Le sénat américain accuse la CIA de recourir à la torture pour interroger les suspects de terrorisme et d'avoir menti aux autorités du pays concernant l'efficacité de ces méthodes, a écrit hier le quotidien Rossiïskaïa gazeta. Ces conclusions accablantes se trouvent dans un rapport de 500 pages rendu public mardi par la commission du sénat pour le renseignement. Ce document, qui a demandé près de cinq ans de travail, est la première analyse officielle du programme de la CIA appliqué sous l'administration de George W. Bush après les attentats du 11 septembre 2001, permettant d'appréhender des individus soupçonnés de terrorisme, de les envoyer dans des prisons secrètes à l'étranger et de les torturer pour obtenir des informations sur Al-Qaïda. Cependant, en étudiant les données de la CIA, le sénat a conclu que "la violence des agents sortait largement du cadre légal", en particulier quand ils ont recours aux méthodes telles que la simulation de noyade, l'alimentation par voie rectale, la privation de sommeil, la détention dans des espaces confinés et les insultes. La CIA a "des dizaines de fois fourni de fausses informations et menti" à la Maison blanche et au congrès au sujet des méthodes utilisées et de leur efficacité. De plus, l'agence cherchait à "échapper à la surveillance" en détruisant les enregistrements des interrogatoires. Le rapport révèle notamment une consigne interne de la CIA prescrivant de ne pas dévoiler les informations sur les tortures au secrétaire d'Etat de l'époque, Colin Powell. Ce rapport contient des informations sur les 119 détenus dans le cadre de ce programme antiterroriste, dont au moins 26 personnes ont été arrêtées par erreur ou sur de fausses orientations. Malgré cela, "les agents n'ont pratiquement jamais été poursuivis". La conclusion la plus douloureuse pour la CIA est que l'emploi de méthodes brutales d'interrogatoire, qui sont considérées comme des tortures même par le président Barack Obama, "n'a pas été un moyen efficace pour obtenir des renseignements". La CIA a réagi en disant qu'elle avait l'intention de publier son propre rapport et se réfère aux "nombreuses lacunes" dans le rapport du sénat. Le président Obama a remercié la CIA pour ses efforts dans la lutte contre Al-Qaïda, tout en notant que ces méthodes d'interrogatoire ne correspondaient pas aux valeurs américaines et avaient nui "à l'image des USA, aux efforts antiterroristes et au travail avec les partenaires". Le rapport complet a été préparé par des congressistes démocrates de la commission du sénat pour le renseignement et s'étend sur 6 000 pages environ. Seulement 500 ont été rendues publiques.
LaCIAasauvédesvies. com, réplique des espions aux accusations de torture D'anciens responsables de l'agence américaine d'espionnage CIA, accusée par un rapport d'avoir torturé pendant des années des détenus dans des prisons secrètes après le 11-Septembre, ont lancé la contre-offensive avec un site internet, CIAsavedlives.com. La campagne de relations publiques, inhabituelle pour des espions, ne vise pas à contester le recours aux techniques brutales d'interrogatoire mais, au contraire, à en justifier l'efficacité et la légalité. Le site a été créé par un groupe d'anciens responsables de la CIA avec des siècles d'ancienneté cumulés. Le programme était totalement autorisé par de hauts responsables de la Maison Blanche, du Conseil national de sécurité et du département de la Justice, soutiennent les auteurs, répondant aux conclusions du rapport sénatorial publié mardi, qui montre que la CIA a menti et communiqué des informations inexactes aux dirigeants américains, au Congrès et aux Américains. A aucun moment, les anciens responsables ne répondent à une question centrale: quand le président George W. Bush a-t-il été au courant des techniques spécifiques utilisées' Le site reprend la réponse des républicains de la commission du Renseignement du Sénat. Ceux-ci, à l'exception d'une sénatrice, ont dénoncé le rapport officiel de la commission, élaboré par les enquêteurs démocrates, et publié leur propre réfutation. Les documents montrent qu'à une heure de graves menaces contre les Etats-Unis, le programme a été efficace pour sauver des vies américaines et alliées, et pour empêcher une autre attaque à grande échelle sur le territoire américain, écrit l'ancien directeur de la CIA George Tenet sur le site. Un lien renvoie à une tribune publiée par cinq anciens patrons de la CIA sur le site du Wall Street Journal: les anciens directeurs George Tenet, Porter Goss et Michael Hayden, ainsi que les anciens numéros deux John McLaughlin, Albert Calland et Stephen Kappes. Ils y réaffirment que le programme a permis la capture de hauts responsables d'Al-Qaïda, de déjouer des attentats et d'apprendre énormément de choses sur le réseau extrémiste. Sans les interrogatoires brutaux, dont la simulation de noyade, ils se disent convaincus que Khaled Cheikh Mohammed n'aurait pas livré les informations qui ont conduit à la capture d'Hambali, auteur d'un attentat à Bali. L'arrestation de ces agents d'Al-Qaïda a sauvé des milliers de vies car elle a mis fin à leurs projets, écrivent-ils. Intervenant mardi à la tribune d'une conférence sur le terrorisme à Washington, John McLaughlin a estimé que les informations fournies par ce programme (d'interrogatoires poussés) sont probablement l'élément le plus important qui nous a permis de comprendre et de combattre Al-Qaïda. Ce que la commission ne comprend pas, c'est comment l'analyse des renseignements fonctionne. Elle ne comprend pas l'importance des détails, des confirmations. Il a ainsi cité en exemple le cas de l'arrestation au Royaume-Uni d'un agent d'Al-Qaïda qui préparait une campagne d'attentats après qu'un détenu soumis à ce programme eut lâché son nom, deux à trois ans plus tôt. Il a également assuré que des détails donnés dans les mêmes circonstances sur le messager qui a finalement conduit à Oussama ben Laden, avaient permis de comprendre l'importance du personnage, et donc de se concentrer sur lui. Partisans et détracteurs du rapport répondent en fait à deux questions différentes. Le rapport de la commission ne conclut pas que le programme n'a permis d'obtenir aucune information. Il montre que les informations obtenues étaient soit déjà disponibles par d'autres moyens, ou bien n'ont pas permis, en soi, de déjouer des projets d'attentats réels et imminents.