Face au casse-tête de la déflation qui menace la zone euro, la Banque centrale européenne (BCE) voit sa tâche compliquée par la chute du pétrole qui freine encore les prix à court terme mais pourrait in fine doper la croissance... Et les prix. Le président de la BCE Mario Draghi s'est inquiété publiquement la semaine dernière de l'évolution des cours de l'or noir qui risque de faire flancher encore l'inflation déjà très basse dans la région (0,3% en novembre). Mais pour le président de la Bundesbank allemande, Jens Weidmann, le pétrole agit comme un petit programme de conjoncture sur l'Allemagne et la zone euro. Un avis partagé par les économistes de la banque allemande M.M.Warburg, qui anticipent un impact positif sur l'économie mondiale. Conjuguée à l'affaiblissement de l'euro face au dollar, cette situation pourrait avoir un effet bénéfique sur la confiance et l'investissement, avec à la clé un choc de croissance de nature à relancer la dynamique des prix, estime Sylvain Broyer, chef économiste chez Natixis. Il est trop tôt à ce stade pour observer le phénomène, reconnaît-il toutefois. La BCE a déjà le doigt sur la gâchette pour renforcer encore son soutien à l'économie chancelante de la zone euro et contrer le risque de déflation. Serait-elle mieux avisée d'attendre que l'effet pétrole joue à plein'
Inflation négative ? L'institution, dont le mandat est de garantir la stabilité des prix et uniquement cela, ne peut pas se permettre le luxe de rester passive, a expliqué mardi Peter Praet, son économiste en chef. Selon Christoph Weil, économiste de Commerzbank, l'or noir pourrait faire chuter l'inflation en zone euro en territoire négatif dès le mois de décembre, à -0,1%, et peut-être encore plus bas les mois suivants. Mercredi, le cours du Brent s'est établi sous la barre des 65 dollars le baril, son plus faible niveau depuis juillet 2009. Le prix du pétrole a chuté de près de moitié depuis fin juin, un recul qui s'est accéléré après la décision le mois dernier de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) de maintenir la production inchangée, sur un marché où l'offre est surabondante et la demande poussive. Pour la BCE, le passage symbolique de l'inflation en négatif serait loin d'être négligeable en terme d'image et de crédibilité, considère Gilles Moëc, chef économiste chez Bank of America-Merrill Lynch. L'inflation sous-jacente reste faible, la situation macroéconomique se détériore et les mesures déjà annoncées par la Banque centrale affichent un gros retard à l'allumage, (...) on ne peut pas attendre d'être en récession ou en déflation avérée pour agir plus, ajoute M. Moëc, qui met en garde contre tout excès d'optimisme concernant l'impact du pétrole sur la croissance.
Evaluation début 2015 Certes une baisse durable des prix du baril constitue une bonne nouvelle pour les consommateurs et les entreprises, dont la facture à la pompe ou en fuel de chauffage s'est allégée de manière inédite dans certains pays depuis quatre ans. Mais la baisse du prix du baril risque fort de dégrader les attentes d'inflation, agrégat très regardé par la BCE, a expliqué cette semaine M. Praet. Plus celles-ci sont basses, plus le risque de déflation est tangible. Spirale auto-entretenue de baisse des prix et des salaires, synonyme de dépression de l'économie, la déflation est au même titre que la sur-inflation l'ennemi à abattre pour la BCE, qui situe l'inflation idéale à un peu moins de 2%. L'institution monétaire, déjà très active dans son soutien à la zone euro, a affirmé la semaine passée avoir intensifié ses préparatifs en vue d'une nouvelle intervention. Plusieurs options d'achats d'actifs de grande envergure, et notamment d'obligations souveraines, sont à l'étude. La plupart des analystes s'attendent désormais à un passage à l'acte début 2015. L'institution va évaluer début 2015 l'impact du prix du pétrole sur la tendance de moyen terme de l'inflation, a-t-elle précisé dans son rapport mensuel jeudi.