Le tribunal parrainé par l'ONU et chargé de juger d'ex-responsables Khmers rouges au Cambodge affirme avoir pris toutes les dispositions pour fournir des soins éventuels aux suspects, dont certains sont très âgés. Quarante-huit heures après son incarcération, Nuon Chea , 82 ans, plus haut responsable encore en vie de l'ancien régime des Khmers rouges (1975-1979), a subi un examen médical de routine vendredi à l'hôpital Calmette à Phnom Penh, selon des responsables du tribunal. Peu après avoir été placé en détention mercredi, Nuon Chea avait pu regarder la télévision et faire quelques exercices physiques dans le complexe utilisé par le tribunal. "Il a le moral et sa santé est bonne", assure un porte-parole de la cour, Reach Sambath. Nuon Chea, qui a été victime dans le passé d'une attaque cérébrale, a été inculpé cette semaine de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité après avoir été interpellé dans le nord-ouest du Cambodge où il vivait librement. Le premier suspect inculpé en juillet, Kaing Guek Eav, alias "Douch", ex-commandant du centre de torture de Tuol Sleng, est âgé de 65 ans. D'autres anciens cadres du régime susceptibles d'être jugés ont plus de 75 ans et affirment tous avoir une santé fragile. "Le tribunal en est tout à fait conscient", indique M. Sambath, ajoutant que cette question d'âge concerne "non seulement les leaders Khmers rouges, mais aussi les témoins". Pol Pot, numéro un de l'ancien régime, est décédé en 1998, tout comme le commandant militaire Ta Mok, surnommé "Le Boucher", qui est mort l'année dernière en détention. "L'âge et la santé des victimes, des témoins et des accusés sont une préoccupation majeure dans ces procès et c'est certainement un sujet dont nous devons tenir compte dans la conduite de notre travail", admet le Canadien Robert Petit, coprocureur du tribunal. Si l'un des suspects mourait, "c'est comme si l'on privait le processus d'une chance unique d'établir des comptes", ajoute-t-il. Une fois en détention, les accusés ont accès à de meilleurs soins que ceux dont bénéficient la plupart des Cambodgiens, explique M. Sambath. Le centre de détention du tribunal, où séjournent désormais Nuon Chea et "Douch", compte huit cellules, quatre médecins, cinq infirmières et une ambulance, précise le porte-parole. Outre la télévision par cable, les détenus ont droit à trois repas par jour et on sait déjà que Nuon Chea aime le poisson. "Nous fournissons les meilleurs services possibles (à Nuon Chea) et aux autres pour nous assurer qu'ils peuvent vivre longtemps et se défendre", déclare M. Sambath. Quelque deux millions de personnes ont trouvé la mort sous le régime ultra maoïste des Khmers rouges, qui a fait régner la terreur il y a 30 ans au Cambodge, vidant les villes au profit des campagnes, imposant le travail forcé et éliminant systématiquement tout opposant. "Tout le monde au sein du tribunal est parfaitement conscient de la nécessité d'organiser un procès public dès que possible", dit Marcel Lemonde, cojuge d'instruction français. "Le peuple cambodgien attend que justice soit rendue depuis plus de 25 ans".