“L'Algérie est installée dans une situation de pauvreté salariale, donc de faiblesse du pouvoir d'achat", a déclaré, lundi soir, l'ancien ministre des Finances, M. Abdelatif Benachenhou, lors d'une conférence-débat organisée par le Forum des chefs d'entreprise (FCE). Les causes de cette situation, selon l'ancien ministre, seraient "le bouleversement du modèle de consommation, avec l'apparition du phénomène du crédit à la consommation qui a entraîné l'endettement des ménages durant les vingt dernières années, l'évolution au cours des dix dernières années de la masse salariale au profit des entrepreneurs individuels", faisant que "le salariat n'est plus la norme" en Algérie. En somme, a-t-il constaté, "l'Algérie est entrée dans une zone de turbulences avec, de surcroît, une économie mondiale plus inflationniste". L'autre problématique responsable, selon M. Benachenhou, de cette "pauvreté salariale" est la question de l'accès au logement : "Avec les prix excessifs de l'immobilier, nous risquons de retomber dans le recours au logement social, car le promotionnel ne sera plus accessible aux ménages", a-t-il estimé. Selon son analyse, le problème du taux d'emploi dans les ménages a stagné durant les années 2000 par rapport aux années 1970 lorsque les salaires étaient plus nombreux au sein des ménages. Toutefois, l'ancien ministre suggère de "libérer l'offre interne", déplorant le fait que la CNEP, par exemple, dispose de 1 000 milliards de DA de dépôts mais ses prêts pour le logement ne dépasseraient pas les 160 milliards de DA. Revenant sur la privatisation des entreprises publiques et les investissements étrangers, il a regretté que certaines démarches soient "restées sans suite" ou retardées comme c'est le cas, a-t-il noté, de la privatisation du Crédit populaire d'Algérie (CPA) qui est pourtant "décisive pour l'avenir du crédit bancaire" et donc de l'offre d'investissement. De son côté, l'ex-chef du gouvernement Ahmed Benbitour, a estimé que l'investissement est concentré sur les infrastructures publiques et pas assez sur le capital humain et les technologies de l'information et de communication (TIC). Car,en plus des opportunités qui s'offraient actuellement à l'économie nationale à savoir : la démocratisation du savoir, l'aisance financière (plus de 80 milliards de dollars de réserves de change sans endettement extérieur), un taux d'épargne publique appréciable (plus de 50 % du PIB) et un rééquilibrage démographique entre 2000 et 2030, la tendance démographique s'oriente peu à peu vers la tranche 16-59 ans, en mesure de travailler, qui représenterait près de 30 % de la population à l'horizon 2030 contre 19 % actuellement. Par ailleurs, et sans vraiment formuler de propositions de sortie de crise, les patrons et les experts algériens se sont montrés bien préoccupés par la hausse des prix à la consommation ainsi que par la faiblesse relative des salaires et de la productivité du travail. Ils ont tenté d'expliquer à la fois la genèse et les causes actuelles, internes et externes, de la faiblesse de l'investissement productif en Algérie et de de la résurgence de l'inflation des prix, avec leur corollaire naturel la baisse du pouvoir d'achat des ménages, qui semble s'accélérer ces derniers mois. Pour Le président du FCE, M. Réda Hamiani, cela est due à l'économie mondiale qui pousse à une tendance haussière des prix des matières premières, ce qui s'exprime en Algérie par une inflation importée et donc par "une hausse des prix sans productivité". Rappelant que le FCE a adressé à la mi-août une lettre à la chefferie du gouvernement pour attirer l'attention des pouvoirs publics sur la question de la chute du pouvoir d'achat. "Devant l'envolée des prix des matières premières importées et ceux des produits de large consommation, j'ai saisi le chef du gouvernement pour lui confier notre vive préoccupation à ce sujet", a indiqué, dernièrement, le président du FCE, Réda Hamiani. Ce dernier a ajouté qu'il avait, également, fait part à Abdelaziz Belkhadem de la "disponibilité du FCE à participer à toute rencontre susceptible d'aider à trouver une parade" à cette inflation des prix et à ses retombées négatives sur le pouvoir d'achat du citoyen, ainsi que sur tout l'appareil productif national. Parmi les mesures à envisager, cet industriel a suggéré au moins quatre, à commencer par une "action sur la parité du dinar", autrement dit une réévaluation de la monnaie nationale de façon à diminuer le coût des produits importés. Il a relevé, à ce sujet, que les importateurs algériens subissaient de plein fouet la décote actuelle du dollar (principale monnaie d'échange de l'Algérie) par rapport à l'euro, d'autant plus qu'à son avis, 60% des importations algériennes sont effectuées dans la monnaie européenne. M. Hamiani dit, en outre, avoir proposé au chef du gouvernement une seconde parade à la hausse des prix, celle d'une réduction de la fiscalité douanière qu'il estime trop élevée et de la fiscalité courante, notamment la TVA, comme cela a été entrepris pour la pomme de terre. Comme troisième mesure, il préconise des initiatives destinées à inciter les chefs d'entreprise à "diminuer leur marge d'intervention" (marge bénéficiaire) en vue de contenir les prix. M. Hamiani a proposé, enfin, une révision à la hausse du SNMG (12 000 DA actuellement) mais seulement comme "ultime recours" étant donné les possibles effets inflationnistes d'une telle mesure.