François Hollande souhaite une initiative franco-allemande dans l'énergie; le vice-chancelier allemand Sigmar Gabriel a embrassé l'idée avec enthousiasme. Mais si Paris et Berlin commencent doucement à travailler à des idées communes, l'Airbus de l'énergie n'est pas pour demain. Le 19 février, à l'issue d'un conseil des ministres franco-allemands, les deux gouvernements veulent pouvoir présenter les grandes lignes d'un projet. Stephan Kohler, à la tête de l'agence allemande de l'énergie (Dena), s'imagine une plateforme industrielle, à partir de laquelle les entreprises pourraient coopérer et par exemple répondre ensemble à des appels d'offres. La Dena a été chargée, aux côté de l'Ademe française, de faire des propositions concrètes. Mais l'exemple d'Airbus, groupe franco-allemand devenu géant mondial de l'aéronautique et cité par M. Hollande comme modèle, n'est pas transposable à l'identique à l'énergie, estime M. Kohler.
Toute une palette de projets Un dirigeant du numéro un allemand de l'énergie EON, Leonhard Birnbaum, a dit récemment ne pas trop voir ce qu'est censé être la grande entreprise franco-allemande pour la transition énergétique souhaitée par le président français. Plusieurs groupes industriels français ont également dit ne pas être au courant d'un projet majeur entre le camp tricolore (EDF, GDF Suez, Alstom, Total, Areva...) et leurs équivalents germaniques (RWE, EON, Siemens...). Effectivement il ne s'agira pas d'une nouvelle entreprise commune, prédit M. Kohler, mais d'une multitude de projets, qui concerneront toute la palette de la transition énergétique. Même son de cloche du côté du ministère allemand de l'Economie, qui évoque l'éolien en mer, l'efficacité énergétique ou encore les réseaux électriques comme possibles domaines de coopération. M. Gabriel a aussi évoqué les batteries pour voitures électriques, ainsi que la possibilité de créer une filiale commune de l'Ademe et la Dena. Dans l'éolien en mer, la fusion annoncée en janvier des activités de l'espagnol Gamesa et du français Areva, dont la base industrielle est au départ allemande, pourrait constituer un socle intéressant. Paris et Berlin ont déjà ensemble un Office franco-allemand pour les énergies renouvelables, chapeauté par les deux ministères de l'Environnement. Créé en 2006, il a été considérablement étoffé l'an dernier. M. Kohler estime possible la présentation dès le 19 février d'un projet commun de construction de réseaux électriques intelligents sur une zone frontalière. Mais les constructions de nouvelles lignes électriques sont des entreprises de longue haleine, et en général peu goûtées des riverains.
Une usine photovoltaïque géante
Un projet d'usine photovoltaïque géante, sur lequel planche un consortium franco-allemand composé de l'Institut Fraunhofer ISE de Fribourg (sud-ouest), du français CEA-INES et d'un institut de recherche suisse, pourrait également s'inscrire dans le cadre de la collaboration. Le projet en est encore à ses débuts. Le ministère allemand de l'Economie va le suivre avec intérêt, fait-on savoir à Berlin. Il devrait aussi prochainement apparaître dans un des 34 plans industriels lancés par le ministre français du Redressement productif Arnaud Montebourg, de source officielle française. Sa capacité de production évoquée de cinq gigawatts (soit 1/7e des panneaux installés dans le monde l'an dernier) serait un pari considérable, alors que les fermetures d'usines de panneaux solaires se sont multipliées du fait de la concurrence chinoise. En matière d'énergie, France et Allemagne font face aux mêmes défis: la transition vers des énergies propres, à un coût maîtrisé, alors que les Etats-Unis s'approvisionnent en gaz de schiste à bas prix et que l'industrie européenne, et française notamment, souffre considérablement. Mais le paysage énergétique des deux pays ne pourrait pas être plus différent. Si la France a décidé de réduire sa part à 50% dans la production d'électricité en 2025, elle reste très attachée à l'énergie nucléaire tandis que l'Allemagne a décidé de tirer un trait dessus le plus rapidement possible, quitte à prolonger l'usage du charbon très fortement émetteur de CO2. Il faut prendre en compte ce que chaque pays est, résumait la semaine dernière le ministre français de l'Ecologie et de l'Energie Philippe Martin, reconnaissant que les deux capitales avaient des stratégies énergétiques un peu différentes.