Les nouvelles mesures proposées par Bruxelles pour structurer et sécuriser le secteur européen de l'énergie n'ont surpris personne, tant leur teneur avait été débattue au cours des derniers mois. La Commission confirme ses travaux initiaux en cherchant à imposer la fin des monopoles intégrés production / distribution du secteur. Plus encore, un de ses articles prévoit d'interdire aux producteurs d'énergie ou d'hydrocarbures non européens d'investir dans le domaine énergétique dans l'UE. Evidemment, ce sont Gazprom et Sonatrach, deux fournisseurs majeurs de l'Europe, qui sont visés par ce texte. Les producteurs étrangers, comme le géant russe Gazprom ou Sonatrach, ne pourraient donc pas prendre le contrôle de réseaux de distribution dans l'UE sans un accord bilatéral entre l'Union et leur pays. Face à la décision de l'UE, l'Algérie, plus précisément Sonatrach, se trouve, pour le moment, interdite d'accès au marché du transport et de la distribution de son gaz sur le marché européen, au même titre que le géant gazier russe Gazprom. Pourtant, la Commission se défend d'un tel objectif. Le président de la Commission européenne (CE), José Manuel Barroso, a affirmé que les nouvelles propositions législatives sur l'énergie, adoptées mercredi à Bruxelles, ne seraient pas "discriminatoires" à l'égard de la compagnie algérienne d'hydrocarbures, Sonatrach. Il faut dire que l'interdiction de propriété des réseaux faite aux fournisseurs d'énergie ne concerne pour l'heure pas Sonatrach qui n'est pas propriétaire d'un réseau de distribution. Cependant, Sonatrach nourrit des perspectives d'acquisition (se lancer sur le marché européen dès 2010-2012) et cette nouvelle disposition compromet ses ambitions. En effet, la commission estime que l'Algérie peut y accéder aux mêmes conditions que les pays européens. Il lui faut monter des sociétés de droit public ou privé algérien ou européen, séparées sur le plan de la gestion de la société productrice qu'est Sonatrach. L'Algérie, qui affiche depuis un moment déjà sa volonté de ne plus être un simple fournisseur mais plutôt un acteur de premier rang du marché européen, voit ses ambitions ébranlées par ces nouvelles propositions. S'il est compréhensible que l'Europe veuille éviter les positions de contrôle dans un marché aussi stratégique, il est par contre condamnable qu'elle réserve cette prévention et cette interdiction aux entreprises étrangères. Par ailleurs, le droit de la concurrence tant national qu'international, n'interdit pas les positions dominantes qui sont une consécration de la performance économique mais interdit l'abus de position dominante qui peut être sanctionné par des mécanismes spécifiques. Selon le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, les propositions européennes sur l'énergie ne concerneraient pas l'Algérie, cependant il serait utile de s'interroger sur les retombées de ses propositions sur la stratégie de développement de Sonatrach en Europe. La décision de la Commission n'est pas finale et il faut attendre des mois avant qu'elle ne soit validée. En effet, c'est au niveau de la procédure que la Commission risque de rencontrer le plus de difficultés. D'abord, parce que les débats promettent de traîner en longueur, comme c'est souvent le cas en pareille situation. Ensuite, parce que le projet est soumis au principe de codécision, qui implique une adoption par le Parlement européen et par le Conseil à la majorité qualifiée. "Autant le Parlement européen semble prêt à voter ce projet, autant en l'état actuel des choses, il nous semble impossible qu'une majorité qualifiée des deux tiers se dégage au Conseil", explique le bureau d'études Oddo Securities dans une note publiée jeudi, en rappelant que neuf Etats membres représentant un peu plus du tiers des voix du Conseil sont d'ores et déjà officiellement opposés à la réforme.