d'opticien. ". Dans le même ordre d'idée le directeur de l'EURL GMF optique der Skikda (importateur des montures) M. Fayçal Matmed, " des commerçants du marché parallèle et ceux-là, certains nuisent vraiment à la profession d'autant qu'il n'y a pas d'authenticité et surtout d'assurance sur le plan sanitaire de leur produits. Moi, j'importe des montures hautes de gamme avec certificat sanitaire de Hong Kong. Il faut que les acheteurs exigent la qualité et surtout celle qui ne nuirait pas à leur santé de par les composantes des lunettes. Certaines donnent des allergies alors que d'autres sont vraiment très dangereuses Et peuvent générer des maladies graves. " Pour le Dr Chabane Ghaouti "Le marché parallèle est un fléau très important qui nuit à la profession. Il faut créer une structure avec des experts spécialistes afin de vérifier l'authenticité des produits et surtout leur qualité sur le plan sanitaire. "
Le problème de la sécurité sociale Pour ce cas de la prise en charge des frais médicaux M.Abderrahmane Merzougui gérant de l'EURL briot Algérie (distributeur Accessoires et Matériels d'Optique (trésorier de l'Association des opticiens) pense qu' " il faut savoir que sur ce cas-là, rien n'a changé dans notre filière et ce, depuis les années 70 ! En tous les cas, ce qui est sûr c'est qu'avec la carte Chiffa celle-ci a bien régler beaucoup de problèmes. Et c'est là où il faudrait que les opticiens et ophtalmologistes s'organisent d'une manière pratique en prenant conscience de leur grande responsabilité dans le domaine pour mieux défendre la profession. ". De son côté et plus en détails, le Dr Chabane explique que " concernant la sécurité sociale, il y avait l'année passée un comité de la Sécurité sociale qui est venu au salon pour trouver une solution dans la perspective de couvrir les frais relatifs aux prestations et aux produits dérivés pour l'optique. Il a commencé à travailler sur un projet il y a un an et demi, mais depuis, c'est le mutisme total. Cette année, les services de la sécurité sociale ont déclaré qu'ils n'ont pas été mis au courant à l'avance pour pouvoir assister à ce salon. Lors du premier plan de travail ils ont dégagé le remboursement selon un salaire compris entre 20 000 et 25000 DA et ne pas dépasser l'âge de 16 ans pour les enfants. Il serait plutôt souhaitable que cela ne soit pas tributaire d'un quelconque salaire ni du critère d'âge. Il faut voir selon l'importance du besoin. Il faudrait donc une équipe pour travailler là dessus pour une vraie stratégie sans conditionnalité. ". Enfin, le même Dr Chabane Ghaouti conclut par " Je fais appel aux pouvoirs publics pour se pencher définitivement sur ce cas tout en demandant aux opticiens et ophtalmologistes à se réorganiser autour de leur association qui est déjà agréée afin de trouver des solutions à notre secteur. " .