Le gouvernement allemand veut légiférer rapidement sur la fracturation hydraulique, ce qui inquiète les opposants à cette technologie. Berlin ne semble toutefois pas prêt à permettre explicitement la très controversée exploitation du gaz de schiste. L'opposition est très forte en Allemagne au fracking, du nom anglais de la fracturation hydraulique qui permet l'extraction de gaz capturé dans la roche. L'industrie allemande, la chimie en tête, milite pour donner sa chance au gaz de schiste, enfoui très profond. Elle voit la possibilité, comme aux Etats-Unis, de faire baisser ses coûts énergétiques parmi les plus élevés d'Europe. La crise ukrainienne et les inquiétudes sur l'approvisionnement en gaz sont venues apporter de l'eau à son moulin. Une demande qui se heurte à l'opposition exprimée par plusieurs responsables du gouvernement. Pourtant, certains ont voulu voir cette semaine une ouverture vers une autorisation, en apprenant que le ministre de l'Economie et de l'Energie Sigmar Gabriel avait envoyé un courrier à quelques députés indiquant que ses services et ceux du ministère de l'Environnement travaillaient à établir un cadre juridique.
Les choses bougent L'objectif est de finaliser un projet dans les prochaines semaines, pour une adoption d'ici la fin de l'année. Il s'agira d'imposer à chaque projet potentiel un examen de compatibilité environnementale ainsi qu'une autorisation des autorités en charge de l'eau, selon cette brève missive. Cela veut dire que les choses bougent, en a conclu Miriam Ahrens, porte-parole de la fédération WEG des exploitants de gaz et de pétrole. Ses membres, une poignée d'industriels dont ExxonMobil et GDF Suez, exploitent le gaz naturel allemand. Le pays n'est pas particulièrement bien pourvu, à part dans l'Etat de Basse-Saxe, au nord. Pour l'extraire, les industriels ont déjà depuis longtemps recours au fracking, explique Mme Ahrens. Plus de 300 projets utilisant cette technologie -qui consiste à créer des fissures souterraines en injectant un mélange d'eau, de sable et de produits chimiques- ont été menés depuis les années 60. Mais l'appliquer au gaz de schiste, enfoui beaucoup plus profond sous les nappes phréatiques, suscite en Allemagne, comme d'ailleurs en France qui l'a interdite, de grosses réserves. Qui ont conduit à ce que, par un effet d'amalgame, plus aucune autorisation n'ait été accordée au fracking conventionnel depuis le début de la décennie. Pour lever cette ambiguïté, le gouvernement précédent d'Angela Merkel avait déjà préparé une loi l'an dernier. Elle interdisait la fracturation hydraulique dans les zones d'eaux protégées et de sources minérales. Et, par défaut, autorisait le procédé ailleurs -sous réserve des autorisations nécessaires au cas par cas.
Initiative régionale Le gouvernement avait dû mettre son projet au placard devant les résistances suscitées. Mais la nouvelle équipe gouvernementale -les conservateurs de Mme Merkel et les sociaux-démocrates de M. Gabriel- a promis de se pencher à nouveau dessus. En parallèle, le gouvernement de Basse-Saxe a pris l'initiative le mois dernier de légiférer de son côté, pour relancer les projets dits conventionnels et en revanche interdire par décret le fracking de gaz de schiste sur son territoire. Une initiative qui a sans doute poussé le gouvernement fédéral à accélérer l'allure. Du côté de l'opposition, on est persuadé que M. Gabriel va se contenter d'exhumer le projet du gouvernement précédent. D'après la lettre de M. Gabriel, le fracking doit être autorisé sur 86% du territoire allemand, s'est offusqué le député vert Oliver Krischer. Pourtant cette lettre ne mentionne nulle part ce chiffre. Le bureau de M. Krischer a d'ailleurs admis qu'il se basait sur le projet de l'an dernier. Quant à la ministre de l'Environnement, Barbara Hendricks, elle a redit jeudi qu'elle était contre l'exploitation du gaz de schiste. Je pense que c'est une mauvaise solution, qui apporte la mauvaise réponse aux questions de sécurité d'approvisionnement. La fracturation au moyen de substances toxiques sera interdite, a-t-elle affirmé. Côté français, la ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, a souligné fin mai que Paris avait raison pour le moment d'appliquer le principe de précaution. Mais si de nouvelles technologies non dangereuses apparaissent, pourquoi pas ?