Les "Amis du peuple syrien", réunis, avant-hier, au Qatar, ont décidé "de fournir dans l'urgence tout le matériel et l'équipement nécessaire à l'opposition sur le terrain". Toute l'aide militaire sera livrée au Conseil militaire suprême de l'Armée syrienne libre (ASL), précisent les Etats membres dans une déclaration commune. Le groupe, qui réunit Etats-Unis, France, Allemagne, Egypte, Italie, Jordanie, Qatar, Arabie saoudite, Turquie, Emirats arabes unis et Royaume-Uni, condamne en outre l'intervention de combattants d'Iran, d'Irak et du Hezbollah libanais au côté des forces pro-Assad et les somme de "quitter immédiatement la Syrie". Les ministres des Affaires étrangères des Etats membres s'inquiètent de l'aspect de plus en plus religieux du conflit et de son internationalisation, qui "menacent l'unité de la Syrie". Ils déplorent en outre l'implication croissante "d'éléments terroristes". Jusqu'à présent, les Etats-Unis ne fournissaient aux rebelles qu'une aide non létale, sous forme de vivres et de médicaments, mais le gouvernement a revu sa position après la prise, le 5 juin, de la ville stratégique de Qoussaïr par les forces gouvernementales et les miliciens du Hezbollah et les annonces de la France et du Royaume-Uni concernant le recours aux armes chimiques par l'armée loyaliste. La semaine dernière, Washington a annoncé être parvenu à la conclusion que les forces de Bachar al Assad avaient utilisé des armes chimiques, et a décidé de fournir une "assistance militaire directe" aux insurgés. L'Arabie saoudite, à la pointe de l'aide aux opposants du régime bassiste, a d'ores et déjà accru ses livraisons d'armes sophistiquées, selon deux hauts fonctionnaires du Golfe interrogés. "Au cours de la semaine écoulée, davantage de ces armes sont arrivées. Ils en obtiennent plus fréquemment", a dit l'un deux sans plus de précisions. L'autre a parlé de livraisons "potentiellement décisives". Les rebelles réclament des armes antichars et anti-aériennes. Selon leur porte-parole Louay Mekdad, le Conseil militaire suprême en a déjà reçu plusieurs cargaisons. "Il s'agit des premières expéditions de la part d'un des pays qui soutient le peuple syrien et il y a des promesses claires de pays arabes et étrangers qu'il en arrivera d'autres dans les prochains jours", a-t-il déclaré, interrogé à Istanbul. La force au service de la justice Pour le cheikh Hamad ben Djassim al-Thani, chef du gouvernement et de la diplomatie qatarie, "la force est nécessaire pour obtenir la justice. Et la fourniture d'armes est le seul moyen d'obtenir la paix dans le cas syrien". "Nous ne pouvons attendre du fait des divergences entre membres du Conseil de sécurité (des Nations unies) sur les moyens de régler le problème", a-t-il poursuivi, invitant par ailleurs le gouvernement libanais à faire le nécessaire pour limiter l'implication des miliciens chiites du Hezbollah. Le secrétaire d'Etat américain John Kerry a lui aussi reproché à Damas d'avoir laissé l'Iran et le Hezbollah "passer les lignes libanaises et prendre part au conflit sur le terrain". "La réponse du régime d'Assad aux efforts légitimes en faveur d'une conférence de paix a été en fait de militariser davantage, d'internationaliser (le conflit) et de rendre la région plus dangereuse", a-t-il ajouté. En décidant d'emprunter exclusivement le canal du Conseil militaire suprême, dirigé par le général Salim Idriss, les Amis du peuple syrien espèrent enrayer l'émergence des djihadistes. "Nos interlocuteurs doivent partager nos valeurs et les principes de démocratie et de pluralisme. C'est la raison pour laquelle M. Salim Idriss est notre interlocuteur", avait souligné vendredi le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, assurant toutefois que Paris n'avait pas encore livré d'armes aux rebelles. "Si livraison d'armes il doit y avoir, elles ne pourront intervenir que sous un certain nombre de conditions. Nous avons clairement à l'esprit le précédent libyen, lorsque certains stocks d'armes s'étaient retrouvés dans les mains de groupes terroristes que nous combattions dans le nord du Mali", a-t-il ajouté, évoquant les "filières" utilisées par la France pour acheminer jusqu'à présent une aide humanitaire ou du matériel non létal aux insurgés. Ancien général de l'armée syrienne, Salim Idriss a été porté fin 2012 à la tête du Conseil militaire suprême de l'ASL. Il a récemment déclaré que son but était de voir Bachar al Assad quitter le pouvoir afin de favoriser l'avènement d'une "Syrie tolérante et démocratique".