Les manifestants réclamant depuis plus de trois mois la chute de la Première ministre thaïlandaise Yingluck Shinawatra ont assiégé hier son quartier général de crise, augmentant leur pression au lendemain d'affrontements qui ont fait cinq morts et des dizaines de blessés. La flambée de violence de la veille a mis à mal les espoirs d'un apaisement d'une crise politique qui a fait depuis l'automne 16 morts et des centaines de blessés, lors de fusillades ou d'explosions de grenades. Mercredi, plusieurs milliers de manifestants se sont rassemblés dans la banlieue nord de Bangkok devant un complexe du ministère de la Défense que Yingluck a utilisé ces dernières semaines en remplacement du siège du gouvernement bloqué par les manifestants exigeant sa tête. La Première ministre ne semblait pas être à l'intérieur, et la situation, tendue, s'est calmée après des discussions entre des responsables militaires et le meneur des manifestants Suthep Thaugsuban. Si Yingluck vient encore travailler ici, nous reviendrons tous les jours, a promis Suthep, visé par un mandat d'arrêt pour insurrection. La figure de proue du mouvement a même suggéré de chasser Yingluck du pays. Nous la pourchasserons toute la journée jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus vivre ici, a-t-il lancé à ses partisans. La contre-attaque contre Yingluck doit s'intensifier. Mardi, de violents heurts avaient éclaté lors d'une opération de la police anti-émeute pour reprendre certains sites occupés par les manifestants. Des scènes de chaos avaient suivi des explosions et des tirs dans un quartier du centre historique de Bangkok, avant un retrait des forces de l'ordre. Cinq personnes ont été tuées, dont un policier touché par balle, et plus de 60 blessées, selon le dernier bilan du centre de secours Erawan. Aucune nouvelle intervention des forces de l'ordre n'est prévue mercredi, a indiqué le chef du Conseil de sécurité nationale Paradorn Pattanatabut, assurant que l'opération de la veille n'était pas un échec pour les autorités qui ont repris le ministère de l'Energie et une partie d'un autre complexe gouvernemental. Les manifestants, dont le nombre s'est nettement réduit ces dernières semaines, réclament, outre le départ de Yingluck, la fin de l'influence de son frère Thaksin, ancien Premier ministre renversé par un coup d'Etat en 2006 et accusé de tirer les ficelles depuis son exil. Depuis ce putsch, la Thaïlande est engluée dans des crises politiques à répétition faisant descendre dans la rue tour à tour les ennemis et les partisans de Thaksin, personnage à la fois le plus aimé et le plus haï du royaume. Les législatives anticipées du 2 février n'ont pas réussi à résoudre la crise actuelle. Les manifestants, qui veulent remplacer le gouvernement par un conseil du peuple non élu, ont en effet fortement perturbé le scrutin. Aucun résultat n'a été annoncé en attendant deux nouvelles journées de vote fin avril, prolongeant le mandat d'un gouvernement aux pouvoirs limités et donc plus vulnérable, selon les analystes, à un nouveau coup d'Etat judiciaire, dans un pays où la justice a déjà chassé deux gouvernements pro-Thaksin, en 2008. Cette intervention pourrait venir cette fois de la commission anticorruption qui a annoncé mardi la prochaine inculpation de Yingluck pour négligence en lien avec un programme d'aides aux riziculteurs. Une procédure qui pourrait conduire à sa destitution.