Les cimentiers suisse Holcim et français Lafarge sont parvenus vendredi à un accord sur leur projet de fusion, remis récemment en question. D'un rapport d'échange de 1/1, les parties ont convenu que 9 actions Holcim correspondront désormais à 10 actions Lafarge. Le patron du groupe français, Bruno Lafont, qui devait prendre la direction de la future entité, se contentera de la co-présidence non exécutive aux côtés Wolfgang Reitzle, président actuel de Holcim. Le nom du prochain directeur général sera proposé par Lafarge et devra être accepté par Holcim, précise un communiqué conjoint publié vendredi. Beat Hess, vice-président de Holcim, conservera son poste dans l'entreprise unifiée. La finalisation de la fusion est désormais anticipée pour juillet, contre "vers le milieu de l'année" initialement. Au terme de l'opération, les deux groupes ont convenu de proposer à leurs actionnaires le versement d'un dividende en action, correspondant à un vingtième du capital.
Remise en cause tardive Le projet avait été dévoilé en avril 2014 et l'aval des autorités européennes avait été demandé en octobre. La Commission européenne avait donné son feu vert à la mi-décembre. Dans la foulée, les deux groupes avaient désigné M. Lafont pour reprendre la direction du futur mastodonte et M. Reitzle pour la présidence. En février, des discussions exclusives avec l'irlandais Cement Roadstone Holding (CRH) pour la cession de 6,5 milliards d'euros d'actifs étaient engagées, sous condition de réalisation de la fusion. L'opération a reçu jeudi l'aval de 99,99% des actionnaires de CRH, convoqués en assemblée générale extraordinaire. Une clause prévoit le versement par Lafarge et Holcim d'un dédommagement de 158 millions d'euros eu cas de désistement. Les actifs cédés comprennent des activités en Europe, notamment en France, mais aussi au Canada, au Brésil et aux Philippines. Fin février, Lafarge a publié un recul de l'excédent brut d'exploitation 2014, tandis qu'Holcim a accru le sien. Début mars, Thomas Schmidheiny, qui dispose d'un cinquième du capital de Holcim, a jeté un pavé dans la mare, laissant entendre que l'échange d'actions à parité entre les deux entreprises devait être révisé. Il a été suivi par le conseil d'administration, qui a réclamé de plus une nouvelle répartition des postes à la direction. "Thomas Schmidheiny est satisfait que les dissonances apparues au cours des dernières semaines ont pu être harmonisées", a réagi un porte-parole vendredi. M. Lafont a pour sa part souligné en conférence téléphonique le "caractère équilibré de la gouvernance avec une parité au sein du conseil d'administration et au niveau du comité exécutif". Ce dernier a estimé "très probable" que la fusion ait désormais lieu. "Les enjeux sont énormes" et face à cela "une personne ne doit pas bloquer l'accord", a dit le P-DG de Lafarge dans un entretien au journal allemand "Handelsblatt". Le patron du cimentier français estime pouvoir "bien travailler" avec l'autre co-président Wolfgang Reitzle. Toutes les parties prenantes, y compris les actionnaires, ont donné leur accord à ces changements, a souligné M. Lafont. Sur la base des résultats 2014 et hors effets des cessions à CRH, le groupe unifié aurait généré un chiffre d'affaires cumulé l'an dernier de 19,11 milliards de francs suisse pour Holcim et de 12,84 milliards d'euros pour Lafarge, soit plus de 32,5 millions de francs au cours du jour.
Pas encore gravé dans le marbre La plupart des analystes saluent l'entente, qui reflète mieux le rapport de forces. La force du franc a également joué un rôle. Certains restent néanmoins circonspects, les termes du nouvel accord n'ayant pas encore obtenu l'aval des actionnaires des deux groupes. Vontobel, qui tablait sur des ajustements encore plus avantageux pour le groupe suisse, n'en accueille pas moins la confirmation de l'opération avec soulagement. Baader Helvea prévient pour sa part que le feuilleton n'a pas encore trouvé son épilogue et que d'autres modifications de scénario sont à prévoir. Des courtiers rappellent l'important potentiel de synergies que présentera le futur géant de la construction. Le retrait de la candidature du patron de Lafarge alimente les spéculations sur le recrutement du prochain CEO. La Banque cantonale de Zurich (ZKB) penche pour une personnalité externe aux deux entreprises. L'établissement juge par ailleurs que la future structure dirigeante, avec deux co-présidents, compliquera le processus décisionnel de l'entreprise. La nominative Holcim a clôturé en hausse de 0,5% à 76,15 francs, dans un SMI en hausse de 0,73%. Au CAC 40, Lafarge a pris près de 2% à 63,54 euros.