Les autorités américaines ont infligé lundi une amende record de 772,29 millions de dollars au groupe énergétique français Alstom, accusé de corruption dans plusieurs pays et notamment en Indonésie, permettant ainsi l'acquisition de ses activités dans l'énergie par l'américain GE. Le fabricant des trains à grande vitesse (TGV) a reconnu que certains de ses responsables et employés avaient versé des pots-de-vin à des officiels en Indonésie, en Egypte, en Arabie saoudite, dans les Bahamas et à Taïwan pour remporter des contrats, selon le département américain de la Justice (DoJ). Au total, Alstom a versé pour plus de 75 millions de dollars de dessous de table pour remporter des projets évalués au total à 4 milliards de dollars, selon la Justice américaine. En Indonésie, le groupe français voulait, dans le cadre d'une coentreprise avec la société japonaise Marubeni, remporter un contrat de 118 millions de dollars dans le domaine de l'énergie, connu sous le nom de projet Tarahan. Quatre cadres du groupe français ont déjà été inculpés dans cette affaire. Ce faisant, Alstom violait la loi américaine sur les pratiques de corruption à l'étranger (FCPA). La FCPA donne aux Etats-Unis le droit d'enquêter sur de tels agissements quand ils impliquent une entreprise cotée à la Bourse américaine ou des citoyens ou résidents américains. Alstom était coté à Wall Street jusqu'en 2004.
Plaider coupable L'arrangement à l'amiable annoncé lundi est un deferred prosecution agreement: un accord selon lequel, outre l'amende, l'entreprise plaide coupable et s'engage à ne plus commettre d'infractions similaires. En échange, les autorités renoncent à la poursuivre au pénal. La banque française BNP Paribas avait en juin conclu un accord similaire dans le cas d'autres poursuites aux Etats-Unis. Il doit encore être approuvé par un juge comme le veut la procédure judiciaire américaine. En attendant, Alstom et GE voient conforté le calendrier de finalisation du rachat du pôle énergie du premier par le second. GE espère avoir fini d'ici mi-2015 avec cette opération de 12,4 milliards d'euros lui donnant 100% des turbines à gaz d'Alstom, 100% des turbines à vapeur hors nucléaire sauf en France, 50% des turbines à vapeur nucléaires et 100% de certaines énergies renouvelables notamment. Nous sommes heureux qu'Alstom ait résolu ce problème, a confié un porte-parole du groupe américain, Dominic McMullan. Le plaider-coupable d'Alstom n'aura aucun changement matériel sur les grandes lignes de notre accord, assure-t-il. Cet accord avec le DOJ met un point final à ce dossier, a commenté pour sa part le P-DG d'Alstom Patrick Kron. Cette pénalité financière, la plus importante jamais infligée aux Etats-Unis dans le cadre de la FCPA, sera entièrement prise en charge par le groupe français, avait expliqué la semaine dernière M. Kron. Une source proche du dossier avait indiqué que ce fleuron de l'industrie française avait accepté de payer 700 millions de dollars pour solder les poursuites. Aucune partie de l'amende ne pourra être transférée à General Electric même si ce sont les filiales énergétiques (Alstom Power, Alstom Grid...) qui sont mises en cause par les autorités américaines, a réitéré lundi le groupe français. Cette décision devrait se matérialiser par un impact négatif non précisé sur les comptes d'Alstom, avait ajouté M. Kron.
Action judiciaire Quelques six mois après son annonce, le processus de finalisation du rachat du pôle énergie d'Alstom par GE, acquisition la plus importante dans l'histoire du conglomérat américain, se trouve désormais bien avancé. Après l'accord de l'Etat français en novembre, l'accord donné vendredi par les actionnaires d'Alstom, il ne reste plus que le feu vert des autorités règlementaires dans une vingtaine de pays. Mais l'opération, qui a suscité une controverse politique en France, pourrait être perturbée par des procédures parallèles et retarder le retour amorcé de GE à ses racines industrielles. L'Association française de défense des actionnaires minoritaires (Adam) a assigné en justice l'Etat et Bouygues, premier actionnaire d'Alstom avec un peu plus de 29% du capital. L'acquisition du pôle énergie d'Alstom est une pièce maîtresse dans la stratégie du P-DG de GE, Jeffrey Immelt, visant à se désengager de la finance, un secteur qui avait durement affecté le groupe pendant la crise de 2008.