L'allemand EON a annoncé avant-hier soir une cession géante, plusieurs milliards d'euros de nouvelles dépréciations, et une réorientation stratégique qui le verra tourner le dos à ses activités de production conventionnelle d'électricité au profit des énergies renouvelables. EON, mastodonte de l'énergie avec plus de 120 milliards d'euros de chiffres d'affaires annuel et 60 000 salariés, est arrivé à la conclusion que son modèle d'un large éventail d'activités ne correspond plus aux nouveaux défis, a expliqué dans un communiqué son patron, Johannes Teyssen. C'est pourquoi nous voulons nous repositionner de manière radicale, a-t-il annoncé. De nouvelles dépréciations de 4,5 milliards d'euros au quatrième trimestre 2014 - en sus des 700 millions d'euros déjà enregistrés entre janvier et septembre - témoignent des difficultés persistantes du groupe, victime de la transition énergétique et de prix du courant au plus bas sur les marchés de gros. Comme son rival allemand RWE, le suédois Vattenfall ou encore le français GDF Suez, EON a vu la rentabilité de ses centrales fossiles s'étioler, jusqu'à devoir en fermer certaines. Charbon et surtout gaz n'arrivent pas à tenir tête aux énergies renouvelables subventionnées et prioritaires dans l'alimentation du réseau. Les centrales nucléaires du groupe sont en outre promises à la fermeture, alors que l'Allemagne a décidé de se passer du nucléaire d'ici 2022. EON est également très endetté.
Nouveau départ Depuis trois ans, le groupe de Düsseldorf (ouest) tente de faire front en se concentrant sur certains marchés porteurs (Turquie, Brésil, Russie) et en allégeant son portefeuille. Dimanche il a ainsi annoncé la cession, largement anticipée, de ses actifs en Espagne et au Portugal à l'australien Macquarie, investisseur spécialisé dans les infrastructures et l'énergie, pour 2,5 milliards d'euros. Mais au-delà de ces mesures, il faut un nouveau départ courageux, a expliqué M. Teyssen à l'issue d'une réunion du conseil de surveillance qui a avalisé la nouvelle stratégie. EON va désormais se concentrer sur les renouvelables, les réseaux et les solutions pour les clients, et entend ainsi tirer parti des opportunités de croissance qui naissent de la recomposition du secteur énergétique, selon le communiqué. Ce nouvel EON allégé comptera environ 40 000 salariés. Dès l'an prochain, le groupe y investira près de 5 milliards d'euros, par exemple dans les réseaux intelligents en Europe et en Turquie. Les activités traditionnelles de génération d'électricité, dans le gaz (exploration, stockage, distribution) et de négoce d'énergie seront réunies dans une société séparée, dont les actionnaires d'EON auront la majorité. Cette nouvelle entité, qui n'a pas encore de nom, comptera 20 000 salariés.
Nouvelles cessions La scission doit être effective en 2016, et durant l'année 2015, EON va préparer les conditions pour une mise en Bourse de la nouvelle société. Celle-ci sera bien placée pour mener la consolidation nécessaire sur le marché européen de la génération d'électricité, fait valoir EON. L'une et l'autre société auront une assise financière solide, préserveront les emplois et à terme en créeront de nouveaux, assure le groupe. Notre nouvelle stratégie n'est pas un programme de suppressions d'emplois, a insisté M. Teyssen. De nouvelles cessions feront partie intégrante de la mue d'EON: la vente de ses actifs en Italie - sur laquelle la presse spécule depuis déjà plusieurs mois - est ainsi à l'étude, et le groupe examine les options stratégiques pour ses activités d'exploration en mer du Nord. EON a également annoncé envisager le paiement d'un dividende de 0,50 euro par action au titre de l'exercice 2014 et 2015, et ce indépendamment des pertes dont il risque de souffrir. Le groupe a maintenu ses prévisions d'excédent brut d'exploitation (Ebitda) et de bénéfice net récurrent pour cette année, deux agrégats qui ne seront pas affectés par les nouvelles dépréciations annoncées dimanche. Celles-ci vont en revanche se traduire par une perte nette de plusieurs milliards.