En Algérie, le mois de Ramadhan est synonyme de paresse et de relâchement de l'activité à tous les niveaux. Dès le début de ce mois de jeûne, un nouveau rythme de vie s'est installé. Alger apparaît comme une ville fantôme, une capitale morte en plein jour. Les banlieues sont plongées dans un calme étonnant et les rues les plus fréquentées, à l'instar de la rue Didouche Mourad, réputée pour être le cœur palpitant de la première ville du pays, affiche une ambiance étrangement sereine. Une fluidité assez étrange due au nombre de voitures restreint qui y circulaient, les magasins sont pour la plupart fermés et la majorité des commerces ont encore les rideaux baissés. Ce n'est pas tout, les moyens de transport se font aussi rares, les citoyens sont contraints d'attendre pendant des dizaines de minutes avant de voir leur bus arriver. Pis encore, même les chauffeurs de taxis, disponibles toutes les deux minutes auparavant, manquent, à leur tour, à l'appel. Les conséquences sont pénibles pour les citoyens, qui se voient obligés de composer avec cet état de fait, pour faire leurs courses, tôt le matin pour les uns, et regagner leurs postes de travail pour les autres. L'administration est, à son tour, touchée par cette nonchalance. Paresse, indisponibilité, retard, absentéisme, en gros, c'est le climat qui y règne en ces premiers jours du mois sacré.
Aussi, faut-il relever la réduction de la durée de travail Les salariés travaillent entre six heures et sept heures par jour durant le Ramadhan, contre huit heures le reste de l'année. Etrangement, même les horaires réduits ne sont pas globalement respectés. Et pour preuve, les femmes rentrent généralement plus tôt, sous prétexte de préparer le repas du f'tour, tandis que les hommes expliquent leur départ précoce par le fait de vouloir éviter les embouteillages qui apparaissent en fin de journée. Par ailleurs, les guichets des bureaux de l'état civil, d'habitude pris d'assaut par les citoyens, sont, ces derniers jours, quasi vides, à l'exception des nouveaux bacheliers qui s'empressent pour établir les pièces administratives nécessaires pour leur inscription à la fac. L'autre secteur sérieusement affecté par les effets du jeûne, n'est autre que celui du bâtiment. Les chantiers de construction sont pour la majorité en pause. La température élevée incite les ouvriers à fuir. On apprend que les grands travaux sont à l'arrêt depuis le premier jour de Ramadhan et que seules les petites retouches et les travaux de finition sont accomplis. Une situation qui risque de causer encore plus de retard aux projets de réalisation de logements, dont le programme national souffre d'un important retard. En somme, le mois de Ramadhan a toujours été marqué par un ralentissement de la productivité des Algériens, employés libéraux soient-ils ou travailleurs du secteur public. De même, les habitudes des Algériens changent durant tout ce mois, caractérisé par de longues veillées prolongées le soir après la rupture du jeûne.
Les Algériens privés de services publics Notons que ce "décalage horaire" pénalise particulièrement les administrations publiques. Les retards et les absences des fonctionnaires sont fréquents. La qualité du service public, précaire auparavant, chute vers son plus bas niveau de l'année. Bien que le régime de travail durant ce mois soit revu à la baisse et les horaires de travail soient réaménagés, plusieurs employés n'assurent pas leur rôle. A vrai dire, c'est un service minimum qui s'instaure automatiquement dans les établissements de service public. A titre d'exemple, les guichets CCP de la Grande Poste sont devenus un théâtre d'altercations verbales entre les citoyens et les guichetiers. Ces derniers prennent tout leur temps pour servir les clients. Cela engendre une queue infernale. On retrouve également le sentiment de service minimum dans les banques. Parmi les administrations les plus touchées par cette "mise en veille ramadanesque", les APC sont désertées par leurs employés, presque toute la journée. Un chef de service d'état civil, travaillant à Alger, avoue qu'il a du mal à gérer son équipe : "Les retards du matin sont devenus une habitude et les départs anticipés du soir sont des nécessités pour plusieurs employés, notamment les femmes". Même les domaines sensibles ne sont pas épargnés par l'état de latence généralisé. Le CHU Mustapha subit une vraie prise de ralentissement. L'après-midi, il est difficile de trouver ne serait ce qu'un infirmier à son poste. La prise en charge des malades se fait au ralenti. En outre, les ateliers et les chantiers de la capitale ont perdu leur animation habituelle. En plus de la "faim", la canicule n'arrange pas les choses. Les ouvriers souffrent du travail physique, pas du tout commode dans de telles conditions. Du coup, ils tentent, comme tout le monde, de gagner quelques minutes de repos. Lila Soltani et Mohamed Sefsafi