Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a proposé, hier, d'imposer de “sévères conditions” aux entreprises non-européennes voulant investir dans l'énergie en Europe, en même temps qu'un éclatement des sociétés européennes du secteur. Ces déclarations de M. Barroso interviennent au moment où la Commission européenne devait présenter son projet de réforme du marché énergétique visant à démanteler les positions dominantes des grands groupes européens. Elle en avait déjà esquissé les grandes lignes en début d'année, ce qui avait soulevé quelques oppositions sur le Vieux Continent. La réforme du marché de l'énergie vise, selon Bruxelles, à raviver la concurrence, via une mesure phare, à savoir séparer la propriété entre production d'énergie et réseaux de transport. Cependant, les observateurs s'accordent pour affirmer que les mécanismes mis au point par la Commission européenne sont en premier lieu destinés à limiter l'accès aux groupes étrangers qui voudraient investir dans les réseaux d'énergie européens. En effet, selon un document interne de la Commission européenne révélé par le quotidien "Herald Tribune Internationale" dans son édition d'hier, Bruxelles redoute que le marché européen de l'énergie ne soit vulnérable à une éventuelle domination de sociétés énergétiques étatiques non communautaires. Le document cite le russe Gazprom et la société nationale des hydrocarbures Sonatrach. Selon le texte, ces deux groupes pourraient profiter de la libéralisation du marché européen de l'énergie pour s'implanter et dominer le marché, en rachetant des réseaux de distribution dans des pays de l'Union européenne. "Pour défendre l'ouverture de notre marché, nous devons soumettre à des conditions sévères l'acquisition d'actifs par des compagnies d'Etats n'appartenant pas à l'UE. Nous pouvons être ouverts, mais nous ne devons pas être naïfs", a indiqué José Manuel Barroso, cité par le journal britannique Financial times. Le journal souligne que les autorités européennes craignent que la bonne santé financière de ces compagnies d'Etats, notamment Sonatrach, ne soient utilisés afin d'acquérir des blocs de contrôle dans l'industrie énergétique européenne. La société nationale des hydrocarbures Sonatrach semble être directement visée par cette nouvelle démarche de la Commission européenne. Depuis quelques semaines, en effet, des rumeurs circulant dans les marchés financiers prêtent au groupe algérien des intentions d'acquérir des distributeurs de gaz en Espagne (le groupe Cepsa) et en Belgique (Distrigaz). Mieux : la semaine dernière, Sonatrach a révélé officiellement un projet de distribuer directement son gaz en France dès 2010, en créant sa propre structure. Après les tensions énergétiques de ces derniers mois entre l'Algérie et l'Espagne qui ont donné un aperçu sur le rapport de force en faveur de Sonatrach, l'Europe tente avec maladresse de freiner les ambitions de la compagnie nationale. La Commission européenne semblait, en effet, prête, mardi soir, à inclure dans son plan sur l'énergie une clause interdisant de fait aux fournisseurs d'énergie extra-européens d'investir dans les réseaux de transport de l'UE. La Commission devrait demander que soit imposé aux groupes étrangers qui voudraient investir dans les réseaux d'énergie européens de "certifier" qu'ils ne sont pas fournisseurs de gaz ou d'électricité. Cela exclurait de fait les sociétés extra-européennes qui produisent et vendent du gaz, comme Sonatrach ou Gazprom, grands fournisseurs de l'Union. Outre la limitation des investissements réalisés dans l'économie européenne par les entreprises publiques des pays hors de l'UE, Bruxelles prévoie également le "principe de réciprocité" qui autorise l'Union européenne à introduire des restrictions dans le cas où un pays limiterait sur son territoire les investissements des sociétés européennes. Au vu de la controverse suscitée par certaines de ces propositions, le débat s'annonce vif dans les prochains jours. Cette mesure protectionniste de l'Europe va sans doute provoquer de vives tensions entre l'Algérie et ses partenaires européens et sera amenée à prendre des mesures à l'égard des groupes européens présents en Algérie, avec des durcissements de la législation sur les investissements dans le secteur des hydrocarbures.