Professeur des Universités -Expert International en management stratégique- Dr Abderrahmane MEBTOUL - Après plusieurs tournées internationales USA-Europe, entre 1996 et 1999, j'ai été nommé à la tête du Conseil algérien des privatisations. Il est important d'expliquer dans quelles conditions les privatisations ont été initiées et d'éviter des jugements hâtifs en rétablissant la vérité où après plus 13 ans je ne suis plus astreint au droit de réserve.
Il semble bien que certains responsables ne connaissent pas le dossier des privatisations ou font semblant pour des raisons populistes, ou formatés par l'ancienne culture des années 1970, ignorant l'évolution du monde, y compris des fondateurs du communisme l'URSS et la Chine qui réalisent une transition maîtrisée vers l'économie de marché. Il s'agit de lever les voiles idéologiques de ce dossier, et surtout d'analyser les expériences internationales, certaines ayant abouti à des échecs, d'autres à des réussites, dossier éminemment politique, cœur avec la démonopolisation, des réformes structurelles.
Problématique Il faut replacer ce processus complexe dans la situation de l'époque. L'Algérie était soumise à l'ajustement structurel suite à la cessation de paiement et au rééchelonnement. Par ailleurs, la situation sécuritaire était difficile. Dès lors le gouvernement de l'époque a installé le Conseil de privatisation mais également d'autres structures dépendantes directement du chef du gouvernement sans délimiter clairement les prérogatives de chacun. Les holdings étaient chargés des dissolutions des entreprises totalement déstructurées, du partenariat et de l'investissement pour les grandes entreprises. Le Conseil de privatisation a été chargé des privatisations totales seulement des petites entreprises. Le Conseil de privatisation a été un organe technique d'exécution, n'ayant aucun pouvoir politique, toute décision étant dépendante du Conseil national des participations de l'Etat présidé par le chef de gouvernement. Aujourd'hui certains estiment que plusieurs zones d'ombre entachent les privatisations menées entre 1997 et 2003. Le Conseil de privatisation n'est pas concerné par cette situation. Installé en 1996, le Conseil de privatisation a été gelé toute l'année 1997 .Début 1998, il a été chargé de l'évaluation de quelques unités sélectionnées par le Conseil des participations de l'Etat. Ce qui a été fait avec l'aide de bureaux d'études publics et d'experts nationaux. Des visites à l'étranger ont été effectuées pour analyser les différentes expériences et ensuite des avis d'appel d'offres ouvert où la presse nationale et internationale était présente ont été réalisés fin 1998. Avec la démission du président Liamine Zeroual, et au moment où les repreneurs avaient été sélectionnés sur la base d'une transparence totale, le Conseil de privatisation a été dissous fin 1999 et toutes les opérations annulées en 2000 sans qu'aune opération n'ait été réalisée. Par la suite entre 2000/2013 , au sein du ministère des Participations, certaines privatisations ont été réalisées sous l'égide des sociétés de participation de l'Etat( SGP) qui ont remplacé les holdings, mais sans que l'on sache exactement quel impact, bien que des partenariats avec des groupes étrangers ont été conclus par les holdings entre 1996/2013. Début 2013, il avait été annoncé officiellement que l'Algérie envisageait de privatiser entre 150 et 200 petites et moyennes entreprises (PME) publiques d'ici à la fin de 2013, concernant l'industrie manufacturière, le textile, les matériaux de construction, l'agroalimentaire. La part des opérateurs privés nationaux pouvait atteindre 60% contre 40% pour l'Etat dans certains cas et quand l'usine est à l'arrêt, l'opérateur national pourrait obtenir jusqu'à 99% des parts pour relancer l'activité. Quant aux opérateurs étrangers, la règle des 49/51% est appliquée. Des " Appels à projet " destinés aux opérateurs algériens et étrangers, avaient été lancés, dans 18 filières, le délai devant expirer le 31 décembre 2013. Pour l'instant l'on ne connait pas le résultat sinon la déclaration récente du ministre de l'Industrie en date du 09 décembre 2013, affirmant devant les membres du Conseil de la Nation que "le secteur industriel algérien compte 860 entreprises publiques, qui emploient 278 000 travailleurs avec un chiffre d'affaires qui avoisine 800 milliards de DA. A ce chiffre, il faut rajouter 345 entreprises affiliées aux 18 SGP employant 92 000 travailleurs et que le gouvernement prévoit un fonds spécial pour la réhabilitation des entreprises ayant la capacité de réaliser des projets en partenariat de 400 milliards de dinars. Je ne pense pas qu'il y ait eu échec parce que réellement, comme je le montrerai par la suite, la privatisation en tant que facteur de restructuration globale et de dynamisation de l'économie productive de l'économie, moteur des réformes, couplée avec la démonopolisation où le Conseil de la concurrence n' jamais été opérationnel, n'a jamais réellement commencé , la raison essentielle étant l'opposition des tenants de la rente sous le slogan " bradage du patrimoine national ". Qu'il y ait eu anomalie par la suite, le Conseil de privatisation n'est nullement concerné. Comment ne pas me rappeler qu'au début 1999, au cours d'une réunion avec des ministres, sous la présidence du chef de gouvernement, un ministre, lucide, en me regardant dans les yeux m'a dit : " Pourquoi vous vous pressez, Si Mebtoul, on a tout le temps ; vous ne privatiserez aucune unité. "Il a eu raison.
1.-Quel est l'objectif stratégique de la privatisation ? L'on ne doit pas confondre privatisation et démonopolisation complémentaire, tous deux, processus éminemment politique, allant vers le désengagement de l'Etat de la sphère économique afin qu'il se consacreà son rôle de régulateur stratégique en économie de marché. La privatisation est un transfert de propriété d'unités existantes vers le secteur privé et la démonopolisation consiste à favoriser l'investissement privé nouveau. L'objectif de la démonopolisation et celui de la privatisation doivent renforcer la mutation systémique de la transition d'une économie administrée vers une économie de marché concurrentielle. La privatisation ne saurait s'assimiler au bradage du patrimoine public - Pour cela, elle doit favoriser une grande efficience de l'économie donc la croissance et la création d'emplois, substituer des critères de gestion économiques à des critères politiques, éliminer les rigidités administratives, alléger les contraintes budgétaires, contribuer à la compétitivité et à la modernisation des places financières. Les privatisations présentent l'avantage de renforcer la capitalisation boursière d'une place, d'augmenter considérablement le nombre des transactions et d'améliorer la liquidité du marché et, partant, la capacité d'attraction de l'épargne étrangère. Elle doit permettre de lutter contre les rigidités syndicales, la promotion de certaines entreprises sur le plan commercial et auprès des investisseurs étrangers, favoriser et promouvoir des équipes de managers et développer une classe moyenne porteuse de dynamisme social. Aussi, la privatisation est avant tout un processus de restructuration globale de l'économie avec des incidences politiques et sociales de recomposition du pouvoir, expliquant les résistances des tenants de la rente qui se servent au niveau du secteur d'Etat, les gagnants d'aujourd'hui n'étant pas forcément ceux de demain. Car un texte juridique n'est pas suffisant ( ce n'est qu'un moyen) et devient un leurre s'il n'y a pas d'objectifs cohérents clairement définis avec pragmatisme loin des théories abstraites supposant une nette volonté politique de libéralisation. La privatisation est un élément fondamental d'une politique de relance et doit être au cœur de la nouvelle politique économique pour trois raisons essentielles : premièrement, sa contribution à l'effort de stabilisation macroéconomique, deuxièmement à la promotion des exportations hors hydrocarbures et troisièmement à la transformation globale de l'économie par la réduction du chômage. En d'autres termes, l'Etat entrepreneur et exploitant direct doit s'effacer peu à peu pour laisser place à un Etat exerçant la puissance publique et qui sera conforté dans ses missions naturelles d'arbitrage et de régulation. Ceci implique le transfert du secteur public à un statut privé de façon à passer d'un système productif foncièrement extensif à un système intensif, le but essentiel étant de mieux gérer les entreprises et de maximiser la création de richesses. En parallèle à ce nouveau " deal " entre l'Etat et les entrepreneurs, une série d'évolutions et de réformes liées à l'environnement économique est à même d'une part, de créer un climat de confiance afin de susciter l'intérêt des investisseurs nationaux et étrangers et d'assurer la crédibilité de l'Etat, d'autre part. Dans ce cadre, la bureaucratie héritage d'une économie administrée constitue une des contraintes les plus fortes dont l'éradication est absolument nécessaire pour insuffler au marché la dynamique et la fluidité attendues. Sur le plan du système financier, il est fondamental de promouvoir l'adaptation du système bancaire et de la fiscalité, actuellement lieu d'importants intérêts de rente. La mise à niveau du système bancaire est un des axes de promotion à privilégier, car c'est au sein de cette sphère que les rythmes de croissance et de privatisation seront arbitrés à titre principal. L'objectif à viser, est d'aboutir à un système bancaire affranchi des ingérences, plus efficient et plus en harmonie avec les exigences d'une intermédiation financière performante et orientée vers l'économie de marché de capitaux. Jusqu'ici, la situation financière des banques publiques a constitué une contrainte qui a inhibé toute velléité de restructuration. Je préconise de simplifier et regrouper dans un cadre plus cohérent, l'organisation institutionnelle chargée d'exécuter une politique désormais plus claire de libéralisation de l'économie et pourquoi pas un grand Ministère de l'Economie scindé en plusieurs Secrétariats d'Etat techniques. D'une manière générale, ce qui est stratégique aujourd'hui peut ne l'être demain. Car ce que l'on entend par secteur stratégique, et non stratégique doit être appréhendé, non en statique mais en dynamique du fait à la fois de l'évolution du monde et de la structure de l'économie algérienne. Ainsi la règle des 51/49% qui se fonde sur une vision essentiellement idéologique dépassée, où l'on peut démontrer que le partenaire étranger prend peu de risque, les surcoûts étant supportés par l'Algérie via toujours la rente, me semble inappropriée sans avoir défini ce qui est stratégique et ce qui ne l'est pas à partir de critères objectifs.
Le blocage de l'investissement en Algérie ne réside pas en des changements de lois ou d'élaboration de stratégies utopiques, vision bureaucratique, comme on ne combat la sphère informelle,(40% de la masse monétaire en circulation avec une concentration du capital argent au profit de quelques oligopoleurs tissant des liens avec certains segments du pouvoir de la sphère réelle), elle-même produit de la logique rentière et de la bureaucratie, par des mesures administratives autoritaires. Il faut s'attaquer à l'essentiel qui est la gouvernance mitigée et la faiblesse de l'Etat de droit, liées à une profonde moralisation de ceux qui gèrent la Cité. Sans visions stratégiques, comment adapter l'Algérie à la mondialisation par plus d'espaces de libertés ? En levant les contraintes d'environnement afin de permettre l'épanouissement de l'entreprise créatrice de richesses, en combattant non par des textes mais réellement cette corruption socialisée qui menace les fondements de l'Etat algérien, poussant la majorité à se tourner vers les valeurs spéculatives, il ne faut pas attendre à une véritable relance économique. La dépense monétaire sans compter, c est comme si on remplissait de l'eau au sein d'une citerne trouée, peu d'impacts économiques et sociaux. La balance devises positive pour l'Algérie, le transfert technologique et managériel, me semble être les axes essentiels de la redynamisation du tissu productif en déclin où le secteur industriel représente moins de 5% dans le produit intérieur brut. Car la notion de stratégie est historiquement datée, comme en témoigne la privatisation dans les pays capitalistes développés, outre les segments concurrentiels, l'introduction de la mixité au niveau des services publics marchands santé, éducation, eau, énergie, télécommunications. Etant un processus éminemment politique, cette volonté de libéralisation conditionnera à l'avenir largement l'afflux tant de l'investissement étranger que national dont les projets devront rentrer forcément dans les avantages comparatifs euro- méditerranéens et euro- africains qui constituent les espaces naturels de l'Algérie. Cela est intiment lié à l'instauration de l'économie de marché inséparable à l'approfondissement des libertés, de l'Etat de droit, d'une bonne gouvernance et de la Démocratie.
2.-Quelles sont donc les actions à mener pour mener une bonne privatisation ? Le processus de privatisation couplé avec la démonopolisation constitue une étape importante de la transition vers une économie de marché concurrentielle s'insérant dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux, devant être réaliste étant à l'ère de la mondialisation, évitant de vendre des utopies néfastes. Le processus de privatisation comprend plusieurs phases contenues dans un programme subdivisé en plusieurs étapes dont certains constituent un passage douloureux mais déterminant pour l'entreprise et le devenir du pays. Aussi comme cela s'est passé ailleurs, lorsqu'on aborde le cas des institutions financières, des grandes sociétés de services, que l'on traite des activités industrielles selon la branche, la taille, la région, il n'est pas possible de donner un schéma uniforme d'un programme de privatisation. La méthode usuelle consiste à établir d'abord un diagnostic aussi complet que possible comprenant: la situation de l'outil de production, la qualité des produits, la position commerciale, l'analyse de la compétitive avec des normes internationales, le diagnostic financier, le diagnostic fiscal, l'étude de l' environnement local, national et international, l'évaluation du management et la qualification du personnel A l'issue du diagnostic, l'on peut élaborer un scénario de privatisation, accompagné de plusieurs alternatives tenant compte de la politique économique du gouvernement, des contraintes qui s'imposent tant au pays qu'à l'entreprise ainsi que des propositions de choix stratégiques à moyen et long terme. Ces propositions concernent en général: le plan budgétaire, le plan industriel, le plan financier, le plan commercial, le plan d'emploi, et la mise en œuvre du calendrier. De ce fait, des audits s'avèrent fondamentaux ainsi qu'une large campagne d'explication autour de ce dossier sensible. Le manque de spécialistes dans ce domaine doit être comblé en Algérie autour de cabinets pluridisciplinaires complexes regroupant différentes spécialités. Ces cabinets sont presque inexistants en Algérie d'où l'urgence du regroupement (un cabinet comptable n'étant pas souvent un cabinet conseil de management stratégique), les compétences étant souvent éparpillées à travers le territoire national. L'objectif est d'éviter de faire appel massivement à l'assistance (depuis l'économiste et le juriste au technologue), le poste assistance technique qui est passé de 2 milliards de dollars en 2002 à plus de 12 milliards de dollars fin 2012, greffant lourdement la balance de paiements. Et sans verser dans le chauvinisme aidé transitoirement à la fois par des relations de plus en plus denses entre les Universités/ centre de recherche et les Ministères/opérateurs et des cabinets étrangers de renom international dont la finalité est d'asseoir des bureaux d'études locaux solides, le fondement du XXIème siècle du développement étant la bonne gouvernance et le savoir.
3.- Quelles sont les techniques de privatisation ? Il faut différencier la méthode des techniques de privatisation. Chaque méthode et technique ne sont pas neutres mais traduisent la volonté politique soit de l'accélération rapide ou le gradualisme vis-à-vis des privatisations. Les partisans de l'accélération veulent bouleverser l'ordre économique actuel, tenant compte des résistances des couches sociales attachées à la gestion administrative, qui crient au chaos car durant une période transitoire, la mise en place de nouvelles institutions et mécanismes économiques entrainaient une baisse de l'activité économique. Les partisans du gradualisme veulent agir par étapes pour permettre aux anciennes couches rentières, notamment la nomenklatura bureaucratique de reconvertir son capital argent et éviter qu'elles bloquent les réformes. Nous avons plusieurs méthodes : a.-l'offre publique de vente d'actions (bourses des valeurs) impliquant la refonte du système, financier ; b.-l'offre publique de vente à prix fixe ; c.- la cession d' actions par appel d' offres ; d.- le contrat de management par appel d'offres ; e.- le contrat de gré à gré pour la privatisation de la gestion ou la cession d'actifs à titre exceptionnel selon la loi car elle favorise les malversations ; f.- la privatisation de masse ou populaire favorisant la rupture systémique ; g.- la privatisation totale ou partielle au profit des ouvriers et des cadres et h. -la conversion de la dette extérieure en prises de participation. Comme il y a lieu de souligner avec force, que la valeur donnée par chaque technique subit souvent des variations imputables tant à la situation politique et sociale interne qu'aux paramètres internationaux. C'est la demande, c'est- à- dire le marché qui est l'élément déterminant (taux directeur du profit, existant un marché mondial de privatisation) et non l'offre. C'est d'ailleurs avec cette illusion bureaucratique des années 1970/1980 que certains récemment en Algérie croient que c'est l'Etat à décider par une politique volontariste de créer telle ou telle filière. Ces responsables déconnectés des réalités oublient que les filières sont évolutives, comme les cellules d'un corps humain, certaines naissent et d'autres meurent d'où l'importance de la maîtrise du temps et d'une planification stratégique largement influencées par les nouvelles mutations technologiques mondiales. D'ailleurs ,l'économie algérienne est appelée à évoluer au sein d 'une économie ouverte, étant lié à un Accord d'Association, voulant adhérer à l'OMC et est-ce que ces filières que l'on installe aujourd'hui, opérationnelles seulement vers 2015/2016, seront pérennes lorsque le dégrèvement tarifaire sera zéro horizon 2020 ? Pour preuve , l'assainissement volontariste des entreprises publiques a coûté au Trésor public plus de 60 milliards de dollars entre 1971/2012 et selon un rapport interne au ministère de l'Investissement, plus de 70% sont revenues à la case de départ. Avec un dinar qui se cote à plus de 100 dinars un euro (150 dinars sur le marché parallèle), cela n'a pas permis de dynamiser les exportations hors hydrocarbures. Et l'on peut montrer que la dépense publique via les hydrocarbures entre 2004/2013 a participé à plus de 80% du PIB, directement et indirectement (BTPH), ne restant aux entreprises créatrices de richesses que moins de 20%. Cela montre clairement que ce n'est pas une question de capital argent mais aux rigidités structurelles de l'économie algérienne. C'est donc le taux de profit sectoriel mondial qui est indicateur de référence et dans la plupart des pays qui ont engagé la privatisation, il y a eu décote d'environ 20 % par rapport à la valeur déterminée, (en comparaison à des projets neufs) pour attirer les investisseurs nationaux, internationaux. A la lumière tant de l'expérience passée en Algérie que des expériences d'autres pays, outre les problèmes politiques d'un non -consensus déterminant, il convient de se poser la question des contraintes techniques souvent non maîtrisées expliquant la panne du processus de privatisation. Je recense neuf (09) contraintes techniques : a- les -filialisations non opérantes par le passé dont l'objectif était la sauvegarde du pouvoir bureaucratique. Or c'est le fondement de la réussite tant de l'ouverture partielle du capital que d'une privatisation totale¸ b- lié au point précédent, le patrimoine non défini (absence de cadastre réactualisé) pose la problématique de l'inexistence des titres de propriétés fiables sans lesquels aucun transfert de propriété ne peut se réaliser, c- nous avons pu constater des comptabilités défectueuses rendant difficiles les évaluations. L'inexistence du marché boursier (paradoxe en Algérie, pour la première fois de par le monde l'on essaie de créer une bourse étatique, des entreprises d'Etat souvent déficitaires achetant des entreprises d'Etat) comme l'atteste la léthargie de la Bourse d'Alger. Cela rend encore plus aléatoire l'évaluation dans la mesure où le prix réel de cession varie considérablement d'année en année, voire de mois en mois par rapport au seul critère valable qui est le marché et que l'on observe les fluctuations boursières sur plusieurs années. d- la non- préparation de l'entreprise à la privatisation, certains cadres et travailleurs ayant appris la nouvelle dans la presse, ce qui accroit les tensions sociales. Or l'adhésion tant de la population que des travailleurs à l'esprit des réformes est une condition essentielle de sa réussite liée d'ailleurs à une profonde démocratisation de la société. -e- Il y a lieu de prévoir une clause pour la reprise des entreprises pour les cadres - supposant la création d'une banque à risques pour les accompagner du fait qu'ils possèdent le savoir-faire technologique, organisationnel et commercial, la base de toute unité fiable devant être constituée par un noyau dur constitué de compétences, f- la partie non cessible dévolue aux travailleurs contraire à la pratique des affaires caractérisée par la mobilité du capital- devrait être négociée librement par les travailleurs, g- l'organe de suivi de la partie rééchelonnable lorsque le promoteur a des avantages autant que la problématique de l'endettement des entreprises surtout pour la partie devises en cas de fluctuation du taux de change ne sont pas clairement définis. Quant à la technique de privatisation, chaque technique donne une valeur différente, ce qui peut pousser à des délits d'initiés. Premièrement, nous avons l'approche patrimoniale qui repose sur le bilan qui donne un inventaire schématique mais complet des biens possédés par l'entreprise et du passif accumulé. Trois méthodes sont généralement appliquées, qui conduisent à la détermination de la valeur bilancielle, de la valeur de liquidation et du coût de remplacement. La valeur bilancielle peut être assimilée à l'actif net. Au niveau de cette technique, la valeur de liquidation permet de mesurer la valeur minimale de l'action d'une société. L'idée sous-jacente à cette approche est celle selon laquelle, si la valeur de marché d'une action chute en dessous de la valeur de liquidation celle-ci devient une cible potentielle pour une offre publique d'achat (OPA). Cette valeur représente la somme d'argent qui pourrait être obtenue si on divisait la société en " appartements ".Au niveau de cette approche patrimoniale, la vente des actifs permet l'évaluation du remboursement des dettes et de distribuer le restant aux actionnaires. La valeur de remplacement définit la différence entre le coût de remplacement des actifs d'une firme et ses dettes. Elle représente le montant de l'investissement qu'un acheteur doit réaliser pour acquérir un bien susceptible de lui fournir les mêmes avantages et revenus d'usage que le bien évalué. Il s'agit en somme d'une valeur de continuité. Certains analystes pensent que la valeur de marché d'une société ne peut être très supérieure à sa valeur de remplacement dans la mesure où, si tel était le cas, des concurrents pourraient essayer de créer des firmes présentant des caractéristiques similaires. La pression concurrentielle des entreprises similaires qui rentrent sur le même marché entraînerait alors une baisse de la valeur de marché de toutes les firmes jusqu'à ce que celle-ci soit égale à la valeur de remplacement. L'approche patrimoniale regroupe l'ensemble des méthodes qui présentent un caractère historique et non prévisionnel basée sur le bilan, le compte de résultat (et ses annexes) le patrimoine de l'entreprise et non un caractère prévisionnel. L'on procède souvent à l'actif net corrigé, à la valeur substantielle brute, que l'on combine avec la méthode des capitaux permanents nécessaires à l'exploitation. Deuxièmement, nous avons la technique du Goodwill (GV) qui est, en schématisant l'analyse, la passerelle qui relie l'approche patrimoniale et l'approche prospective. C'est une notion très utilisée chaque fois qu'une évaluation est faite, que ce soit à des fins de fusion, de cession, de transmission, de consolidation de sociétés ou même d'imposition. Pour bien illustrer ce concept, considérons deux sociétés appartenant au même secteur d'activité et possédant des valeurs patrimoniales identiques. Supposant que la première est en voie d'être liquidée du fait des difficultés d'exploitation, alors que la deuxième se porte bien et à même de créer des brevets et une marque connue.
Si les deux sociétés doivent être évaluées ou cédées, la première va l'être au mieux au montant de l'ANC, alors que la seconde va l'être certainement à un montant supérieur à l'ANC. La différence entre les deux valeurs s'explique par la capacité de la deuxième société à rester rentable et à créer de la richesse. II apparaît donc que la valeur d'une société n'est pas uniquement fonction de ses moyens de production, mais qu'elle dépend essentiellement de l'aptitude du management à mettre en œuvre moyens matériels et humains pour générer de la rentabilité. Ainsi une synergie positive entre les différentes activités, une bonne ambiance sur le plan social, une activité de recherche et développement productive, une bonne stratégie, sont à l'origine de bénéfices supplémentaires qui augmentent la valeur patrimoniale qui constitue le Goodwill. Troisièmement, nous avons les approches prospectives qui permettent de suppléer les insuffisances du Goodwill et des méthodes patrimoniales d'évaluation, grâce à la détermination de la valeur des éléments incorporels non identifiables. En effet, les méthodes du GW ne prennent en compte les perspectives futures que de façons limitées, notamment parce que l'évolution des bénéfices et des dividendes futurs n'est pas explicitement étudiée, ainsi que le développement des marchés financiers . Les besoins en information des investisseurs et des entreprises ont été à l'origine de nouvelles théories et approches en matière d'évaluation des sociétés. L'idée force des approches prospectives est que la valeur d'une entreprise est fonction de ses perspectives futures, d'où l'impact des informations prévisionnelles sur le comportement des évaluateurs et des investisseurs. L'analyse fondamentale requiert une estimation des flux futurs de bénéfices, de dividendes et du taux de croissance, ainsi que des perspectives futures, alors que la méthode des cash flows actualisés est fondée sur le calcul des flux d'encaissements et de décaissement liés à l'activité.
4.- Pourquoi la panne du processus de privatisation ? Il y a lieu de souligner que la base de la réussite du processus de privatisation doit reposer sur une transparence totale et une large adhésion sociale. Dans les pays développés, le niveau élevé d'éducation favorise la transmission de l'information étant dans une économie de marché structurée. Le contexte algérien (couple monopole/rente dominant) est caractérisé par une productivité insuffisante mono exportateur (pour plus de 95% hydrocarbures bruts); un secteur privé peu préparé à la concurrence internationale ou plus de 80% d'origine familiale avec un mangement stratégique presque inexistant, existant de rares exceptions mais bloqués par la bureaucratie ; un secteur informel dominant produit de la bureaucratie (lié à la corruption) qui tire sa puissance de l'existence de cette sphère contrôlant plus de 40% de la masse monétaire en circulation mais recelant des entrepreneurs dynamiques que l'on combat administrativement sans une volonté politique de les intégrer au moyen de mécanismes transparents, l'obsolescence de bon nombre de segments de production, des capacités de production inférieure à 50% ; une gestion et commercialisation déficiente, une situation financière instable, interne et externe (comme le montrent les dévaluations successives du dinar) ; des tensions sociales avec un chômage important et enfin l'absence du label qualité: services et produits. En cas de non- vision stratégique axée sur la concurrence, le processus de privatisation s'avérera un échec patent avec le risque de passage d'un monopole public à un monopole privé qui ne résoudrait aucunement les problèmes fondamentaux du pays Comme nous l'avons montré dans plusieurs contributions nationales et internationales récentes en posant la problématique du futur rôle de l'Etat dans ses relations avec le marché, il s'agit de faire naître le marché dans un contexte de non -marché à travers cette mutation systémique bouleversant la cohérence des anciens réseaux, pour créer une dynamique nouvelle à travers de nouveaux réseaux acquis aux réformes ( de nouvelles forces sociales) dans le cadre d'une nouvelle cohérence synchronisée avec les mutations de l'économie mondiale. Cette dynamique sociale est seule à même d'éviter ce manque de cohérence et de visibilité dans la politique socio-économique dont les changements perpétuels de cadres juridiques (fonction des rapports de force au niveau du pouvoir) en est l'illustration. Il y a plusieurs centres de décisions politiques, atomisant les décisions et rendant volontairement opaques les décisions, traduisant le non- consensus. Je recense cinq contraintes institutionnelles en Algérie : Premièrement, la concentration du pouvoir entre les mains d'un Ministre, étant à la fois juge et partie ne favoriserait - elle pas les délits d'initiés alors que la base de la réussite de cette opération complexe est une totale transparence et un suivi dans le temps de ces opérations complexes ? Les expériences réussies qui ont suscité l'adhésion populaire montrent la création d'une grande Agence des privatisations, ayant une mission transitoire, composée d'experts de haut niveau, relativement autonome sous la dépendance de la présidence ou du chef du gouvernement ou des parlements. Deuxièmement, il s'agit d'éclaircir concrètement les relations fonctionnelles qui ne sont pas clairement définies notamment entre le ministère chargé des Participations, les structures du ministère des Finances (direction des domaines, de la fiscalité, des douanes- et des banques primaires), les autres départements ministériels pour éviter les susceptibilités entre différents ministres- en termes de pouvoir économique-et les relations avec les autorités locales qui n'ont pas été associées à ce processus alors qu'ils entretiennent des relations directes avec l'environnement, et sans leur adhésion ce processus peut être avorté ? Troisièmement, ne convient-il pas de mieux définir à l'avenir ce que l'on entend par partenariat loin de tout slogan idéologique, l'objectif étant l'efficience économique, base de la cohésion sociale future, avec l'autonomisation de la décision économique évitant les fameux slogans des chartes socialistes du passé : secteur privé facteur complémentaire du secteur d'Etat ? Quatrièmement, qui est le propriétaire durant la période de transition de ces entreprises publiques lors de la cession d'actifs pour éviter la dilapidation du patrimoine public lors du transfert de propriété. Le cas des litiges est édifiant - tribunaux -conflits entre entreprises d'Etat pour des locaux appartenant en réalité à l'Etat - ce qui est paradoxal et absurde. Et enfin, quel est le sort des entreprises dissoutes (de ces centaines de milliers de surfaces dormantes, suscitant toutes les convoitises, localisées surtout dans les agglomérations au niveau des entreprises publiques- services collectifs et administrations) pouvant imaginer pour ce cas spécifique une TRUAND à l'allemande, où le prix de cessions serait le marché, car ne posant pas véritablement un problème d'effectifs. Par ailleurs, l'expérience menée sur le terrain a montré des comptabilités défectueuses, une non- délimitation des superficies acquises existant un écart entre le réel et le bilan coté terrain, la majorité des unités évaluées n'ayant pas de comptabilité analytique afin de cerner les coûts. Enfin, les délais entre le moment de sélection de l'entreprise à privatiser, les évaluations, les avis d'appel d'offres, le transfert au Conseil des Participations de l'Etat sous la présidence du chef du gouvernement, puis au Conseil des Ministres et la délivrance du titre final de propriété ne sont pas clairement datés, ce qui risque de décourager tout repreneur. Car, en ce monde les capitaux mobiles vont s'investir là où les obstacles économiques et politiques sont mineurs, le temps étant de l'argent. Or seule une synchronisation clairement définie permettrait d'éviter les longs circuits bureaucratiques du passé. Enfin -j, les textes juridiques actuels sont contradictoires, certains articles contredisant d'autres contraires aux règles élémentaires de l'économie de marché pouvant entraîner des conflits interminables d'où l'urgence de leur harmonisation, leur simplification par rapport au droit international. Les répartitions de compétences devront être précisées dans le cadre juridique en vigueur où il devrait être possible de déterminer qui a le pouvoir : de demander l'engagement d'une opération de privatisation ; de préparer la transaction ; d'organiser la sélection de l'acquéreur ; d'autoriser la conclusion de l'opération ; de signer les accords pertinents et enfin de mettre en œuvre les accords de privatisation et s'assurer de leur bonne exécution. Cinquièmement, que faire pour dynamiser la Bourse d'Alger ? Outre la levée des contraintes liées à l'environnement des affaires (bureaucratie, état du système bancaire, foncier…), je propose une privatisation partielle de quelques champions nationaux pour amorcer le mouvement et la création de fonds de private P/P pour sélectionner quelques entreprises privées en vue de leur introduction ultérieure en Bourse. On pourrait mettre en Bourse, à titre d'exemple, 10/15 % de Sonatrach, 10 à 15 % de la BEA, 10/15 % de Sonelgaz, 15 % de Cosider et 15 % de deux banques publiques le CPA et la BADR. Elle peut se faire par la cession d'actifs, ne concernant pas seulement l'industrie, mais les banques, les assurances et la mixité dans certains segments des services collectifs pouvant se prêter au calcul marchand. Cela permettrait de constituer un indice boursier consistant en volume et en qualité, amorçant le cercle vertueux, et attirer des opérateurs privés. Ces fonds agiraient comme incubateurs de sociétés éligibles à la Bourse. Dans ce cadre, une aide au développement des acteurs privés du secteur de l'investissement (conseillers IOB, gestionnaires d'actifs) est nécessaire. Mais là n'est pas l'essentiel. La dynamisation de la Bourse passe forcément par la refonte du système financier algérien qui porte en lui la substance de l'enjeu, du fait qu'il cadre parfaitement la politique économique développée jusqu'à présent et son corollaire, une logique rentière néfaste. En résumé, la panne du processus de privatisation est intiment liée à l'approfondissement de la réforme globale elle-même en panne. Sa réussite est conditionnée par une plus grande visibilité dans la politique socio-économique, un Etat de Droit, et la démocratisation des décisions économiques renvoyant à la transparence la plus totale, évitant ce slogan creux de bradage du patrimoine public par les tenants de la rente. Avec les scandales de corruption qui se socialise menaçant les fondements de l'Etat algérien et donc la sécurité nationale, (Sonatrach, Sonelgaz- Autoroute Est-Ouest mais touchant la majorité des secteurs,), rendent, à tort ou à raison, suspecte toute opération de privatisation et d'une manière générale tout processus de réformes structurelles. On ne peut mener des réformes structurelles en demandant des sacrifices à la majorité, dans un cadre général de suspicion et sans la moralité de ceux qui dirigent la Cité. La situation socio- politique actuelle en Algérie, à la veille de l'élection présidentielle, caractérisée par des dépenses monétaires sans contreparties productives pour calmer le front social, reportant dans le temps la résolution des véritables problèmes où les ajustements économiques et sociaux seront plus douloureux, rendent pourtant ces réformes urgentes. [email protected]
N.B.-Professeur Abderrahmane Mebtoul , auteur de 20 ouvrages et de nombreuses contributions internationales- Expert international, membre de plusieurs organisations économiques internationales, -Expert comptable de l'Institut supérieur de gestion de Lille -Docteur d'Etat en gestion (1974) - Directeur d'Etudes Ministère Energie/Sonatrach 1974/1979-1990/1995-2000/2006- ancien magistrat- Premier conseiller à la Cour des comptes (1980/1983) président du Conseil algérien des privatisations -rang Ministre Délégué- (1996/1999) -Directeur d'Etudes au cabinet de la Sûreté nationale- DGSN - (1997/1998) et Expert à la Présidence de la République 2007/2008-