Sous la pression des régulateurs, les grandes banques du globe se sont mises d'accord samedi pour sécuriser le système financier mondial en acceptant de renoncer à des droits dans des transactions de gré à gré. Dix-huit établissements américains, européens et asiatiques, parmi les plus importants de la planète vont modifier les règles de fonctionnement du marché de quelque 7 000 milliards de dollars de produits dérivés afin d'éviter que la faillite de l'une d'entre elles ne provoque l'effondrement du système financier mondial, a indiqué dans un communiqué l'ISDA. L'Association internationale des swaps et dérivés (ISDA) est l'organisme représentant le secteur. C'est elle qui mène les négociations avec les autorités de régulation. Les produits dérivés sont des "assurances" sur des actions, des obligations, des indices boursiers ou encore des matières premières comme le blé, le pétrole voire le cuivre, négociées de gré à gré et sur lesquelles spéculent les investisseurs institutionnels (banques, fonds d'investissement, assureurs, fonds de pension...). Leur but premier est de permettre aux firmes de se couvrir contre différents types de risques financiers. Ce marché peu régulé a montré sa puissance en 2008 en précipitant la crise financière. La faillite de Lehman Brothers, gros trader sur le marché des produits dérivés, en septembre 2008 avait en effet donné lieu à un débouclage massif de contrats dérivés avec la banque, ce qui avait provoqué le chaos sur les marchés financiers. Depuis les régulateurs à travers le globe font valoir qu'un délai aussi minime soit-il pourrait permettre à une banque défaillante de pouvoir se recapitaliser et éviter un effet panique aux marchés financiers. Les régulateurs auraient ainsi, avancent-ils, davantage de temps pour céder l'établissement à un acheteur. La banque centrale américaine (Fed) fait même valoir qu'un plan de sortie de crise crédible et bien préparé d'une banque en difficulté peut faire disparaître le sentiment que les gouvernements voleront toujours au secours d'établissements considérés comme systémiques. Ce nouvel accord, qui sera effectif à partir du 1er janvier, veut éviter qu'une situation à la Lehman Brothers se reproduise. Fait inédit, les grandes banques ont accepté d'abandonner le principe du débouclage automatique ("close out") des contrats si une institution financière se trouve en difficulté, a indiqué dans un communiqué l'ISDA. Concrètement, en cas de défaillance d'un grand établissement posant des risques pour le système financier ("Too big to fail") les banques vont mettre en place un délai pour donner davantage de temps aux régulateurs afin qu'ils trouvent une solution évitant une faillite "désordonnée" aux conséquences potentiellement explosives. Cette solution contractuelle vise à suspendre temporairement le débouclage automatique des contrats. L'objectif est de limiter l'effet dévastateur de ces banques jugées systémiques, c'est-à-dire dont les difficultés pourraient faire vaciller l'ensemble du système financier tout entier (Too big to fail) et l'économie mondiale. Les régulateurs de par le globe n'ont eu de cesse d'appeler à modifier les règles contractuelles régissant les produits dérivés qui échappent à leur surveillance parce que ce sont des contrats de gré à gré (OTC). Ils s'étaient jusqu'ici heurtés au refus des banques mais la Fed en avait fait l'un des arguments à prendre en compte dans les tests de solidité de banques ou "testaments". "Cette initiative est un pas important pour réduire les risques d'une instabilité financière associés à une résiliation brusque des contrats", ont salué la banque centrale américaine (Fed) et le FDIC, deux des principaux régulateurs bancaires américains en pointe sur ce dossier, dans un communiqué commun. "C'est un pas important fait par l'industrie pour s'attaquer à la question du +Too big to fail+ et réduire le risque systémique", a souligné dans un communiqué Scott O'Malia, le patron de l'ISDA. Cet accord "va réduire les risques de faillite désordonnée", a-t-il insisté. "Il n'y a aucun doute que ce changement va modifier de façon importante la capacité à stopper l'effet domino d'une crise", surenchérit Dennis Kelleher, président de Better Markets, une association qui milite pour une plus grande régulation des marchés financiers. Les banques auxquelles va s'appliquer cet accord sont: Bank of America, Bank of Tokyo-Mitsubishi, Barclays, BNP Paribas, Credit Agricole, Crédit Suisse, Citigroup, Deutsche Bank, Goldman Sachs, JPMorgan Chase, HSBC, Mizuho Financial Group, Morgan Stanley, Nomura, Royal Bank of Scotland (RBS), Société Générale, UBS, Sumitomo Mitsui et UFJ.