Le Japon a encore enduré en septembre un déficit commercial dont l'ampleur a surpris, nouveau signe d'un ralentissement de l'économie dans l'archipel, où les doutes essaiment sur la politique de relance du Premier ministre Shinzo Abe. Le déficit s'annonce une nouvelle fois abyssal en 2014, après une année 2013 qui avait déjà atteint des sommets. Pour l'ensemble des neuf premiers mois, les comptes commerciaux ont affiché un solde négatif de 10 477 milliards de yens, soit une hausse de 35% par rapport à la même période un an plus tôt. En septembre, il s'est révélé bien supérieur aux prévisions des analystes, s'aggravant de 1,6% sur un an, à 958,3 milliards de yens, un déséquilibre record pour le mois, selon des statistiques du ministère des Finances. Il s'agit du 27e mois consécutif dans le rouge pour la troisième puissance mondiale, pénalisée par une lourde facture énergétique depuis l'accident nucléaire de Fukushima qui a entraîné l'arrêt de tous les réacteurs, dans un pays autrefois très dépendant de l'énergie atomique. Dans ce contexte, les achats d'hydrocarbures flambent: ceux de gaz naturel liquéfié (GNL) ont ainsi bondi de 21% le mois dernier. Au final, les importations, renchéries en outre par l'affaiblissement du yen face aux principales devises, ont augmenté de 6,2% sur la période. Le secteur des télécommunications (+11,6%) a également contribué à cette hausse, en partie du fait du lancement de l'iPhone 6, le nouveau modèle du géant américain Apple, très prisé dans l'archipel nippon. Si un léger mieux a été observé du côté des exportations qui se sont redressées (+6,9%), ce nouvel indicateur décevant "ne présage rien de bon", a estimé Takeshi Minami, de l'Institut de recherche Norinchukin. D'autant qu'il survient après d'autres données très mitigées, de la consommation des ménages à la production industrielle.
Haro sur les abenomics Le Japon a subi une très forte contraction de l'économie au deuxième trimestre (la pire depuis la catastrophe de mars 2011), contrecoup de l'entrée en vigueur début avril d'une taxe sur la consommation de 8% (contre 5% auparavant), et peine à s'en relever depuis lors. "Le gouvernement et la Banque du Japon (BoJ) pensaient que cet affaiblissement serait compensé par la demande extérieure", souligne M. Minami. "Or le scénario semble s'effondrer" face à une zone euro menacée de récession. Partenaire incontournable, la Chine elle-même marque le pas: elle a enregistré au troisième trimestre un net ralentissement de sa croissance, au plus bas depuis plus de cinq ans. Pour le Premier ministre japonais, dont les "abenomics" - un cocktail de largesses budgétaires, d'assouplissement monétaire et de réformes structurelles - faisaient figure de recette miracle il y a encore peu, la donne a radicalement changé et le spectre d'une récession plane désormais sur l'archipel. Les autorités ont une nouvelle fois dégradé cette semaine leur diagnostic économique, à l'approche de la publication très attendue des chiffres du produit intérieur brut (PIB) au troisième trimestre, dévoilés mi-novembre. Le Fonds monétaire international (FMI) a fait part de ses inquiétudes dans son récent rapport mondial et sabré sa prévision annuelle de croissance à 0,9%, contre 1,6% escomptés auparavant. "Deux ans après le lancement du programme tant vanté de Shinzo Abe pour relancer l'économie japonaise", les difficultés s'accumulent et "l'enthousiasme que ce nouveau départ avait suscité a fait long feu", jugeait mardi le Financial Times dans un éditorial. Devant ces sombres perspectives, Shinzo Abe, qui vient de perdre deux ministres femmes sur fond de scandales et voit sa popularité s'éroder, pourrait être tenté de repousser une impopulaire seconde hausse de taxe, initialement prévue à l'automne 2015. Mais il s'exposerait alors à l'ire des organisations internationales et du gouverneur de la BoJ, désireux d'endiguer la dette publique du pays (près de 250% du PIB).