Les réserves de change de l'Algérie sont actuellement à près de 91 milliards de dollars, selon les estimations de la BCA. L'économiste algérien Abderahmane Mebtoul prévoit d'ici à la fin de l'année en cours un matelas financier de 100 milliards de dollars en réserves de change. Il souligne, à cet effet, que ce n'est qu'un signe monétaire qui permet, certes, de stabiliser le dinar par rapport à l'euro et au dollar, de soutenir le rythme de la croissance. L'économiste note que lorsque l'on sait qu'on avait un stock de la dette extérieure qui était supérieur, avant 1999, à 30 milliards de dollars, "il ne faut pas s'en réjouir dans la mesure où ce n'est pas un signe de développement, ce n'est qu'un signe monétaire. La Sonatrach peut être comparée actuellement à une banque primaire, parce qu'elle n'a pas encore lancé, comme dans les pays du Golfe, la pétrochimie". Dans ce contexte, il explique que c'est la pétrochimie qui crée la valeur ajoutée, crée l'emploi durable, et qui tire la croissance dans les autres segments de l'économie nationale. "Donc, cela peut être une chance pour l'Algérie si cette manne est bien utilisée, et cela peut être un grand malheur si on assiste à une mauvaise gouvernance, une corruption généralisée. Et on pourrait effectivement assister à ce paradoxe d'une aisance financière inégalée mais à l'appauvrissement de la population et notamment de son pouvoir d'achat". Le placement d'une grande partie de ces réserves en bons de Trésor sur le marché américain fait dire à M. Mebtoul qu'"il y a la problématique d'avoir 90 milliards de dollars de réserves de change et là, n'oublions pas que plus de 60 % de nos importations se font en euro et 98 % de nos exportations se font en dollar. Un baril à 90 dollars, c'est 43 euros en termes de parité de pouvoir d'achat ". Pour lui, le grand problème qui se pose, c'est comment arriver à diversifier effectivement les importations algériennes et une gestion rigoureuse de ses réserves de change. "Il ne faut pas être idéaliste, car à travers le réseau Medgaz et le Galsi, c'est que nos partenaires tiennent compte de la balance commerciale". Si l'Algérie est excèdentaire, les Italiens ou les Espagnoles réagiront pour dire pourquoi "vous n'achetez pas chez nous", nous sommes en déficit par rapport à vous, explique-t-il encore, ajoutant qu'il faut aussi tenir compte du modèle de consommation, de l'installation des différents outils de production. Avec le recul du dollar qui a enregistré au cours de ces dernières années une chute de plus de 40 % par rapport à l'euro, M. Mebtoul fait observer qu'il faut voir les expériences de certains pays pétroliers, y compris les Emirats. "L'Algérie a placé 43 milliards de dollars, mais les Emiratis ont entre 500 et 800 milliards de dollars de placements. Ces derniers ont compris qu'aujourd'hui, c'est certainement arrivé à terme, ils investissent actuellement dans l'immobilier et sont en train d'investir massivement en Algérie, en Tunisie et au Maroc ainsi que dans certains pays d'Afrique d'Europe". Par rapport au secteur de l'immobilier, il préconise d'autres alternatives d'investissement dans des créneaux de partenariat allant dans le sens de la spéculation en Bourse. Mais là encore, les compétences et l'expertise font défaut. Selon lui, le placement le plus sûr à terme, c'est la relance de la machine économique nationale. Et maintenant comment passer d'une économie de rente à une économie de production, notamment les segments fondamentaux inscrits dans le programme du président de la République, l'industrie et l'agriculture et certains segments des services et qui ont un caractère de plus en plus marchand. Tout cela, poursuit-il, nous renvoie fondamentalement à l'accélération de la réforme globale avec comme toile de fond "un Etat de droit, la lutte contre la corruption. Il y a trop d'obstacles dans la mise en œuvre d'une affaire". M. Abderahmane Mebtoul déclare qu'aujourd'hui le problème ne se pose pas uniquement sur ces 90 milliards de dollars de réserves de change, mais cela s'applique à tous les produits cotés en Bourse. Il faut, souligne-t-il, mettre en place un institut de conjoncture indépendant du gouvernement. "Il faut lui donner tous les moyens appropriés avec les compétences nécessaires pour suivre à la fois tous les cours boursiers parce que rappelle-t-il encore, l'Algérie importe presque tout. "Ainsi autant pour les réserves de change, le grand problème qui se pose, ce n'est pas un institut qu'on crée en fonction des conjonctures et des crises du fait de la pression de la population, mais un institut de conjoncture permanent qui soit placé sous l'égide du président de la République ou du chef du gouvernement, parce qu'il faut lui donner un statut important".