Une tripartite réunissant le gouvernement et les partenaires économiques et sociaux est prévue ce jeudi 18 septembre 2014. L'Algérie se trouvant à la croisée des chemins, il s'agit, impérativement, pour des raisons de sécurité nationale, de se projeter dans l'avenir en cette ère de mondialisation impitoyable, et ce, en évitant des promesses chimériques. Pour la réussite de cette tripartite, je recense douze axes-directeurs interdépendants conditionnant le développement socioéconomique dynamique de l'Algérie devant éviter le statu quo suicidaire. 1- Premièrement, les critères de représentativité utilisés aujourd'hui , indépendance, importance des effectifs, montant des cotisations reçues, expérience et ancienneté du syndicat, attitude patriotique pendant la guerre de Libération nationale sont peu adaptés à la réalité actuelle. Les deux critères ajoutés par la jurisprudence (activité du syndicat en termes d'ampleur et d'efficacité, d'une part, et influence du syndicat, d'autre part, c'est-à-dire sa capacité à mobiliser les salariés) n'ont pas permis de surmonter ces difficultés. Aussi, il s'agit de fonder la représentativité syndicale sur le seul critère de l'élection. L'audience électorale doit devenir le critère incontournable de la représentativité. Elle doit être appréciée au regard des résultats des élections des délégués du personnel et des représentants du personnel au comité d'entreprise. Une meilleure représentativité passe par un choix entre représentation uniforme et représentation multiple. Quelle que soit la solution retenue, les règles de représentativité doivent être revues dans le sens "une entreprise - une voix", pour une meilleure représentation. Cette révision des règles de représentativité doit s'accompagner d'une transparence accrue en matière de financement des comptes des fédérations et confédérations patronales. 2.-Deuxièmement, lorsqu'un pouvoir agit bureaucratiquement, sans concertation et sans tenir compte de la réelle composante sociale, la société enfante ses propres règles qui lui permettent de fonctionner en dehors de l'Etat officiel, se traduisant alors par un divorce croissant Etat/citoyens. On ne relance pas l'activité industrielle par décret ou par volontarisme étatique, vision d'une mentalité bureaucratique rentière. L'objectif est de faire de la négociation collective le moyen privilégié de la transformation du droit du travail et de la maîtrise des évolutions socioéconomiques des entreprises. Le dialogue est la seule voie pour trouver un véritable consensus, ce qui ne signifie nullement unanimisme, signe de décadence de toute société afin d'anticiper tout conflit préjudiciable aux intérêts supérieurs du pays avec des coûts faramineux. Pour une meilleure représentativité, les organisations patronales privées doivent avoir un cadre unifié et inclure d'autres organisations non présentes, parfois plus représentatives comme le montre la déconnexion actuelle de l'UGTA par rapport aux mouvements sociaux. Pour un véritable dialogue social, il serait souhaitable de convier d'autres organisations syndicales autonomes avec lesquelles les ministres du Travail, de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Santé, notamment, sont déjà en contact permanent. Faute de quoi cela s'apparenterait à un monologue du pouvoir avec lui-même, sans impact sur la résolution concrète des problèmes économiques et sociaux. Cependant, le gouvernement ne peut négocier avec plus de 60 organisations qui doivent s'organiser en trois ou quatre grandes con fédérations comme dans les pays développés , idem pour l'émiettement du patronat privé s'ils veulent devenir des forces sociales véritablement représentatives. C'est que la composante conviée aux négociations est la même depuis plus de deux décennies alors que l'environnement économique et social algérien a profondément changé, ce qui explique que les anciennes Tripartites ont eu peu d'effet face aux tensions sociales et surtout que maintes propositions pourtant constructives sont souvent restées lettres mortes.
3.- Troisièmement, le gouvernement doit se démarquer d'une vision culturelle largement dépassée des années 1970, tant sur le plan politique, économique qu'en matière diplomatique. Nous sommes en 2014 avec des mutations géostratégiques considérables entre 2014/2020 qui préfigurent de profonds bouleversements géostratégiques. Il s'agit d'éviter que la tripartite soit un lieu de redistribution de la rente (parts de marché et avantages divers supportés par le Trésor public de ceux présents via la dépense publique) en fonction d'intérêts étroits. Dans ce cadre, et au vu des derniers rapports de la Banque d'Algérie et du FMI qui prévoient des tensions budgétaires entre 2015-2018 ( rapport de février 2014) sur l'économie algérienne, je mets en garde le gouvernement contre une dérive inflationniste pour des raisons électoralistes par une révision brutale de l'article 87 bis qui remettrait en cause tous les sacrifices de la population algérienne et notamment des couches défavorisées et des couches moyennes. Le nombre de salariés est évalué à 7.393.000 dont 3.508.000 non permanents et 3.785.000 permanents. Le salariat est la forme dominante et touche 65,3% des personnes en activité, minimisant certainement le poids de la sphère informelle qui représente 50% de la superficie économique. La masse salariale, avec la dominance de la fonction publique est de 54,98 milliards de dollars fin 2013 Ce qui donne un ratio masse salariale sur le PIB de 30,93% en 2013 et avec l'abrogation de l'article 87 bis risque d'aller vers 40% du PIB contre 19/20% entre 1999/2000. Ce taux ne serait pas inquiétant si la tertiairisation de l'économie avec une très faible productivité, et l'administration n'était pas dominante (emplois rente) et si existait une très forte productivité du travail ce qui n'est pas le cas pour l'Algérie. Selon l'OCDE l'Algérie dépense deux fois plus pour avoir deux fois moins de résultats par rapport à des pays similaires au niveau de la région MENA. Afin d'éviter un impact négatif sur la productivité du travail, il faut également éviter cette vision populiste du nivellement par le bas et évaluer l'impact sur le trésor public qui pourrait selon mes estimations être après les ondes de choc être entre 2017/2020 de 9/11 milliards annuellement durant toute la période d'activité des personnes concernées. L'accroissement de la productivité du travail sous réserve d'un changement de la politique économique encourageant les secteurs productifs, sinon les prévisions d'un taux de croissance de 7/8% horizon 2020 seraient une illusion, ne pouvant l'être qu'à moyen terme, la solidarité nationale pour ceux qui ne payent pas leurs impôts est la seule solution si l'on eut évité la dérive inflationniste ou l'accroissement de la sphère informelle. C'est que 50% des PMI-PME( industriel- BTPH) ne peuvent pas supporter un accroissement des salaires de 15% qui est déjà leur marge de profit. A la prochaine Tripartie, le patronat demandera des dégrèvements fiscaux, des taux d'intérêts bonifiés, un rééchelonnement de ses dettes en contrepartie d'une augmentation salariale afin d'éviter la répercussion sur le prix de la marchandise ce qui aurait un impact inflationniste accentuant le déficit budgétaire.
4.- Quatrièmement, la tripartie doit faire un constat sans complaisance afin de solutionner les véritables problèmes. Paradoxe, pour un pays pétrolier, l'Algérie a importé en 2013 environ 3,5 milliards de dollars de carburant et dérivés, soit près de 6% de ses recettes d'hydrocarbures. Le tissu industriel algérien sur lequel tous les gouvernements souhaitaient fonder la relance économique est en réalité insignifiant, le secteur industriel représentant moins de 5% du produit intérieur brut. Il est composé d'à peine 1 000 entreprises publiques, pratiquement toutes empêtrées dans de graves difficultés financières et managériales, et d'environ 200 000 petites entreprises privées de production, en grande partie jeunes et sans envergure et éprouvant d'énormes difficultés pour se maintenir en vie. Exténués par les efforts surhumains que requiert l'activité industrielle soumise à des tracasseries permanentes, bon nombre d'industriels ont, de surcroît, fait le choix de changer d'objet social pour s'installer dans le confortable créneau de l'importation et de la revente en l'état. De 2010 à ce jour, l'Algérie aurait perdu, en effet, un peu plus de 50 000 PME pendant que le nombre de sociétés de négoce progressait, passant d'environ 12 000 entités, en 2003 à environ 45 000, aujourd'hui. L'enquête effectuée par l'ONS, en 2011, confirme cette inquiétante tendance à la désindustrialisation, avec une très nette prédominance (plus de 83%) des petites entreprises de commerce et de services, par rapport aux unités des secteurs de l'industrie et du BTP réduites à la portion congrue. Les entreprises industrielles publiques, pour la plupart acquises durant les années 1970 à 1980, ont eu le temps de vieillir et de passer de mode, et ce, au moment où la technologie et l'innovation progressaient à grands pas à travers le monde. La reprise des unités industrielles publiques par des opérateurs privés ne s'étant pas faite comme prévu, les actifs industriels algériens dépassant pour la plupart vingt ans d'âge ont fini par être technologiquement déclassés. Les grands pôles industriels publics des années 1970 ont commencé à péricliter dès la fin des années 1980, tandis que le secteur privé, encore fragile et empêtré dans les méandres de la bureaucratie, a du mal à prendre le relais. Ce qui explique que l'assainissement des entreprises publiques qui ont coûté au Trésor plus de 60 milliards de dollars entre 1971/2013 ont eu peu d'impacts, plus de 70% des entreprises publiques étant revenues à la case de départ montrant que le blocage est d'ordre systémique et pas seulement dû au capital-argent. D'ailleurs ces assainissements répétés que couvre la rente des hydrocarbures( renvoyant à l'assainissement des banques publiques qui octroient plus de 85% du crédit total malades de leurs clients insolvables) concernant d'autres secteurs comme l'effacement de la dette du secteur agricole, des jeunes de l'ANSEJ qui une fois les avantages octroyés ne peuvent rembourser, et récemment l'effacement de la dette des hôpitaux de 24 milliards de dinars sans que l'on ait pensé aux causes essentielles dues à la déficience tant de la gestion globale gouvernementale que de la gestion des micro-unités.