Exception faite de l'Allemagne, la reprise montre de nets signes d'essoufflement en zone euro, avec une croissance en deçà des attentes au 1er trimestre, une situation qui met un peu plus la pression sur la Banque centrale européenne. Le produit intérieur brut (PIB) de la zone a progressé de seulement 0,2% sur les trois premiers mois de l'année, selon l'office européen des statistiques Eurostat, qui a également révisé à la baisse le chiffre du quatrième trimestre 2013 (à 0,2% au lieu de 0,3%). C'est "une grande déception", a réagi Peter Vanden Houte, de la banque ING, ces chiffres suggérant que la zone euro est encore "loin d'atteindre la vitesse nécessaire pour une reprise durable". Une progression de 0,4% était attendue sur la période. Pire, le tableau montre une dégradation de la situation dans la plupart des pays européens. Seule l'Allemagne, et dans une certaine mesure l'Espagne (+0,4%), font exception. L'Allemagne s'en sort avec les honneurs avec une croissance de 0,8%, après 0,4% au trimestre précédent, confortant son statut de moteur économique de l'Europe. Cette embellie est notamment liée à l'hiver doux: les températures anormalement élevées ont permis au secteur de la construction de continuer à investir outre-Rhin. Mais les mêmes raisons ont eu l'effet inverse aux Pays-Bas, où la croissance dépend beaucoup du secteur énergétique. Le PIB néerlandais a ainsi chuté de 1,4% de janvier à mars. Dans le même temps, l'Italie (-0,1%) et le Portugal (-0,7%) sont repassés en territoire négatif. Quant à la Finlande, elle est tombée en récession en enregistrant un deuxième trimestre consécutif de repli de son PIB (-0,4%, comme fin 2013).
Eviter une hausse de l'euro Mais c'est une nouvelle fois la France qui concentre les plus fortes inquiétudes: la deuxième économie de la zone euro a vu son activité littéralement caler au premier trimestre. En cause: une baisse des investissements des entreprises (-0,5%), une diminution de la consommation des ménages (-0,5%) et un ralentissement des exportations par rapport aux importations. L'écart au sein du couple franco-allemand n'a jamais été aussi important "depuis le deuxième trimestre 2010", souligne Jennifer McKweon, du cabinet d'études Capital Economics. Toutes ces données mettent en lumière le caractère extrêmement poussif et fragile de la reprise économique au sein de la zone euro, même si les indicateurs de confiance laissent espérer un printemps plus radieux, souligne Clemente De Lucia, de BNP Paribas. En attendant, "cette reprise est encore beaucoup trop faible pour stopper les pressions déflationnistes" qui hantent la zone euro, estime l'analyste d'ING. Ce qui met un peu plus la pression sur la BCE pour agir le mois prochain contre une inflation trop basse, qui finit par peser sur la croissance et contre l'euro fort, défavorables aux exportations. "Pour maintenir la croissance sur les rails et lutter contre les pressions déflationnistes, une hausse de l'euro doit être évitée à tout prix", poursuit M. Vanden Houte. Eurostat a aussi publié jeudi le chiffre de l'inflation pour avril dans la zone euro, confirmé à 0,7%, soit bien loin de l'objectif de l'institut monétaire de Francfort, proche mais en-dessous de 2%. La BCE s'est montrée soucieuse de l'appréciation de l'euro il y a une semaine et a laissé entendre qu'elle était prête à agir en juin. Dans une période où l'inflation est basse de manière prolongée, le niveau de l'euro représente "une inquiétude sérieuse" pour la BCE, avait déclaré son président Mario Draghi. La Commission européenne a de son côté appelé à ne pas "extrapoler" après la publication de ces chiffres. "La reprise en cours est progressive. Il ne faut pas relâcher l'effort et se montrer moins déterminés à mettre en place des réformes structurelles", a affirmé un de ses porte-parole, Simon O'Connor.