La Grèce a tenté hier d'arracher un accord sur un nouveau programme de financement lui permettant de tourner la page de l'austérité. La réunion hier après-midi à Bruxelles des ministres des Finances de la zone euro pourrait ne pas suffire pour combler le fossé actuel entre Athènes et ses partenaires européens. "Je m'attends à des négociations difficiles", a déclaré le Premier ministre grec Alexis Tsipras dans un entretien dimanche au magazine allemand "Stern", tout en se disant "confiant". Signe de la tension entre Athènes et Bruxelles, M. Tsipras a réclamé de parler dimanche au téléphone avec le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker. "Le président Juncker a fait une nouvelle tentative dans une situation extrêmement difficile", a indiqué un responsable européen sous couvert de l'anonymat à propos de cet entretien, sans en dire davantage. La réunion des ministres des Finances de la zone euro débutera lundi à 14h00. "Il n'est pas certain qu'il y aura un accord lundi", a estimé dimanche le gouvernement grec. "C'est une course d'endurance menée de manière prudente et respectueuse de la démocratie". Un accord peut être trouvé "à la dernière minute, voire après la dernière minute", a renchéri le ministre grec des Finances, Yanis Varoufakis, laissant présager une longue nuit de négociations.
Le risque d'un "Grexit" L'enjeu est crucial pour la Grèce: il s'agit de trouver comment se financer à court terme, alors que son programme d'aide prend fin le 28 février, et avant d'envisager une solution pour alléger sa dette colossale de 315 milliards d'euros, soit plus de 175% de son PIB. Faute d'un accord, le pays, qui ne peut emprunter qu'au compte-gouttes et à des taux prohibitifs, risque de se retrouver à court d'argent, avec le risque d'une sortie de l'euro. Un "Grexit" qui dans le pire des scénarios pourrait menacer la monnaie unique. Les discussions seront très difficiles entre une zone euro, emmenée par l'Allemagne, convaincue d'avoir déjà beaucoup fait pour la Grèce avec une aide de 240 milliards d'euros depuis 2010, et un pays usé par des années de récession et humilié par la tutelle de ses créanciers (UE, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international), qui lui imposent des réformes douloureuses.
L'avenir du "mémorandum" Le patron de la zone euro, le Néerlandais Jeroen Dijsselbloem, s'est dit vendredi "pessimiste" sur les chances d'un accord, après une première réunion désastreuse la semaine dernière, qui s'était conclue sans la moindre avancée. Les Européens veulent une extension du plan d'aide en cours, pour garder la main sur les réformes face au nouveau gouvernement grec dominé par la gauche radicale de Syriza, qui veut en terminer avec le "mémorandum" actuel. La possibilité de ne pas le prolonger est "une option", a reconnu un haut responsable européen sous couvert d'anonymat. A condition de convaincre les capitales les plus inflexibles, en premier lieu Berlin. Concrètement, Athènes propose la mise en place d'un accord-relais, accompagné d'un programme de réformes assoupli, où les mesures jugées les plus antisociales seraient remplacées par de nouvelles. Pour Jean-Claude Juncker, une mesure "antisociale" doit être remplacée par une autre ayant un impact budgétaire équivalent.
"Besoin de temps" Des réunions préparatoires ont eu lieu au cours du week-end à Bruxelles pour expliciter les positions de chacun et identifier les points de convergence. Un rapport doit être remis lundi lors de la réunion de l'Eurogroupe, mais il subsiste de nombreux points de friction, notamment sur les privatisations, sur lesquelles le nouveau gouvernement grec veut en grande partie revenir, ou les droits des salariés dans l'entreprise, a indiqué M. Varoufakis. "Au lieu d'argent, nous avons besoin de temps pour mettre en oeuvre notre plan de réformes. Je vous le promets: après cela, la Grèce sera un autre pays dans six mois", a promis de son côté Alexis Tsipras.
Le gouvernement prêt à aller jusqu'au bout et au-delà pour un accord Le gouvernement d'Alexis Tsipras, très soutenu par les Grecs, se préparait dimanche pour l'Eurogroupe d'hier dont le sort du pays dépend, avec la volonté de tout faire pour trouver un accord sur la dette colossale du pays, sans pour autant annoncer de concessions. Notre position, basée sur la logique, est forte, et conduira à un accord, même à la dernière minute, voire après la dernière minute, a indiqué dans une interview à Kathimerini dimanche le ministre des Finances Yanis Varoufakis. Selon M. Varoufakis, tant les Grecs que le reste de l'UE feront tout ce qu'il faut pour éviter un résultat qui affaiblisse l'unité de la zone euro. Le ministre s'est dit convaincu que l'Europe sait conclure des accords honorables à partir d'honorables désaccords. Il a évoqué un niveau d'optimisme important à la veille de la réunion des 19 ministres des Finances de l'Eurogroupe. Cette réunion est déterminante, mais risquée. Le nouveau gouvernement de gauche radicale Syriza d'Alexis Tsipras veut rompre avec les programmes d'aide imposés à la Grèce depuis cinq ans par l'UE, la BCE et le FMI, et qui ont considérablement pesé sur la vie quotidienne de la population, en échange de 240 milliards de promesses d'aide. La Grèce semble résolue à faire des réformes, mais qui seraient contenues dans un nouveau programme dont Athènes aurait cette fois la maîtrise. Le porte-parole du gouvernement Gabriel Sakellaridis, dimanche, a affirmé sur Skai TV que le gouvernement est déterminé à honorer ses engagements vis-à-vis des électeurs et ne poursuivra pas le programme tel qu'il était jusqu'alors. Tout en trouvant une solution qui profite à tout le monde, a-t-il dit lui aussi. Il n'y a pas de plan B, a annoncé de son côté M. Varoufakis. Or l'UE, pour l'instant, ne veut s'engager qu'à une extension du programme en cours, qui s'achève le 28 février. Le risque d'une sortie de la Grèce de la zone euro est important s'il n'y a pas d'accord lundi et si le pays est ainsi contraint à ne pas pouvoir honorer ses engagements financiers.
Le soutien du peuple, notre force Des discussions ont encore eu lieu samedi, sous forme d'échange de vues pour une meilleure compréhension des positions de chacun, a déclaré un officiel de l'UE samedi. De ces discussions doit sortir un rapport qui sera présenté à l'Eurogroupe. Or, M. Varoufakis prévient dans son interview qu'il reste des points de friction, notamment sur les privatisations, sur lesquels le nouveau gouvernement veut en grande partie revenir, ou les droits des salariés dans l'entreprise. Le gouvernement a en effet derrière lui une large majorité de Grecs : 60,6% des personnes interrogées par Kapa Research pour le journal To Vima de dimanche ont une bonne opinion de lui, contre 37,1% qui pensent le contraire. Les Grecs cependant n'envisagent qu'à 48,1% un succès des négociations, et à 51,1% un échec. Le gouvernement comptait aussi sur les manifestations de soutien à ses demandes, dimanche, en Grèce, Paris ou Lisbonne. Samedi à Rome, déjà, plusieurs centaines de manifestants ont défilé à l'appel d'organisations, syndicats et partis de gauche, pour soutenir les positions anti-austérité du gouvernement grec. Mercredi, au moins 15 000 personnes s'étaient rassemblées pacifiquement sur la place Syntagma, à Athènes, et 5 000 autres à Thessalonique, la deuxième ville du pays. Le gouvernement Tsipras a aussi reçu un soutien inattendu dimanche : l'ancien Premier ministre socialiste Georges Papandréou, qui avait été pourtant le premier à accepter en 2010 que son pays soit mis sous programme d'assistance, a écrit aux 28 dirigeants européens pour leur demander de trouver un accord mutuellement profitable, en insistant sur tous les efforts déjà consentis par les Grecs, qui souffrent encore d'un chômage à plus de 25%.