Le secrétaire au Trésor américain Jacob Lew a vigoureusement plaidé, avant-hier, pour que le Congrès relève le plafond de la dette, mais les républicains continuaient de conditionner leur feu vert à un plan de réduction du déficit. La loi américaine fixe une limite absolue à l'endettement de l'Etat fédéral, un "plafond" qui doit régulièrement être rehaussé par un vote du Congrès, composé du Sénat et de la Chambre des représentants. Le plafond actuel, 16 700 milliards de dollars, a été atteint en mai et, depuis, "le Trésor a utilisé des mesures extraordinaires pour éviter le défaut de paiement", cessant par exemple d'investir dans des fonds de retraite publics. Jacob Lew a averti que ces mesures seront épuisées à la mi-octobre. "Si le Congrès n'agit pas et que soudainement les Etats-Unis ne peuvent pas payer leurs engagements, les répercussions pourraient être graves", a-t-il déclaré dans une intervention devant un cercle économique de Washington. "Les investisseurs, en perdant confiance dans la bonne foi et le crédit des Etats-Unis, peuvent causer des dégâts à notre économie", a-t-il ajouté. Le directeur du Bureau du budget au Congrès (CBO), Douglas Elmendorf, a précisé mardi qu' "au vu des flux probables de trésorerie" après la mi-octobre, "s'il n'y a pas de changement à la limite de l'endettement, le Trésor sera à bout de liquidités entre la fin octobre et le milieu de novembre". M. Lew a en outre rappelé que la limite légale de l'endettement avait été relevée 18 fois sous la présidence du républicain Ronald Reagan, six fois sous Bill Clinton et sept fois sous George W. Bush. "La menace d'un défaut de paiement n'était pas une monnaie d'échange dans les négociations" politiques, a estimé M. Lew. Le président Obama ne "négociera pas sur le plafond de la dette", a-t-il martelé. Les républicains, qui contrôlent la Chambre des représentants, entendent conditionner le relèvement du plafond à des mesures de réduction des dépenses et du déficit, voire à la suppression des crédits accordés à la réforme phare de la santé de Barack Obama, votée en 2010 et qui doit entrer en vigueur pleinement en 2014. "Ils sont obsédés par une loi votée il y a quatre ans, qui a été déclarée constitutionnelle par la Cour suprême des Etats-Unis: ils n'arrivent pas à s'y faire", a déploré le chef de la majorité démocrate du Sénat, Harry Reid. "Nous ne négocions pas", a-t-il répété. "Cet argent, nous le devons, il faut le payer", a-t-il dit. Le chef de la minorité républicaine du Sénat, Mitch McConnell, a répliqué en rappelant que sous Ronald Reagan comme Bill Clinton les relèvements du plafond de la dette avaient régulièrement été l'occasion de compromis budgétaires. "Il est assez habituel que les demandes de relèvement du plafond de la dette s'accompagnent de législations importantes sur la question de l'endettement. Je serais stupéfait que nous relevions le plafond de la dette sans rien faire sur la dette", a-t-il déclaré. A l'été 2011, un précédent blocage politique sur le plafond de la dette avait paralysé Washington, conduisant l'agence de notation Standard and Poor's à priver les Etats-Unis de leur prestigieux "triple A", gage de solvabilité maximale pour les marchés financiers. Mais la bataille avait alors conduit à la mise en place de fortes réductions des dépenses, et au final aux coupes budgétaires "automatiques" qui sont entrées en vigueur en mars et qui affectent l'ensemble des agences fédérales de façon quasi-indiscriminée.
La Fed pourrait réduire ses injections de liquidités La Banque centrale américaine achève mercredi une réunion de politique monétaire et les marchés s'attendent à ce qu'elle réduise son soutien financier à l'économie pour la première fois depuis la crise financière de 2008. Le Comité de politique monétaire de la Fed (FOMC) annonce à 20H00 HEC sa décision, ainsi que de nouvelles projections économiques, suivies par une conférence de presse du président Ben Bernanke. "Nous pensons que le FOMC va entamer une réduction modeste de son assouplissement monétaire", indique l'économiste de Deutsche Bank Joseph LaVorgna. Lors de sa dernière réunion fin juillet, la Réserve Fédérale avait décidé de poursuivre, comme elle le fait depuis le début de l'année, ses injections de liquidités dans le circuit financier à hauteur de 85 milliards de dollars par mois "afin de soutenir une reprise économique plus forte". Ses achats de titres sur les marchés sont actuellement répartis pour 45 milliards de dollars par mois en bons du Trésor et pour 40 milliards en titres adossés à des prêts immobiliers.
Taux de chômage en baisse Depuis cette dernière réunion, le taux de chômage est passé de 7,6% à 7,3%. Ben Bernanke a indiqué qu'il souhaitait diminuer progressivement ce concours monétaire exceptionnel puis le cesser totalement dès que le taux de chômage descendrait à 7%, soit d'ici le milieu de 2014. Le dernier indice des prix à la consommation (CPI) se situe à 1,5% sur un an, en dessous de l'objectif idéal de la Fed qui est de 2%. Toutefois, si l'on exclut les secteurs volatils de l'énergie et l'alimentation, l'inflation sous-jacente, un indice très observé par la Fed, est à 1,8%, plus proche de l'objectif de la banque centrale. Cela fait dire à Jim O'Sullivan, chef économiste pour HFE, "que la stabilisation des prix sous-jacents est probablement suffisante pour que les dirigeants de la Fed initient leur processus de réduction de leur soutien monétaire". Cet économiste table sur une légère accélération de la hausse de prix pour justifier l'arrêt complet des injections de liquidités de la Fed au cours des prochains trimestres. La croissance du Produit intérieur brut (PIB) américain s'est accélérée au deuxième trimestre pour s'établir à 2,5% en rythme annualisé, contre 1,1% au premier trimestre.
Retrait possible Une majorité d'analystes estiment que la Fed va donc décider d'amorcer le retrait de son concours en réduisant de 10 à 15 milliards de dollars ses achats d'actifs. Pour Michael Gregory, économiste chez BMO, "le ton mitigé des données économiques, le débat sur le plafond de la dette et la volatilité des marchés émergents plaident pour une " mini-réduction "" du soutien de la Fed à l'économie. La Réserve fédérale publiera aussi une révision de ses projections économiques et une première prévision pour 2016, des chiffres qui, pour les acteurs financiers, seront autant d'indications de l'orientation future de la politique monétaire à l'heure où la Fed doit changer de dirigeant. Théoriquement Ben Bernanke doit encore présider deux réunions du Comité de politique monétaire de la Fed, en octobre et décembre, avant de passer la main à son successeur. Après l'abandon surprise dimanche du candidat préféré de la Maison Blanche, l'ancien principal conseiller économique du président Obama, Larry Summers, c'est Janet Yellen, actuelle vice-présidente de la Fed, qui tient la corde. Elle est considérée comme une "colombe" par les observateurs de la Fed, c'est à dire qu'elle est moins préoccupée par l'inflation que par le chômage. La Fed maintient son taux directeur, outil traditionnel de sa politique monétaire, proche de zéro depuis fin 2008 et ne devrait pas le modifier avant que le chômage ne tombe sous les 6,5%. "Réduire les achats d'actifs, ce n'est pas relever les taux mais c'est un début de normalisation de l'économie américaine", notait Jim O'Sullivan, chef économiste chez HFE.