Les débats à la Constituante tunisienne avant-hier sur la Constitution ont été interrompus après une heure, un élu de gauche ayant assuré avoir reçu des menaces de mort après qu'un député du parti islamiste Ennahda l'a qualifié d'ennemi de l'islam. Combien faut-il encore de sang pour comprendre qu'on est unis (dans l'islam). Je te dis que je suis musulman, que mon père, ma mère, mon grand-père et mon peuple sont musulmans, a lancé Mongi Rahoui, de la coalition de gauche Front populaire, à l'adresse du député islamiste Habib Ellouze. Ce qui a été dit hier (samedi) par ce cheikh, comme quoi, j'étais l'ennemi de l'islam, a conduit à des menaces de morts contre moi, a-t-il dit. Habib Ellouze, de la frange la plus dure d'Ennahda et habitué aux propos polémiques sur l'opposition et les femmes, a dans un premier temps affirmé que ses propos publiés par des médias avaient été sortis de leur contexte, avant de présenter ses excuses à M. Rahoui et à l'Assemblée nationale constituante (ANC). Dans une ambiance électrique, la séance, qui avait débuté à 11H00 GMT, a été levée à deux reprises, les protestations des élus rendant la poursuite des travaux impossible. L'examen du projet de Constitution, lancé vendredi, a été régulièrement interrompu par des accusations et des disputes entre députés. La Constituante a approuvé vendredi et samedi, à l'issue de débats parfois chaotiques, le préambule et 15 des 19 articles du chapitre consacré aux dispositions générales de la loi Fondamentale. Les votes de samedi ont notamment consacré la liberté de conscience, l'islam comme religion d'Etat mais aussi rejeté l'islam comme source de droit. Les élus devraient consacrer avant-hier au reste de ce chapitre avant d'attaquer l'examen des Droits et Libertés. A partir de 17H00 GMT, ils changeront de sujet et s'attelleront à la formation de l'instance électorale qui sera chargée d'organiser les prochaines élections courant 2014. L'adoption de la Constitution et la formation d'une loi et commission électorales sont les clefs de voûte d'un accord entre opposants et Ennahda pour résoudre une profonde crise déclenchée par l'assassinat le 25 juillet du député de gauche Mohamed Brahmi, le deuxième meurtre en 2013 attribué à la mouvance djihadiste. A l'issue de ce processus, Ennahda s'est engagé à céder la place à un gouvernement d'indépendants dirigé par l'actuel ministre de l'Industrie, Mohamed Jomaâ. Le principal médiateur de la crise politique, le syndicat UGTT, a exigé que le Premier ministre islamiste Ali Larayedh démissionne au plus tard le 9 janvier. Une rencontre entre les médiateurs de la crise et MM. Larayedh et Jomaâ devait avoir lieu hier. Elue en octobre 2011, la Constituante devait achever sa mission en un an, mais le processus a été ralenti par un climat politique délétère, l'essor de groupes djihadistes armés et des conflits sociaux.