Après avoir déjà franchi jeudi le seuil symbolique de 1,40 dollar, l'euro a touché un pic vendredi à 1,4120 dollar, une vigueur qui traduit surtout la faiblesse du billet vert sur fond de crainte de grave ralentissement économique aux Etats-Unis. La monnaie américaine a continué de pâtir vendredi de la baisse d'un demi-point d'un coup du taux directeur américain mardi, à 4,75%. Mais l'euro, après son record atteint à l'aube, s'est stabilisé dans la journée et valait 1,4090 dollar à 21H00 GMT. L'économiste Derek Halpenny de la banque de Tokyo-Mitsubishi voyait dans cette pause le début "d'une période de consolidation", étant donné le nombre impressionnant de dollars vendus depuis mardi. Mais il prévenait que les ventes de dollars n'en étaient pas pour autant terminées. Ainsi, un indicateur pourtant assez médiocre des services et de l'industrie en zone euro n'a pas entamé la tendance à l'euro fort. Pourtant, cet indice PMI a enregistré en septembre sa plus faible croissance depuis deux ans, en s'établissant à 54,5 contre 57,4 le mois précédent. "Les inquiétudes sur la croissance américaine restant la principale préoccupation, on ne peut toujours pas espérer que l'euro va s'apaiser la semaine prochaine, même si les données économiques européennes risquent d'être plutôt médiocres", a renchéri Stuart Bennett, analyste chez Calyon. L'euro fort a continué à inquiéter certains responsables européens. En visite à Pékin, la ministre française de l'Economie Christine Lagarde a évoqué vendredi "des risques d'asphyxie très sérieux" pour les entreprises européennes. Le président d'EADS Louis Gallois et le directeur général d'Airbus Fabrice Brégier ont prévenu pour leur part qu'un euro à 1,45 dollar obligerait Airbus (qui vend ses avions en dollars) à trouver un milliard d'euros supplémentaires d'économies dans son plan Power8. Power8 prévoit déjà 10.000 suppressions d'emploi en quatre ans chez Airbus et ses sous-traitants. Les explications données à la baisse des taux jeudi par le président de la Réserve fédérale américaine (Fed), Ben Bernanke, n'ont pas été de nature à rassurer beaucoup sur l'état de santé de l'économie américaine. Il a reconnu que les conséquences de la crise du marché hypothécaire aux Etats-Unis "dépassaient les prévisions les plus pessimistes" et que le geste fort de mardi avait pour but d'éviter une contagion de cette crise financière à l'"économie réelle". Le secrétaire américain au Trésor Henry Paulson a pour sa part relevé "des signes encourageants" sur certains marchés du crédit, tout en admettant que ceux-ci ne fonctionnaient pas encore "de façon normale". Certains économistes se sont interrogés aussi sur le risque de voir une montée d'inflation générale après cette baisse du dollar, les investisseurs des pays hors dollar se ruant sur les matières premières généralement libellées dans la devise américaine, qu'ils peuvent avoir, du coup, à meilleur prix. Le baril de pétrole avait battu des records historiques jeudi à 84,10 dollars à New York et 79,94 dollars à Londres. L'once d'or était aussi à ses plus hauts depuis 27 ans.